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Rendements du blé et du maïs face au changement climatique : à quoi s’attendre en 2050 ? Quels enseignements en deux siècles ?

La sécheresse et les canicules de l’été 2022 font s’interroger sur les conséquences du changement climatique sur les rendements en céréales à l’avenir. Serge Zaka, agroclimatologue pour ITK, livre des éléments de prospective.

Serge Zaka, agroclimatologue
Serge Zaka, agroclimatologue pour ITK
© Nathalie Marchand

L’été 2022, avec son lot de canicules et sa sécheresse, a mis en avant l’impact du risque climatique sur la production agricole. Le rendement maïs a été fortement affecté : -12,8% pour le maïs non irrigué au niveau national (jusqu’à -46,1% en Midi-Pyrénées). Au niveau de la production national, il s’agit du chiffre le plus bas depuis… 1990 ! Le blé d’hiver s’en est beaucoup mieux sorti, contrairement aux craintes avec la sécheresse printanière et l’échaudage en mai. Seulement -2 à -4% au niveau national mais avec de fortes disparités régionales (jusqu’à -20% dans le Centre-Est et +5% dans le Nord-Ouest).

Sachant que l’année 2022 sera une année moyenne en 2050, voici un tour d’horizon des simulations d’impacts du changement climatique sur le rendement du blé et du maïs.
 

Evolution des rendements du maïs et du blé d’hiver entre 1815 et 2021

Les rendements nationaux de blé et de maïs sont présentés ci-dessous depuis 1815 (multi-sources) et 1945 (chambre d’agriculture d’Eure et Loir) respectivement. Entre 1950 jusqu’autour de l’année 2000, la tendance est claire : les rendements du blé ont été multipliés par 7, ceux du maïs par 5. C’est la « révolution verte » basée sur les progrès génétiques, la mécanisation, la chimie et la structuration des filières.

Cependant, depuis le début des années 2000, on observe une stabilisation du rendement du blé autour de 70 qx/ha et un ralentissement de la hausse de rendement pour le maïs (+1,43qx/ha/an avant 2000 puis +0,8 qx/ha post 2000). Ces nouvelles tendances sont observées malgré la continuité des progrès génétiques, chimiques et agronomiques.

Plusieurs raisons expliquent la stabilisation des rendements du blé et le ralentissement de la hausse pour le maïs :

  • La raison principale (et de loin) est une augmentation de la fréquence et de l’intensité des déficits hydriques et des fortes températures, induite par le changement climatique, pendant les périodes de mise en place du rendement chez les deux espèces.

  • D’autres raisons plus minoritaires sont avancées dans les études scientifiques comme la réduction de la part de légumineuses dans les rotations ou encore une certaine « dé-intensification » volontaire face aux enjeux environnementaux. L’exemple le plus marquant est l’accumulation des interdictions d’utilisations de substances chimiques (efficaces mais ayant d’importantes conséquences sur l’environnement).

Pour conclure, on observe une compensation des effets bénéfiques des progrès techniques et technologiques par les effets négatifs du changement climatique depuis le début des années 2000. Les études scientifiques sont nombreuses pour le blé. Elles le sont cependant moins pour le maïs. Ces conclusions sont donc à consolider pour le maïs.
 

 

 

Evolution des rendements du maïs et du blé d’ici 2050

Grâce à la modélisation agroclimatique, il est maintenant possible de prédire les impacts du changement climatique sur les rendements du maïs et du blé pour les décennies à venir. Nous en parlions dans Réussir en décembre 2021 dans un article faisant le parallèle avec le GPS.

Les résultats dont nous parlons ici sont tirés de plusieurs études scientifiques issues du projet CLIMATOR : un projet français permettant d’évaluer et d’anticiper les impacts du changement climatique sur les systèmes agricoles et forestiers. Le Livre Vert, issu de ce projet, est disponible gratuitement sur l’ADEME.

Les principaux résultats, schématisés ci-dessous, varient suivant la région étudiée, l’intensité du scénario de réchauffement, le type de modèle agroclimatique et les différentes adaptations techniques envisagées. Cela rend les conclusions particulièrement difficiles à synthétiser. Quoiqu’il en soit : les conclusions sont différentes suivant l’espèce.

 

Evolution des rendements à venir pour le maïs

Les résultats sont plutôt clairs : la majorité des scénarios voient une baisse du rendement avec un important dégradé nord-sud. Si la baisse semble très limitée au nord, elle sera très importante au sud. Les principales raisons de cette baisse sont un stress hydrique estival largement accentué par le changement climatique et un net raccourcissement de la période de remplissage des grains. L’échaudage (forte température durant le développement des grains) est une seconde raison, plus minoritaire cependant.

La gestion de la date de semis et l’évolution variétale est encore mal prise en compte dans les études d’impacts. Ces adaptations peuvent cependant limiter cette baisse de rendement, notamment sur le nord de la France. Malgré tout, la baisse de rendement reste importante sur le sud.

A noter que contrairement au blé, le maïs étant une plante en C4, il ne profite pas de l’augmentation du CO2 atmosphérique.

 

 


Evolution des rendements à venir pour le blé d'hiver

La tendance pour le blé d’hiver est moins nette. En effet, le blé d’hiver a un cycle de développement durant des conditions thermo-hydriques plus favorables que le maïs. Il peut développer une stratégie d’évitement avec un cycle plus court permettant une récolte avant les sécheresses et fortes chaleurs estivales.

On peut noter qu’une partie intéressante des scénarios voient une augmentation des rendements sur le nord de la France (et plus largement sur le nord et le nord-est de l’Europe). Cela est à relier avec des conditions thermiques plus favorables au blé, avec des conditions hydriques à priori faiblement à moyennement limitantes au printemps. Des conditions hydriques plus limitantes se mettront en place à la fin du printemps sur le sud de l’Europe. Les scénarios proposant une baisse de rendement y sont donc plus présents.

A noter que contrairement au maïs, le blé est une plante en C3, la photosynthèse est donc favorisée par l’accroissement de la concentration en CO2 atmosphérique. Cela a un impact non négligeable sur le rendement.
 

 

Tout comme les synthèses de l’évolution du climat, écrites par le Giec, les évolutions de rendement en France ont besoin de modélisations utilisant plusieurs modèles et plusieurs scénarios pour évaluer les gammes d’incertitude. S’il manque encore beaucoup de connaissances pour affiner les résultats scientifiques et prendre en compte tous les impacts du changement climatique sur le rendement, les grandes tendances semblent déjà dessinées pour le blé et le maïs.

Le maïs sera très impacté par l’évolution du climat dans le sud de la France, malgré l’irrigation. Il faut donc dès à présent réfléchir à des alternatives : de nouvelles espèces, de variétés plus résistantes, une évolution des conditions de culture (notamment une préservation du sol), et la mise à disposition des données scientifiques nécessaires pour construire les modèles agricoles et soutenir les prises de décision issues des outils d’aide à la décision. Il ne sera pas possible de faire des évolutions de rupture, cela mettrait à mal toute la filière. Ces évolutions doivent être progressives et s’étaler sur 30 ans.

 

 

Retrouvez toutes les chroniques de Serge Zaka

 

 

 

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