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Éleveuse en bovins viande : « Travailler seule est plus contraignant que de travailler en tant que femme »

Éleveuse de limousines dans les Côtes-d'Armor, Véronique Grot travaille la plupart du temps seule sur sa ferme, tout en assurant plusieurs engagements extérieurs. L’anticipation, l’organisation, l’observation fine des animaux et la maîtrise du matériel sont quelques-uns des éléments qui lui permettent de mener à bien ses activités.

Être une femme dans une production majoritairement masculine ? « Aucun problème ! », assure Véronique Grot, éleveuse à Louargat, dans les Côtes-d’Armor. D’ailleurs, pour elle, « la question ne se pose pas ». En revanche, la question qui se pose, c’est de pouvoir travailler seule en toute sécurité.

Longtemps, la production bovine a été une production secondaire pour Véronique. Depuis 1999, elle était installée seule en production porcine sur paille et valorisait ses surfaces de prairies avec quelques limousines. En 2021, elle jette l’éponge de l’élevage porcin qui, pourtant, la passionnait : la rentabilité n’est plus suffisante.

Pour rebondir, elle décide de développer la production bovine, avec, en particulier, un atelier d’engraissement de génisses. Cette production intéresse en effet l’opérateur local, Bigard, dont l’abattoir guingampais se situe à seulement une quinzaine de kilomètres de son exploitation. Depuis 2021, les bovins constituent sa principale production. L’atelier est composé de 35 mères, d’un taureau et de leur suite : les mâles sont vendus en broutards et les femelles sont engraissées dans un système tout herbe, avec pâturage, enrubannage et foin, pour être vendues à 26 mois. « J’ai signé un contrat basé sur les coûts de production », se félicite celle qui est aussi une des trois administrateurs régionaux de la FNB.

Pour limiter les risques, l’éleveuse a choisi de travailler avec les animaux avec lesquels elle se sent le plus à l’aise. À part Ulysse, le taureau nouvellement arrivé, aucun mâle n’arrivera à la puberté sur la ferme. Ulysse, a été choisi pour sa docilité, sa facilité de vêlage, ainsi que ses qualités bouchères. « Je l’ai acheté chez un sélectionneur qui privilégie ces traits. Je veux des animaux calmes », indique l’éleveuse.

La facilité de conduite des animaux, Véronique Grot l’obtient aussi via l’apprivoisement : pas de technique particulière, juste un instinct très animalier et des habitudes. « Je leur parle tout le temps et je vais beaucoup les voir, précise-t-elle. En bâtiment ou au pâturage, je passe deux à trois fois par jour à faire le tour et à vérifier que tout le monde va bien. Je veille à être calme, à ne pas courir, à ne pas les surprendre avec des bruits. Par exemple, je les préviens toujours avant d’ouvrir la porte du bâtiment. »

Résultat : des animaux qui répondent aux appels, qui s’approchent et réclament caresses et nourriture. Le lien avec les animaux est l’un des aspects de l’élevage que Véronique apprécie, mais elle reste toujours vigilante. « Parfois, lors des enlèvements, certains chauffeurs me disent que je prends trop de précautions, mais je fais juste attention. C’est très différent de mon travail avec les cochons. Contrairement à un cochon, avoir le dessus avec un bovin, c’est impossible. »

Jamais trop de précautions ni de barrières

C’est aussi dans cette optique de prendre un maximum de précautions, et de se faciliter le travail, que Véronique a aménagé ses bâtiments. Réhabilitant d’anciens bâtiments porcins « à moindres frais », elle n’a pas lésiné sur les barrières, considérant qu’il n’y en a « jamais trop ». Les barrières d’ouverture sont toujours doubles, de manière à créer des passages sécurisés entre les cases et les bâtiments. « J’ai réfléchi à l’aménagement en prenant des conseils auprès des préventeurs de la MSA. Et j’ai préféré avoir beaucoup de petites cases et de modularité. Pour moi, c’est plus facile à gérer. »

Quatre cases sont réservées pour les vêlages, lesquels sont groupés sur deux mois, en mars-avril. Là aussi, l’observation des animaux permet une bonne organisation. « Je repère facilement les chaleurs et je les note sur mon application de gestion du troupeau. Je connais à l’avance toutes mes dates de vêlages. Je rentre donc les vaches 15 jours avant la date prévue. » L’installation d’une caméra mobile permet de surveiller toutes les cases en même temps. « C’est une sécurité si je suis en déplacement. Et ça m’a bien servi quand j’ai eu la grippe cette année. »

Côté matériel, Véronique se sent parfaitement autonome : « Conduire le tracteur, c’est la base ! Et c’est simple aujourd’hui avec le matériel moderne. » Pour le confort de montée, Véronique a acheté une marche supplémentaire à son concessionnaire. Elle n’est utilisée qu’au printemps, pour éviter qu’elle se prenne dans les rebords en bâtiment.

Une dérouleuse qui « change la vie »

Mais même sans marche, l’éleveuse, administratrice MSA, fait toujours attention. « On est bien sensibilisé par le service prévention à savoir monter en sécurité dans un tracteur. » C’est d’ailleurs sur le conseil de la MSA qu’elle a récemment investi dans un outil qui lui facilite beaucoup la distribution : une dérouleuse de balle ronde. « Ça change la vie, c’est génial ! »

Tout n’est évidemment pas aussi simple que la distribution de foin… Certaines opérations matérielles sont plus délicates, comme atteler ou dételer. « Le plus difficile, c’est mettre la prise de force. Alors, je prends mon temps, je ne m’énerve pas. Ça ne me dérange pas d’y passer plus de temps qu’un homme. »

Enfin, travailler seule implique aussi de demander de l’aide en cas de besoin. Véronique a la chance d’avoir sur place son mari, employé communal, et sa fille Héloïse, tous deux passionnés par le travail de la ferme. « Je demande leur aide au moment de la sortie des mères avec leur veau au pâturage. Toute seule, ce serait difficile », reconnaît-elle. Véronique sait aussi qu’elle peut compter sur eux en toute confiance pour assurer son remplacement, un aspect important du fait de ses nombreuses responsabilités extérieures. Le remplacement pour les vacances, en revanche, ce n’est pas trop son truc, du moins pas pour le moment. « Je me sens presque tout le temps en vacances. Je trouve que j’ai une bonne qualité de vie, un beau métier. J’espère que la bonne conjoncture actuelle va redonner espoir et susciter des installations. »

Fiche élevage

35 vaches limousines vêlant en mars et avril
40 ha de RGA et TB
Pâturage au fil en début de saison puis en paddocks

Les engagements extérieurs, c’est « bon pour l’équilibre »

Responsable régionale pour la FNB, membre du bureau de la FDSEA, administratrice MSA… Véronique est une agricultrice engagée. « Je suis absente deux à trois jours par semaine. Et comme je veux partir en toute tranquillité, il faut que je planifie, que j’organise mon travail pour ne pas me laisser déborder. »

Pour l’éleveuse, s’engager, c’est presque une nécessité quand on travaille seul : « ne pas sortir de sa ferme, ne pas avoir de contacts extérieurs, c’est risquer de s’enfermer dans une certaine négativité. Aller vers les autres, apprendre à parler, apprendre à écouter, comprendre ce qui se passe pour notre filière, s’améliorer en permanence, c’est important. Et ça nous booste quand on revient à la ferme ! »

Même si elle fait le maximum pour anticiper, Véronique reconnaît compter sur son mari et sa fille pour assurer le minimum quotidien quand elle est absente. « J’ai une totale confiance en eux et je sais que pour eux le travail à la ferme n’est pas une contrainte. Les engagements, c’est aussi une affaire de famille. »

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