En Suisse

Une salariée qui assure

Pas de chance. Serge Kursner s’est cassé la jambe. Pendant son absence de quelques jours, c’est sa salariée Estelle de Saint Riquier et son épouse Carine qui font tourner la chèvrerie et la fromagerie. À Gimel, dans le canton de Vaud, les 140 chèvres sont logées depuis quatre ans dans une étable en location. Chevrier depuis 1993, Serge s’est séparé de son associé il y a quatre ans et il a rapidement dû trouver un bâtiment pour y mettre les chèvres. Volumineux, le bâtiment n’est peut-être pas le mieux adapté pour les chèvres. D’autant plus qu’à 650 mètres d’altitude, « il peut parfois faire froid la nuit l’hiver pour les chevreaux nés entre janvier et mars », explique Estelle qui place alors un chauffage mobile à air pulsé.

Des sorties régulières en plein air

L’hiver, les chèvres reçoivent du foin séché en grange et des concentrés. L’été, elles sortent au pâturage pendant au moins 26 jours par mois pour répondre aux exigences du programme SRPA (sorties régulières en plein air). À ces conditions et si le pâturage apporte au moins un quart de l’alimentation, l’éleveur peut prétendre à des primes spécifiques. Pour bénéficier de ces paiements directs, les chèvres doivent aussi rester en groupes, avoir au moins 1,2 m² d’aire paillée et 0,8 m² d’aire d’exercice chacune. Une partie de l’aire d’exercice doit être non couverte. À noter que la moitié de l’aire de repos peut être remplacée par des niches surélevées, non perforées et sans litière. « Nous n’avons que trois hectares de terres à notre nom et donc peu d’aides aux surfaces, explique Carine Kursner. Les aides à l’animal sont donc les bienvenues. » Surtout que les prix pratiqués en Suisse sont sensiblement plus élevés qu’en France : aliment chevrette à 940 euros la tonne, aliment chèvre à 800 euros ou foin à 350 euros la tonne au départ de la ferme…

Tomme fraîche et génétique française

Le lait produit est soit apporté deux fois par semaine à une laiterie située à 2 kilomètres, soit transformé en pas moins de 17 sortes de produits différents : tomme fraîche piquée au miel, fromage frais à l’ail et fines herbes, pyramide et bûche lactique cendrée, yaourts, petits bouchons secs pour l’apéro… Les fromages sont vendus localement et livrés deux fois par semaine à des restaurants, crémeries, petites épiceries et supérettes.

Au pâturage, les chèvres changent de parc tous les dix jours. Elles ne reviennent pas sur la même parcelle avant 60 jours afin de réduire le risque parasitaire. Si neuf boucs assurent la reproduction de la majorité du troupeau, 25 chèvres sont inséminées chaque année par un inséminateur jurassien. Après la synchronisation des chaleurs par éponge et PMSG, Serge Kursner obtient environ 60 % de réussite avec de la semence de Capgenes.

Des contrats à 51 heures par semaine

Les mâles sont engraissés au lait de vache et à la poudre etenviron 170 cabris partent vers l’abattoir entre 13 et 15 kilos pour donner entre 6 et 8 kilos de carcasse. Avant Pâques, la viande est vendue aux clients, restaurants et boucheries locales à 20,50 euros le kilo ou 23 euros sous-vide. « Les bénéfices réalisés sont censés rembourser le lait, la poudre et l’élevage des chevrettes », explique Carine qui aide à la comptabilité et aide ponctuellement à la ferme.

Estelle, la salariée, est habituellement présente à la fromagerie. Polyvalente, elle assure aussi à la chèvrerie quand le patron n’est pas là. Rémunérée au minimum agricole de 3 200 euros bruts par mois, elle travaille, selon son contrat, 51 heures par semaine et bénéficie de quatre semaines de vacances par an. À ce salaire, il faut ajouter pour l’employeur environ 10 % pour la caisse cantonale de retraite agricole et environ 386 euros d’assurance maladie.

Nourrie et logée sur place en échange de 880 euros de moins sur son salaire, Estelle, 21 ans, profite de cette première expérience depuis sa sortie du BTS production animale de Melle et du CS production transformation commercialisation de produits fermiers à Saint-Lô. Embauchée en Suisse depuis un an et demi, elle se fait une expérience avant d’aller voir, peut-être, un jour ailleurs.