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De la chèvre au rhum : « L’alambic a remplacé la salle de traite »

Installés en 2017 en élevage caprin en périphérie de Montpellier, Cédric et Nathalie Carpentier ont changé de cap en 2021 en créant The Hidden Distillery, une micro-distillerie artisanale qui élabore un rhum bio local et une liqueur au lait de chèvre.

« Nous avons arrêté l’élevage de chèvres après quatre ans d’installation », témoignent Cédric et Nathalie Carpentier, anciens éleveurs d’une centaine de chèvres à côté de Montpellier. Un contrecoup de la Covid-19 où ces fromagers-fermiers ont dû se réinventer pour écouler leurs pélardons et autres fromages fermiers. Avec la perte soudaine du père de Nathalie – un soutien indispensable sur la ferme – et la chute des débouchés vers la restauration, le couple encaisse coup sur coup. « On a continué un temps avec des livraisons en click and collect, mais le burn-out n’était pas loin. On était poussés au-delà de nos limites. » D’autant que, en pâturage extensif, en bio, avec engraissement des chevreaux, en périphérie d’une grande ville et de taille trop petite pour embaucher, le couple ne s’est pas facilité la tâche. « Nous produisions et vendions jusqu’à 180 000 pélardons chaque année ; c’était titanesque ! »

Culture de canne à sucre

L’épisode de la Covid-19 oblige à baisser la marge et le moral en prend aussi un coup. Usés par le métier, ils décident de vendre leurs animaux et prennent alors une pause salvatrice : cinq jours à la montagne. « Le cinquième jour, la banque nous appelait pour nous rappeler qu’on avait encore un crédit sur le dos et qu’il ne fallait pas s’endormir », raconte Cédric.

Pour se reconvertir, le couple va garder la passion de la transformation en créant une distillerie artisanale de rhum. Dans les anciens bâtiments de la ferme, les tonneaux ont remplacé les chèvres et l’alambic en cuivre a pris la place de la salle de traite. The Hidden Distillery produit aujourd’hui 10 000 bouteilles par an, et vise les 18 000 pour atteindre l’équilibre. Une partie du rhum est fabriquée à partir de mélasse des Antilles mais ces entrepreneurs font le pari de cultiver localement de la canne à sucre bio. « On a une âme de producteurs et on expérimente avec le Cirad pour cultiver la canne. » Deux hectares ont été cultivés cette année et le couple vise quatre hectares pour être autonome.

Une nouvelle vie moins rude, mais pas plus simple

Si l’élevage est derrière eux, l’agriculture ne les a pas quittés : leur distillerie est portée par une SCEA, et leur activité reste profondément ancrée dans une démarche paysanne. « On a gardé la rigueur du lait cru. Ici, il n’y a aucune obligation d’hygiène pour l’alcool, mais notre labo est impeccable. » Le rythme de vie a changé. « On travaille beaucoup, mais différemment. Il y a moins d’astreinte et, le dimanche, on peut souffler une journée ou une demi-journée. »

Malgré cela, la reconversion reste semée d’embûches avec notamment une charge administrative qui reste lourde. Le couple a aussi dû autofinancer ses équipements, essuyant les refus des banques. « À 50 ans, on n’a plus trop de crédibilité. On a croqué nos économies. » L’année 2025 doit être celle du retour à l’équilibre financier.

Le lien au monde caprin toujours présent

Si la page caprine est tournée, le livre n’est pas fermé. « Le fromage de chèvre me manque », admet Cédric. Et les liens avec la profession restent vivaces : entraide avec les voisins, coups de main à une jeune du village qui s’installe avec des chèvres, échanges avec l’ancienne technicienne. « On ne renie pas le passé. » Mais pas question de revenir en arrière. « Ça m’angoisserait de redémarrer une campagne laitière. Faire monter les chevrettes les 15 premiers jours, soulever 25 fois 80 kilos par jour… Non merci. »

Le couple veut témoigner : oui, une vie après l’élevage caprin est possible. Mais il faut agir à temps. « Il ne faut pas attendre de tout casser, ni de ne plus avoir la force. Si un jour on en a marre, il faut partir. »

Lire aussi : Idée reçue n° 2 : Quand on s’engage éleveur, c’est pour la vie

Une liqueur au lait de chèvre

<em class="placeholder">Bouteille de liqueur au lait de chèvre</em>

Le rhum de Hidden Distillery, vieilli en fût, séduit de plus en plus de points de vente en Occitanie. Et surtout, leur clin d’œil au passé attire l’attention : Goat Save The King, une liqueur au lait de chèvre entier, vanille et rhum, est leur deuxième meilleure vente. « C’est doux, facile à boire, et ça plaît autant aux femmes qu’aux hommes. » Vendue 39 euros sur leur boutique en ligne hidden-distillery.fr, la liqueur en bouteille de 500 millilitres de Goat Save The King se déguste fraîche et avec modération à l’apéritif ou en digestif.

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