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Fongicides : Bayer mise sur l'intelligence artificielle pour créer des nouvelles molécules

L’intelligence artificielle (IA) est-elle la solution pour créer des molécules chimiques répondant à la fois aux attentes des agriculteurs et de la société ? Oui, à en croire les chercheurs des laboratoires Bayer de Lyon, qui prévoient de sortir en 2028 leur première matière active conçue avec l'aide de l’IA.

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Mathieu Gourgues, responsable du service de la Biologie, Florent Villiers, responsable de laboratoire en biochimie computationnelle et Laurent Bialy, responsable Excellence chimie, chez Bayer à Lyon.
© MC.Bidault

Alors qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour de nouvelles matières actives, la dernière en Europe remonte à 2019, l’intelligence artificielle (IA) semble ouvrir de nouvelles perspectives en redéfinissant la façon dont les molécules chimiques sont conçues.

Florent Villiers, responsable de laboratoire en biochimie computationnelle au Centre de recherche de la Dargoire à Lyon, unique site européen de Bayer dédié aux fongicides, explique de façon simple et imagée, la nouvelle façon de travailler des chercheurs : « Imaginez un grand tableau de clés. Avant, il fallait toutes les tester pour trouver celle qui entrerait dans la serrure. Aujourd’hui, nous choisissons d’abord la serrure la plus sûre et ensuite nous concevons la clé la mieux adaptée à celle-ci. C’est l’approche CropKey qui utilise des technologies qui n’étaient pas encore accessibles il y a 5 ans. »

L’IA permet de mieux connaître la protéine cible à atteindre

L’idée est simple : ne plus chercher au hasard la molécule (clé) qui bloquera la protéine cible (serrure). Grâce à l’IA, il est désormais beaucoup plus rapide et facile d’identifier avec précision les protéines qui sont cruciales pour le développement d’un champignon pathogène ou pour sa capacité à endommager une plante. « Les chercheurs vont choisir les protéines cibles les plus vulnérables, celles sur lesquelles ils vont pouvoir insérer une molécule chimique qui va l’inhiber et pour cela, ils ont besoin de connaître très précisément la structure de la protéine », explique Florent Villiers.

C’est là qu’un nouvel outil intervient : AlphaFold, un puissant logiciel d’intelligence artificielle (qui a valu le prix Nobel de chimie à ses inventeurs en 2024), qui fournit une prédiction de la structure des protéines à partir de leur séquence en acides aminés. Cet outil, qui révolutionne la biologie, permet de modéliser en 3D la structure des protéines cibles. « Nous utilisons des logiciels qui vont scanner cette forme et détecter le site de liaison. Le plan du site de liaison correspond à l’empreinte de la serrure dans notre approche CropKey. Cette empreinte est donnée au chimiste qui va faire la clé, c’est-à-dire la molécule », détaille Florent Villiers.

Des molécules ultra-précises dans leur mode d’action grâce à l’IA

Les chercheurs vont ainsi concevoir une molécule sur-mesure capable de bloquer la protéine cible, à la manière d’une clé verrouillant une serrure. Cette façon de travailler, permet de développer des molécules hypers spécifiques. « Parmi un très large choix de molécules possible, nous concevons désormais celles qui ont le meilleur profil combinant efficacité et sécurité », explique Laurent Bialy, responsable « Excellence chimie » au centre de la Dargoire. Le travail du chimiste consiste désormais à choisir dans un espace virtuel quasi illimité les molécules les plus prometteuses : « Avant, nous faisions un criblage aléatoire in vivo sur notre stock de 107 molécules. Désormais, grâce à l’IA nous cherchons dans un espace théorique de 1063 molécules et un logiciel 3D nous permet de voir si la molécule entre dans la serrure. »

Jusqu’à présent l’optimisation en phase de recherche se faisait essentiellement sur l’activité biologique et sur le coût de revient pour l’agriculteur, les études pour s’assurer de l’innocuité des produits pour l’homme et l’environnement étaient faites dans un second temps, pendant les phases avancées de recherche et développement. Désormais, Maud Bollenbach, conceptrice moléculaire, explique que tout se fait à la conception : « Nous avons développé des tests in vitro à haut débit et des modèles informatiques qui nous permettent de prendre en compte tous ces paramètres dès les premières phases de recherche : sélectivité, sécurité et santé humaine, impact environnemental, rupture de résistance, etc. »

La première matière active conçue grâce à l’IA en 2028

Les meilleures clés virtuelles vont ensuite être synthétisées et envoyées au laboratoire de biologie, où d’autres chercheurs vont observer les interactions entre ces molécules et les cellules cibles du pathogène. Mathieu Gourgues, responsable du service de la Biologie, explique que l’IA permet d’évaluer avec beaucoup plus de précision le niveau de développement de la maladie. Bientôt, elle pourra déterminer à quel moment une plante commence à être attaquée, avant même que les premiers signes cliniques soient visibles pour l’humain, ce qui permettra de la traiter avec un minimum de produit.

 

 
<em class="placeholder">Laboratoire de biologie avec différentes plantes en pot. </em>
Les données collectées sur les plantes permettent d'alimenter des modèles d'intelligence artificielle qui vont aider les chercheurs à trouver la molécule la plus efficace contre la maladie. © MC.Bidault

Les biologistes du centre de Lyon travaillent actuellement sur trois segments clés de recherche en fongicides : le soja, les céréales (Europe), et les fruits et légumes. Le laboratoire teste 200 à 300 molécules par jour sur chaque plante à des doses différentes. « Avant, nous testions 100 000 molécules par an sur un panel de pathogènes et seules deux à trois molécules donnaient un résultat positif. Maintenant nous en testons moins, 20 000 par an et nous allons plus vite », indique Mathieu Gourgues. Bayer espère sortir sa première molécule issue de son approche « Crop Key » en 2028.

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