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Biologie, génétique, génomique, biochimie, phytopathologie
[VIDEO] Recherche sur les OGM : une plante éduquée à reconnaître ses agresseurs

Après dix ans d’étude, une équipe de l’Inrae a mis au jour de nouvelles fonctions dans le processus de défense des plantes contre les agents pathogènes. Une découverte qui ouvre la voie à une nouvelle génération de variétés génétiquement modifiées, capables de reconnaître un pathogène malgré ses mutations.

Une équipe cherche quelque chose et découvre … autre chose

Comme Christophe Colomb qui pensait rallier les Indes et qui a rencontré l’Amérique, cette histoire commence par un hasard, advenu il y a dix ans. « Avec mon équipe, on s’intéressait aux signaux des agents pathogènes », retrace Thomas Kroj, chercheur au sein de l’unité mixte de recherche PHIM - Plant Health Institute Montpellier. Ces signaux sont « les armes que les agents pathogènes déploient pour coloniser la plante, la manipuler et prendre le contrôle sur ses voies cellulaires », détaille le chercheur de l’Inrae. C’est en étudiant l’interaction entre « les armes moléculaires des agents pathogènes » et les protéines de la plante à leur contact qu’il découvre le système de leurre que celle-ci met en place pour se défendre. « On est tombé sur un récepteur immunitaire que la plante a déployé pour piéger l’agent pathogène, le surprendre « en flagrant délit », au moment où il essaie de modifier une de ses protéines pour faciliter l’infection. L’agent pathogène se fait prendre parce qu’il tombe sur une sorte de leurre, que la plante a déployé et avec lequel il interagit. »

 

Les récepteurs des plantes reconnaissent l’agresseur et activent une réponse immunitaire

L’équipe découvre le lien entre ce leurre et le récepteur immunitaire de la plante et prouve que c’est l’endroit où se fait la reconnaissance du signal au niveau moléculaire. Elle s’aperçoit alors qu’il est possible d’introduire dans la plante de nouvelles propriétés qui lui permettent de reconnaître un signal, « ce qui se traduit par l’activation d’une réponse immunitaire. Elle est alors capable de stopper l’infection ». Cette forme de protection « est très efficace », rappelle le chercheur, « il suffit d’introduire ces gènes de résistance dans une variété, puis, sans action supplémentaire, la plante se défend toute seule ». La découverte de l’équipe de Thomas Kroj vise à fournir à la plante des récepteurs immunitaires améliorés au préalable, un principe qui rappelle celui de la vaccination. Le plus important, « bien choisir le signal du pathogène qui va permettre à la plante de reconnaître l’agresseur : celui dont il ne peut pas se passer et qu’il aura du mal à modifier lors de ses mutations ».

Une nouvelle génération d’OGM pour faire baisser l’usage des pesticides

Cette démarche biotechnologique, que l’équipe de Thomas Kroj a expérimentée sur le riz, peut être transposée sur les autres plantes. Elle permettrait à terme de créer des variants de récepteurs immunitaires et de les introduire dans les plantes. « Cette approche par l’édition des génomes ne nécessite plus beaucoup de modifications, mais ça reste des plantes génétiquement modifiées », concède Thomas Kroj qui juge cette méthode opportune puisqu’elle permettrait « de réduire drastiquement l’usage de pesticides » et qu’elle pourrait être une alternative pour les plantes pour lesquelles il n’y a pas de solution, même chimique.

 

Attendre encore dix ans pour les voir au champ

Spécialistes en biologie moléculaire et génétique, les membres de l’équipe de Thomas Kroj se sont entourés d’un laboratoire mixte Inserm, CNRS et Université de Montpellier, en biologie structurale, pour leur travail sur le riz dont ils ont publié les résultats dans la revue Nature Communication le 21 mars 2022. Un financement de quatre ans de l’Agence nationale de recherche leur permet de poursuivre leurs travaux, « pour avoir une compréhension plus détaillée du complexe de récepteurs et obtenir son image à résolution atomique et en trois dimensions ». Mais pour voir l’aboutissement de ces recherches au champ, « il faut attendre encore une dizaine d’années », relève Thomas Kroj, « il faudrait des entreprises intéressées par le développement de ces biotechnologies », sachant qu’elles auraient « à la sortie, le tampon OGM », prévient le chercheur, conscient des freins sociétaux, cette fois, auxquels cette méthode peut se heurter. « Est-ce que notre société souhaite aller intégrer ce système dans le mix de solutions dont nous avons besoin pour une agriculture durable ? » La réponse sera donnée… dans dix ans.

 

Récepteurs immunitaires vs. Agents pathogènes

Les NLR sont un groupe de récepteurs immunitaires très importants chez les plantes. Ces protéines recouvrent plusieurs domaines. « C’est la classe majeure des protéines de résistance qui peuvent protéger une plante d’un agent pathogène, champignon, bactérie, insecte, nématode, etc. », indique Thomas Kroj, chercheur au sein de l’unité mixte de recherche PHIM - Plant Health Institute Montpellier. Un seul récepteur NLR peut protéger une plante cultivée contre tous les isolats d’un agent pathogène. Le problème est que les agents pathogènes évoluent pour contourner ces résistances : « ils vont chercher des moyens, par le jeu de l’évolution, pour contourner la reconnaissance par récepteur immunitaire ». S’ils y arrivent, ils ont le chemin ouvert pour « se servir ». À ce moment-là, la culture devient à nouveau sensible à la maladie.

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OGM ou NBT ?

« Par rapport à la question OGM (Organisme génétiquement modifié) ou NBT (New breading technique ou Nouvelle technique de sélection en français), il est possible d'utiliser les deux approches pour notre technologie de modification de récepteurs immunitaires de la plante. Soit on ajoute le gène édité en entier (OGM), soit on change seulement certains résidus d'un récepteur immunitaire de type NLR déjà présent dans le génome de la plante (NBT). Dans nos expériences, qui visaient à fournir une preuve de concept, nous avons créé des OGMs. » Thomas Kroj

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