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Du semis direct de méteil fourrager et d’espèces prairiales dans les prairies naturelles du Cantal

La chambre d’agriculture du Cantal travaille depuis cinq ans sur la régénération, sans les retourner, des prairies permanentes dégradées pour augmenter le rendement et la qualité.

La prairie a une grande importance dans les élevages du Cantal. Or, après plusieurs années de sécheresse et des dégâts récurrents causés par les rats taupiers, la production des prairies permanentes a été fortement impactée. « En parallèle, nous avions des exemples de semis de méteil à l’automne, dans de la luzerne, dont l’objectif était d’éviter son salissement pendant sa période de dormance. Alors, pourquoi ne pas tester cette pratique dans les prairies permanentes dégradées afin de les régénérer sans les retourner », énonce Vincent Vigier, conseiller en agriculture biologique à la chambre d’agriculture du Cantal. Les premiers essais ont donc commencé en 2017. 1 400 hectares ont ainsi été implantés annuellement depuis deux ans.

Lire aussi : Du semis direct de méteil et de fouragères dans mes prairies

Trouver le bon outil

Les premiers pas de cette technique ont été effectués avec le matériel présent sur les exploitations cantaliennes : semoirs directs, combinés herse étrille semoir à la volée ou pneumatique, combinés herse rotative semoir. « Un bon réglage de ce dernier outil (travail sur les premiers centimètres de sol) est nécessaire à la réussite du sursemis. La difficulté d’implanter des cultures annuelles dans une prairie nous a conduits à favoriser des outils agressifs (semoir à socs comme le simtech T-Sem Grass, semoirs avec des disques ouvreurs gaufrés ou des disques pulvériseurs pour créer de la terre fine) aux dépens des herses étrilles et des semoirs directs mono-disques », souligne le conseiller.

« Le fait d’implanter une culture à fort pouvoir racinaire dans une prairie vivante va redynamiser la vie biologique du sol, précise-t-il. Il y aura une meilleure minéralisation de l’azote organique et un meilleur développement des légumineuses dans les prairies naturelles où l’action du semoir direct va découper le feutrage racinaire des vieilles prairies. »

Lire aussi : [Sursemis des prairies] Dix conseils pour favoriser l’implantation

Il est également important, avant de se lancer, de caractériser la densité de la prairie initiale : elle doit être peu dense (dégâts de campagnols, sécheresses et plantes à rosettes) pour ne pas concurrencer les espèces semées. Sur une échelle de 0 à 5, la note de densité ne doit pas dépasser 3,5. « Cela ne sert à rien d’implanter dans une prairie dense au départ. Il est aussi essentiel de réaliser un diagnostic prairial pour connaître les espèces qui résistent aux conditions pédoclimatiques de l’exploitation », avertit Vincent Vigier.

Choisir des espèces agressives adaptées à l’exploitation

Le semis direct dans les prairies vivantes est réalisé principalement durant l’automne ou en fin d’été, lorsque les prairies ont été affaiblies par la période estivale. De ce fait, la concurrence de la prairie en place est plus faible et facilite l’installation du semis. Les espèces semées sont choisies pour leur agressivité, leur vitesse d’implantation et les conditions pédoclimatiques de l’exploitation. Le semis doit être dense. Dans le Cantal, on retrouve fréquemment l’avoine, la vesce commune ou velue en altitude (15 à 20 kg/ha), le seigle, ainsi que des espèces prairiales comme le trèfle violet, le ray-grass anglais ou hybride ou éventuellement le dactyle (zone basse et bonne exposition) et le trèfle blanc géant. Des méteils de ferme, plus économiques (semés à 120 kg/ha), peuvent également être utilisés. « L’agressivité des espèces semées est une condition sine qua none à la réussite de la levée des plantes. Il est illusoire d’espérer un résultat quelconque en implantant du triticale ou un pois fourrager. Sur cinq années d’essais, on a toujours vu de la vesce. Lorsque les années climatiques sont favorables, le dactyle s’implante bien en plaine », insiste Vincent Vigier. Il est par ailleurs nécessaire de semer dans un sol suffisamment ressuyé et réhumidifié. De l’azote (60 unités/ha) peut également être apporté en début de printemps.

Lire aussi : Un semoir de semis direct à dents auto-construit

Cette pratique, rappelons-le, n’inverse pas les tendances lourdes de sécheresses de ces dernières années. Cette technique de régénération a besoin de conditions climatiques favorables pour favoriser une implantation durable.

« Il y a pour l’instant plus d’échecs que de succès mais lorsqu’une parcelle réussit, elle réalise plus 50 % de rendement en premier cycle et améliore la flore de la prairie pour les utilisations suivantes. Cette pratique intéresse désormais bien au-delà de la région Aura », conclut Vincent Vigier.

Cyrielle Delisle

Côté éco

Le gain de rendement amené par le méteil en première coupe ne dépasse guère les 2 tMS/ha. Avec un coût de revient du semis direct semences + matériel de 300 - 350 €/ha en moyenne, on n’approche pas le retour sur investissement sur la première coupe. « Cependant, il est fort probable que les récoltes suivantes seront supérieures dans les prairies sursemées en raison de la bonne implantation des espèces prairiales semées et d’un effet scarificateur des semoirs qui semblent également favoriser le développement de certaines espèces non semées comme le trèfle blanc. La levée de dormance ou la multiplication de stolons pourraient expliquer ce phénomène. Sur le site de l’Inra, du trèfle violet est également apparu en année N + 1, alors que l’on n’avait pas forcément noté d’effet la première année. »

Un écart de rendement significatif

Les premières observations réalisées dans le Cantal montrent que le sursemis de méteil améliore un peu la porosité du sol (tests effectués au pénétromètre). Toutefois, cela ne se vérifie pas sur des sols compactés. Sur une centaine de parcelles suivies dans des exploitations, seule une douzaine a été gardée pour réaliser une comparaison de la production entre une prairie sursemée et une témoin non sursemée, en 2020 et 2021. « On constate un écart significatif de rendement allant de + 35 à + 50 % à la première coupe, en faveur des semis directs dans les prairies vivantes. Par contre, on n’a pas observé d’écart significatif sur les valeurs alimentaires », note Vincent Vigier.

Les principales raisons d’échecs sont :

- Une prairie trop dense au départ

- Des semoirs non adaptés ou insuffisamment agressifs

- Des dates de semis trop tardives (novembre) ou des semis dans des sols déshydratés

- Des espèces semées peu agressives ou longues à installer

- Un climat montagnard (plus de 1 000 mètres d’altitude) : prairies naturelles avec beaucoup de mats racinaires, effet allélopathique de l’agrostis stolonifère, dégâts de campagnols, gelées précoces en automne et tardives au printemps…

 

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