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L'intérêt des fromages est démontré

La recherche médicale et agronomique rééquilibre la balance bénéfice-risque de la consommation de fromages, au lait cru ou non. Résumé de quelques études.

En 2007, l'équipe de Xavier Bertrand du service d'hygiène de l'hôpital de Besançon, montrait que la consommation de fromage à pâte pressée cuite chez un homme sain, stressé aux antibiotiques, limitait la colonisation des voies intestinales par certains micro-organismes (entérocoques) résistants aux antibiotiques. Ainsi, le fromage, au lait cru ou pasteurisé, pourrait être considéré comme un produit véhiculant de micro-organismes dit probiotiques. (Références ici)

En 2014, Marie-Christine Montel de l'Unité recherches fromagères de l'Inra d'Aurillac rappelait les avantages des fromages traditionnels, principalement les fromages au lait cru. La biodiversité de la microfl ore (bactéries, levures et moisissure) est beaucoup plus importante dans le lait et les fromages au lait cru, surtout à la surface du fromage. En plus d'un goût plus intense et plus riche, les fromages au lait cru présentent un microbiote indigène abondant et diversifié qui peut protéger de Listeria monocytogenes. Cette protection se fait au coeur et en surface des fromages ainsi que sur les surfaces en bois des équipements traditionnels. La compétition entre espèces limite ainsi l'implantation de certaines bactéries pathogènes. (Références ici)

La cohorte européenne Pasture est aussi riche d'enseignement. Depuis 2002, cette étude a montré que l'environnement de la ferme pouvait participer à protéger contre les allergies. Avec un suivi depuis le dernier trimestre de grossesse de leur mère jusqu'à maintenant, près de 1 000 enfants de régions rurales de cinq pays européens ont été étudiés et comparés : la moitié vivait dans une ferme laitière et l'autre moitié était sans relation directe avec une ferme. Les résultats de ce travail multidisciplinaire soulignent le rôle de la diversité des expositions aux animaux et aux micro-organismes, et des aliments introduits chez les jeunes enfants. La consommation de lait cru de la mère avant la naissance a aussi une influence sur le devenir immunologique et allergique de l'enfant. Cette cohorte Pasture est toujours étudiée en misant maintenant sur un suivi de ces enfants jusqu'à l'âge adulte avec un objectif de produire des recommandations pour la prévention.

Dans le cadre de cette étude Pasture, une chercheuse du Centre des sciences du goût et de l'alimentation de Dijon mettait en avant les effets bénéfiques d'une consommation de fromages variés à 18 mois sur les risques allergiques à 6 ans, en particulier les risques de déclarer une dermatite atopique ou une allergie alimentaire. (Références ici)

Les auteurs de l'article publié en 2018 expliquent les bénéfices d'une consommation de fromages variés sur le risque allergique d'une part par la très riche et diverse flore bactérienne présente au sein des fromages, qui enrichirait le microbiote intestinal et, d'autre part, par le potentiel effet anti-inflammatoire associé à la consommation de fromage. Toujours dans le cadre de l'étude Pasture, une chercheuse suisse a récemment montré que le lait cru protège les enfants des infections respiratoires avec une réduction de 30 % des risques par rapport à du lait UHT chez les enfants d'un an.

Le déploiement du séquençage ADN à haut débit permet aujourd'hui des analyses de la microbiodiversité microbienne beaucoup plus précise, plus rapide et moins cher. Le projet MétaPDOcheese, porté par l'Inra, le Cnaol, le Cniel et France génomique, devrait prochainement livrer ses premiers résultats. La flore microbienne de 440 laits et 1 300 fromages, issus des 44 AOP fromagères françaises, a été analysée par méthodes métagénomiques. Pour chaque fromage ou famille de fromage, une cartographie de la diversité microbienne devrait aider à comprendre comment se structurent ces écosystèmes et quels sont les facteurs ou pratiques qui favorisent telle ou telle espèce.

L'intérêt du fromage est parfois surprenant. Ainsi, une étude irlandaise a montré en 2018 que les lipides laitiers consommés sous forme de fromage ont des effets différents que ceux consommés sous forme de beurre. Ainsi, 160 adultes en surpoids de plus de 50 ans ont ingéré pendant six semaines 40 g de matières grasses laitières, consommés sous forme soit de 120 g de fromage cheddar entier, soit 120 g de cheddar allégé et 21 g de beurre ou soit 49 g de beurre et un complément en calcium. Même si les compositions chimiques des aliments étaient similaires, le cholestérol total des volontaires étant significativement plus faible lorsque tous les nutriments étaient consommés dans une matrice de fromage. (Références ici)

« Une approche bénéfice-risque à construire »

« On n'a peut-être pas assez mis en avant les bénéfices potentiels du fromage. Les risques sanitaires, qui sont faibles mais bien présents, ont été étudiés et sont connus. Les bénéfices santé l'ont moins été. À nous, chercheurs, d'apporter des éléments aux débats. Des études comme celles issues de Pasture montrent que le fromage a toute sa place dans une alimentation saine et diversifiée, y compris chez les jeunes enfants. Le monde de la recherche médicale porte aussi maintenant un regard nouveau et positif sur le microbiote intestinal et les micro-organismes. Si l'hygiène est nécessaire, éliminer les microbes partout et tout le temps n'est peut-être pas la meilleure des solutions. De même, alors que l'on s'interroge de plus en plus sur les méfaits des aliments ultratransformés, il faut rappeler que le fromage au lait cru est un aliment très peu transformé. Nous avons besoin de débats scientifiques, de mieux évaluer l'impact santé des fromages grâce à une analyse bénéfices-risques, pour produire des recommandations plus précises et peut-être revoir les interdictions. »

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