Dérobées fourragères : la qualité dépend du stade de récolte
Comment optimiser la conduite des dérobées pour atteindre un optimum entre rendement, qualité et coût de la culture ? Une question sur laquelle a planché un groupe d’éleveurs bretons en comparant leurs pratiques.
Comment optimiser la conduite des dérobées pour atteindre un optimum entre rendement, qualité et coût de la culture ? Une question sur laquelle a planché un groupe d’éleveurs bretons en comparant leurs pratiques.
Les dérobées fourragères semées à l’automne sont courantes, mais leurs itinéraires techniques et leurs valeurs alimentaires peuvent s’avérer très hétérogènes. Un groupe d’une douzaine d’éleveurs laitiers du secteur de Montauban de Bretagne en Ille-et-Vilaine a souhaité faire le point sur leurs pratiques, les résultats obtenus en rendement et en qualité, ainsi que le coût total de la culture.
Ces éleveurs sèment leurs dérobées courant septembre, après céréales, dans l’optique de les récolter au printemps pour constituer du stock fourrager. Certains privilégient un mélange à prédominance de légumineuses avec 40 % de RGI (ray grass d’Italie) diploïde à l’implantation, de la vesce velue et deux types de trèfle : Micheli et incarnat. D’autres optent pour un mélange plus équilibré entre légumineuses et graminées avec 50 % de RGI à l’implantation. « Lorsqu’on choisit un mélange pour semer une dérobée en automne, il faut être vigilant aux légumineuses qui la compose. Il faudra éviter les espèces gélives, comme le trèfle d’Alexandrie, qui ont un très fort risque de disparaître pendant l’hiver », indique Benoît Possémé, chargé d’étude en fourrages à la chambre d’agriculture de Bretagne.
Il alerte aussi sur la densité de semis. En effet, dans le groupe d’éleveurs, les stratégies sont variables : on observe des densités de semis entre 14 et 30 kg/ha. Or, Pour un mélange graminées/légumineuses, une densité de 25 kg/ha est pour la plupart du temps indiquée : « une densité trop élevée ne garantit pas un meilleur rendement », rappelle Benoît Possémé.
Un rendement moyen de 3 tMS/ha
En ce qui concerne la récolte, les éleveurs du groupe réalisent majoritairement une fauche en avril, en ensilage ou en enrubannage. Pour l’enrubannage la fauche à plat et l’andainage sont fréquents. Pour l’ensilage, la fauche est plutôt effectuée avec une faucheuse conditionneuse et le fourrage n’est plus touché jusqu’à l’ensilage. Les rendements varient entre 2,5 et 4,5 tMS/ha avec une moyenne autour de 3 tMS/ha. Cette variabilité s’explique principalement par le stade de récolte ainsi que la fertilisation apportée. En revanche, dans le groupe, aucun lien n’a pu être fait entre les types d’espèces implantées et le rendement obtenu.
Chez les douze éleveurs, la qualité des fourrages aussi était variable. Les ensilages d’herbe récoltés au printemps 2024 étaient assez humides : entre 22 et 32 % de matière sèche (MS). Or, pour optimiser la conservation et l’ingestibilité de l’ensilage, il faudrait viser un minimum de 30 % de MS. La teneur en matière sèche dépend du stade de récolte, de la météo mais aussi de l’itinéraire de récolte : les fauches sans andainage les plus précoces et avec du volume sont les plus risquées. Pour les récoltes faites en enrubannage, le fourrage est plus sec, autour de 30 % de MS mais cela reste insuffisant par rapport à l’objectif de 50 % de MS pour ce mode de stockage.
« Faucher au bon stade, la clé de la qualité »
Les éleveurs du groupe font état de valeurs alimentaires hétérogènes, surtout concernant la teneur en MAT des ensilages : elles vont de 12 à 17 %, avec une moyenne assez faible à 13 %. Cela peut s’expliquer par un stade de récolte trop tardif. « Faucher au stade début épiaison de la graminée, c’est l’optimum entre la qualité et le rendement, explique Benoît Possémé. Ce stade est atteint lorsque de 10 % des épis sont sortants, c’est-à-dire que depuis la route, on ne voit pas les épis dans le champ. » En pratique, le chargé d’études recommande de commencer à prévoir son chantier d’ensilage dès que l’épi est à 10-15 cm. C'est d’ailleurs le stade à viser pour le chantier de récolte si l’objectif qualité prime sur la quantité pour l’éleveur. « Il faut être vigilant à la fenêtre de fauche. À une semaine près, la qualité du fourrage peut fortement diminuer, et elle ne compensera pas le coût de l’implantation et de la récolte », signale-t-il. Il alerte également sur l’importance du stockage pour préserver la qualité : « Pour une récolte en ensilage, il faudra viser un taux de matière sèche de 30 à 40 % pour faciliter le tassage et maximiser l’acidification dans le silo. La coupe doit également être fine, entre 3 et 7 cm. »
Chiffres Clés
Valeurs alimentaires des dérobées du groupe en 2024
Ensilages :
0,8 à 0,85 UFL
12 à 17 % de MAT (moyenne à 13 %)
Taux de cellulose < 28 %
Taux de dMO > 70 %
Enrubannés :
0,78 UFL en moyenne
14 % de MAT en moyenne
Un coût estimé à 560 €/ha et 180 €/tMS
Les douze éleveurs du groupe se sont penchés sur le coût des dérobées fourragères dans leurs fermes. Premier poste de dépense : l’achat de semences. Elles ont coûté en moyenne 80 €/ha mais jusqu’à 130 €/ha pour les mélanges les plus complexes. Pour les coûts suivants, tous les outils et passages ont été comptabilisés avec un forfait moyen comprenant la main-d’œuvre, suivant la méthode Perel. Les forfaits ont été estimés à partir des coûts de prestations des ETA du secteur et des références de chambres d’agriculture France sur le coût des matériels agricoles. La main-d’œuvre a été estimée à 25 €/heure. Ainsi, le coût d’implantation varie selon le nombre de passages : 95 €/ha pour un déchaumage, un semis en combiné et un roulage et 115 €/ha avec deux passages de rouleaux. Le coût de l’épandage a également été pris en compte : 80 €/ha pour une fertilisation en lisier et 85 €/ha pour du fumier. Enfin, l’ensilage a été estimé à 240 €/ha avec fauche et andainage et l’enrubannage avec fauche, fanage et andainage à 350 €/ha. En tout, le coût moyen des dérobées du groupe d’éleveurs est de 560 €/ha, de l’implantation à la récolte, avec main-d’œuvre. Pour un rendement moyen de 3 tMS/ha, cela représente environ 180 €/tMS. À titre de comparaison, la méthode Perel estime pour un RGI implanté sur 18 mois et récolté en ensilage un coût de 890 €/ha avec main-d’œuvre, soit 150 €/tMS pour deux coupes à 3 tMS/ha chacune.