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« Des retenues d’eau conditionnées à des changements radicaux de nos pratiques agricoles »

Autour de Niort, 450 agriculteurs s’apprêtent à creuser des retenues d’eau via une coopérative unique en son genre. Leur accès à l’eau est lié à un objectif ambitieux de pratiques plus respectueuses de l’environnement.

Thierry Boudaud : « En 2005, nous consommions 24,3 millions de mètres cubes d’eau. Avec ce projet, nous allons passer à 8 millions de mètres cubes prélevés l’été » © Th. Boudaud
Thierry Boudaud : « En 2005, nous consommions 24,3 millions de mètres cubes d’eau. Avec ce projet, nous allons passer à 8 millions de mètres cubes prélevés l’été »
© Th. Boudaud

Réaliser des retenues d’eau qui suscitent l’adhésion du plus grand nombre : une gageure que s’apprêtent à réaliser les agriculteurs irrigants des Deux-Sèvres, sur le bassin hydrographique de la Sèvre Niortaise Marais Poitevin. Leur projet n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille : une première version, élaborée après cinq années d’études, prévoyait la construction de 19 retenues. L’étape de l’enquête publique, en 2017, a fédéré les oppositions, provoqué manifestations publiques et déclarations fracassantes. L’irrigation n’a pas bonne presse.

L’intervention d’un médiateur et la mise en route d’un cycle de concertations intense, en 2018, ont changé la donne. « Nous nous sommes mis autour de la table et chacun est sorti de sa posture habituelle », se rappelle Thierry Boudaud, agriculteur à Amuré et président de la Coopérative de l’eau 79, qui conduit ce projet. « Les gens disaient : des retenues d’eau, d’accord mais pour quel modèle agricole, pour quelle agriculture ? Ces réflexions nous ont interpellés et nous avons trouvé des convergences. »

Les agriculteurs font une première concession : 16 retenues d’eau seulement seront construites. Treize en Deux-Sèvres, deux en Charente-Maritime et une dans la Vienne. Mieux, pour convaincre élus et représentants d’associations environnementales, ils proposent de conditionner l’accès à l’eau à un changement radical des pratiques agricoles. « C’est un truc qui ne s’est jamais fait », souligne Thierry Boudaud. 

« Une diminution des utilisations d'eau de 50 % dans les cinq ans. »

Chaque agriculteur devra diminuer au minimum de 25 % ses utilisations de produits phytosanitaires. « Collectivement, nous nous sommes engagés à diminuer les utilisations de 50 % dans les cinq ans, souligne l’exploitant. C’est un objectif difficile à atteindre mais c’est le niveau à partir duquel on reconquiert la biodiversité sur le territoire. »

Soixante agriculteurs, concernés par la première tranche de travaux, sont déjà engagés dans cette voie : ils ont dressé un diagnostic avec un technicien de la chambre d’agriculture et prennent des engagements concrets, avec plus ou moins d’efforts selon la situation de départ.

Pour les irrigants, la priorité est de sécuriser l’accès à l’eau. Les sols de la région – des groies – sont légers et superficiels. Ils y sont parvenus, à condition de diminuer fortement leurs consommations. « En 2005, nous consommions 24,3 millions de mètres cubes d’eau. Avec ce projet, nous allons passer à 8 millions de mètres cubes prélevés l’été et 9 millions de mètres cubes l’hiver », plante Thierry Boudaud.

À l’horizon 2025, l’objectif est une réduction de plus de 70 % des prélèvements d’irrigation estivaux par rapport à 2005. Une telle réduction de voilure est permise grâce à des matériels plus économes, à des outils de pilotage précis, mais aussi à des changements plus profonds dans les systèmes.

Préserver le niveau des nappes

Remplies entre novembre et mars, les retenues d’eau assureront 60 % de l’irrigation. Elles permettront surtout de préserver le niveau des nappes. « L’impact du non-prélèvement l’été se mesure vite et la nappe devrait remonter d’un à quatre mètres. C’est énorme. Le prélèvement en hiver a un impact divisé par dix comparé à un prélèvement durant l’été », résume l’agriculteur.

Mais pour les agriculteurs, le coût de l’eau va doubler. Il avoisinera les 20 euros par mètre cube rendu au champ. Car ce projet requiert des investissements massifs, de l’ordre de 60 millions d’euros. Et si des financements publics supportent 70 % de la somme, le solde est supporté par une structure qui facturera les agriculteurs à hauteur de leur consommation : la Coopérative de l’eau 79. Cette structure juridique permet aux agriculteurs de rester maître de l’outil.

Des réserves d'eau qui appartiennent à la coopérative

« Les réserves d’eau appartiennent à la coopérative et les agriculteurs réservent des parts sociales au prorata du volume qu’ils engagent », indique le président de la structure. Deux cent vingt exploitations totalisant 450 agriculteurs ont adhéré à cette coopérative, soit près d’un tiers des agriculteurs de la communauté d’agglomération de Niort.

Avec un tel surcoût, les exploitations doivent rester performantes et les agriculteurs recherchent des cultures à forte valeur ajoutée. La filière locale de production de soja non OGM prévoit ainsi de doubler ses surfaces dans la région. Les conversions AB sont également favorisées par l’irrigation : les apports d’eau sécurisent la conduite des cultures. Les surfaces en bio du secteur devraient bientôt passer la barre des 20 %.

Si le projet reçoit aujourd’hui le soutien de plusieurs associations de défense de l’environnement, le premier coup de pioche n’a pas été donné. La première tranche devait débuter en mars mais l’attente d’un cofinancement a tout bloqué. Et comme l’arrêté autorisant le projet imposait un démarrage des travaux en mars ou septembre, il faudra attendre septembre 2021 pour voir les pelleteuses entrer en action. À ce rythme, les bassines ne devraient être opérationnelles qu’en 2022.

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