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Do you speak agriculture ?

© Priscilla du Preez

Parmi les 400 000 sujets de sa Majesté vivant en France, certains ont opté pour la voie agricole. Leur coin de prédilection : le Sud-Ouest. Plongée dans un territoire où le tea time rythme l’élevage des bêtes et la culture de la terre.

Ne demandez surtout pas à Emily Gardiner si elle est anglaise : elle est irlandaise du Sud et entend qu’on ne se méprenne pas sur sa nationalité. Avec son mari Declan et un de ses trois enfants, Luke, elle exploite ses 240 hectares dans la Creuse : « En Irlande, l’hectare coûte 60 000 euros environ, ici c’était entre  3000 et 4000. » Le calcul est vite fait. En 2006, ils achètent une première ferme, puis une deuxième en 2013 où ils élèvent des vaches, des chèvres et cultivent l’orge, le blé et le colza. Rien ne prédestinait pourtant cette famille à venir travailler la terre hexagonale. « Je travaillais dans un bureau et mon mari réparait des outils destinés aux gens de la mine. Nous venions souvent en vacances dans cette région dont nous sommes tombés amoureux. »

Les premiers mois sont assez rudes, notamment en raison de la langue et de « la dé ance envers les Irlandais que nous sommes, mais que je trouve très compréhensible », avoue-t-elle. Peu à peu, les choses évoluent. Le fromage et la charcuterie remplacent les baked beans ou l’irish stew. Seule la télé, branchée sur les chaînes irlandaises, rappelle la verte patrie. « Au fur et à mesure, nous avons créé des liens avec les agriculteurs du coin, qui nous ont beaucoup aidés, ainsi qu’avec quelques Britanniques qui vivent ici, qu’ils soient paysans ou retraités », déroule Emily. À 49 ans, elle ne se voit pas faire un come back en Irlande, même si certaines choses l’étonnent encore : « Par exemple, la grosseur des graines. Ici, elles sont énormes par rapport à l’Irlande mais donnent peu, tandis qu’en Irlande elles donnent beaucoup plus. Sans doute une histoire de météo ».

Soleil et prix de la terre

C’est justement pour une histoire de météo et de couleurs de la na- ture que les parents de l’Irlandais Omas Hegarty, 23 ans et français impeccable, se sont installés à Saint-Bonnet-de-Bellac, en Haute-Vienne à une cinquantaine de kilomètres au nord de Limoges. « Avec le soleil, les vaches, les champs, ça change tout par rapport à chez nous où il pleut tout le temps », détaille Thomas. « Chez nous », c’est à l’extrême Nord de l’Eire battu par la pluie et les vents. Les parents de Omas étaient déjà agriculteurs avant de faire le grand saut en Nouvelle-Aquitaine et de découvrir la Limousine pure, cette race de vache qui, au grand étonnement du couple, permet « un vêlage facile alors qu’en Irlande, où les races sont croisées, c’est beaucoup plus pénible ».

Omas a alors 12 ans et il le sait déjà : il travaillera en France avec ses parents après son bac pro CGEA. « Quand j’ai commencé à bosser à la ferme, on a pris quarante vaches de plus, puis on s’est mis aux céréales pour nourrir les bêtes. » Là aussi, la motivation des parents est avant tout économique. « Il y a beaucoup de fermes qui se libèrent mais pas grand monde pour les racheter ce qui fait baisser les prix, détaille-t-il en expliquant qu’au contingent pratiquant la langue de Shakespeare viennent de plus en plus se joindre des Belges, des Hollandais et des Allemands. Et puis ici, on sort les bêtes du printemps à décembre alors qu’en Irlande, on les rentre six mois par an. L’économie est considérable ! »

De la Nouvelle-Zélande à la Creuse

Ces exilés volontaires ont-ils lu L’art d’être libre dans un monde absurde de Tom Hodgkinson ? Dans cet essai, ce dandy londonien qui avait très peu vu le vert auparavant, écrit qu’il s’est posé la question de devenir un gentleman farmer new style : « Nous pourrions avoir un potager, des poules, des cochons, des chèvres. Nous pourrions échanger nos productions avec nos voisins, tout en laissant chacun seul lorsqu’ il le veut ». Il saute la pas, s’installe dans le Devonshire avant de craquer et de revenir dans la capitale anglaise. Il en a tiré son livre qui rencontre un gros succès de librairie.
Ian Matthews ne risque pas de vivre ce scénario. Gallois de 30 ans, marié à une Anglaise, il se voit continuer sa vie «jusqu’à la n» à Saint-Martial-sur-Isop, à quelques kilomètres de son ami Omas Hegarty. « J’ai découvert ce coin en venant travailler six mois dans la ferme d’un ami éleveur de vaches », dit-il avant de vanter des produits français qui le ravissent. La farcidure ? L’omelette aux truffes ? Le tourin à l’ail ? Non, le système bancaire : « Les banques françaises sont formidables, s’enthousiasme-t-il. Elles prêtent beau- coup plus facilement que celles du Pays de Galles où il est très compliqué de lever de l’argent ». Cette souplesse a permis à ce technicien en équipements de salle de gym d’embrasser une nouvelle vie. Pour approfondir ses connaissances agricoles, il part faire un apprentissage de neuf mois en Nouvelle-Zélande où il s’imprègne du système de pâturage, découvre la tonte des brebis par l’arrière et les salles de tonte, à tel point qu’il va prochainement en faire construire une dans son exploitation française de 100 hectares. Avec la communauté anglophone, il entretient d’excellents rapports et fait en sorte de se réunir une fois l’an dans un bar pour partager « quelques pastis et de la bière ».

« Dordogneshire »

Restons en Nouvelle-Aquitaine mais dirigeons-nous un peu plus au sud, vers la Dordogne, que certains médias britanniques appellent Dordogneshire (le comté de Dordogne). Ici, l’histoire a tracé son sillon british depuis qu’Aliénor d’Aquitaine, en se mariant au futur roi d’Angle- terre Henri II Plantagenêt, fait bas- culer la région du côté de l’Albion. Il faudra attendre le milieu du XVe siècle pour que la France récupère son territoire. Mais ces deux siècles ont marqué durablement les esprits. « Oui, l’ histoire est importante pour expliquer l’attrait de notre départe- ment sur les ressortissants britanniques, énonce Christophe Deffarges, chargé de mission installations à la chambre d’agriculture de Dordogne. Pour ceux qui viennent s’installer ici, les projets sont très divers : des retraités qui achètent des fermettes, des quinquas qui veulent développer des projets agrotouristiques comme des gîtes ou des chambres d’hôtes, des jeunes agriculteurs dans des branches comme l’apiculture ou la polyculture-élevage, notamment dans le Périgord blanc (le centre du Périgord). »

Au-delà de l’histoire, les opportunités économiques sont aussi au centre des préoccupations. En Dordogne, une ferme avec une soixantaine d’hectares coûte en moyenne 500 000 euros là où les chiffres grimpent en flèche de l’autre côté de la Manche. Et, avec les conséquences du Brexit, il va y avoir un afflux de gentlemen farmers !

 

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