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Syndicalisme
La Fnec attend le ruissellement

Lors de son assemblée générale dans le Cantal, la Fédération des éleveurs de chèvre est revenue sur les actions de 2018 tout en demandant un meilleur retour aux éleveurs.

Le Cantal n’est pas un grand département caprin. Mais en recevant avec brio une centaine de participants, ce département très vert a su prouver que tous les éleveurs avaient leur place dans la filière caprine. « Il n’y a pas de petits ou de gros éleveurs ou de producteurs aux mauvais endroits », rappelait d’ailleurs Jacky Salingardes, le président de la Fnec, en introduction de l’assemblée générale de la fédération qui se tenait les 10 et 11 avril à Maurs, dans le sud du Cantal.

Face aux 500 000 bovins de ce département herbagé, les 4 660 chèvres détenues par 38 fermes caprines ne pèsent effectivement pas bien lourd dans l’économie agricole. Les 24 fromagers fermiers et les 9 livreurs produisaient une estimation de 3,3 millions de litres de lait de chèvre. « Mais il y a des opportunités pour développer la collecte sur le département et, notamment au sud du Cantal, sur le secteur de la Châtaigneraie », se réjouit Pierre Vigier, éleveur du Cantal et grand organisateur de cette assemblée générale réussie.

La visite d’élevage du mercredi 10 avril avait d’ailleurs lieu dans son Gaec des Chevriers à Saint-Constant, une exploitation familiale avec 350 chèvres et 57 ha. À la fois fromagers fermiers et livreurs de lait, Pierre, son épouse et son fils visent maintenant 400 à 450 chèvres avec 250 000 litres livrées à la fromagerie de l’Étoile du Quercy. Même s’il a connu d’importants soucis sanitaires liés à une trop forte concentration de chlore dans l’eau, le Gaec a construit un bâtiment il y a trois ans pour accueillir le troupeau agrandi. L’élevage connaît aussi des difficultés à faire ramasser des chèvres de réforme ou des chevreaux. « La pression du loup pourrait mettre à mal les élevages ovins et caprins du département », craint également Joël Piganiol de la FDSEA du Cantal. C’est pourquoi le Cantal demande, à l’image de l’Aveyron voisin, le statut de département non protégeable.

La structuration en OP donne du poids à la négociation

L’assemblée générale a été l’occasion de revenir, en vidéo, sur les actions de la fédération caprine en 2018, une année particulière puisqu’elle fêtait les 60 ans de la structure. 2018 a permis la mise en musique du plan de filière avec des travaux sur l’installation, la transmission ou le travail. La Fnec se félicite aussi du rééquilibrage des cotisations à l’Anicap puisque la part des transformateurs passe de 0,5 à 1 euro les 1 000 litres. Le travail au sein de l’interprofession se poursuit puisque, après la publication de la loi sur les États généraux de l’alimentation, c’est désormais le producteur qui doit proposer le contrat écrit à son acheteur. La Fnec s’attelle donc à rédiger un accord-cadre type qui s’appuierait sur des indicateurs économiques et qui pourrait être proposé quand le nouvel accord de contractualisation sera signé. Pour cela, l’accompagnement des organisations de producteurs progresse avec, par exemple, des formations à la négociation. « Il faut que l’on apprenne à faire des propositions sans se faire chanter la messe », remarque d’ailleurs Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA et éleveur dans le Cantal.

Dans un message vidéo adressé à l’assemblée, le ministre de l’Agriculture rappelle que la filière caprine est bien évidemment concernée par les États généraux de l’alimentation en profitant de la dynamique initiée en lait de vache. « Avec l’inversion de la contractualisation prévue par la loi Egalim, vous, producteurs, êtes à l’initiative de la proposition de contrat. Le rééquilibrage du rapport de force sera d’autant plus important que vous serez structuré en OP. En négociant au nom de plusieurs producteurs, les OP ont plus de poids pour négocier des prix satisfaisants auprès des acheteurs. Je vous encourage dans cette voie. »

Une charte chevreau et une concertation sur le bien-être animal

Sur les dossiers fermiers, la Fnec, avec la FNPL et l’Institut de l’élevage, a organisé la diffusion du guide de bonne pratique d’hygiène européen en formant plus de 50 techniciens et en préparant la formation des producteurs. La Fnec échange aussi régulièrement avec l’administration sanitaire afin de défendre les producteurs fermiers lors des inspections sanitaires officielles ou pour le plan de surveillance des fromages au lait cru. La fédération bataille aussi pour éviter tout logo ou mention sur les fromages au lait cru concernant les recommandations de consommation sur les étiquettes de fromages. Elle privilégie une stratégie de communication ciblée sur les personnes sensibles via les prescripteurs que sont les pédiatres ou les sages-femmes. Face aux attaques contre le lait cru et ce savoir-faire ancestral des fermiers, Daniel Rizet de Saône-et-Loire, propose d’ailleurs « d’inscrire le fromage au lait cru sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ». Le travail de défense des fromagers se poursuit aussi régulièrement au niveau européen dans le cadre du réseau Face network.

Dans la section caprine d’Interbev, la Fnec a été moteur pour rédiger la charte des bonnes pratiques sur la production du chevreau qui concerne toute la filière, des naisseurs aux abatteurs en passant par les engraisseurs et les transporteurs. Deux rencontres avec les engraisseurs ont par ailleurs été organisées à Niort et à Lyon. La fédération a aussi été active dans la concertation menée avec les ONG sur le bien-être animal avec sept réunions et deux jours de visite d’élevages qui ont permis d’aboutir à un consensus sur le pâturage et l’aire d’exercice extérieure.

Une nécessaire revalorisation du lait pour pérenniser la filière

La Fnec a aussi construit des grilles d’indemnisation dans le cadre du fond de mutualisation sanitaire et environnemental en cas de blocage des animaux ou de FCO 4. La Fédération a également engagé un travail de fond avec Groupama pour imaginer une assurance qui s’activerait en cas de présence d’inhibiteurs ou en cas de déclassement de lait AOP. Les fromagers fermiers pourraient aussi être assurés contre les pertes d’exploitation suite à un accident sanitaire.

Dans le cadre de l’interprofession caprine, la Fédération rencontre régulièrement laiteries et grande distribution pour insister sur le besoin de revalorisation du lait pour pérenniser les éleveurs. « La filière est fragile et il nous manque encore quelques centimes sur le prix du lait », revendiquait Damien Dupont, éleveur laitier des Deux-Sèvres. « Il est temps que les avancées obtenues dans les négociations à la suite des États généraux de l’alimentation ruissellent jusqu’aux producteurs », poursuit Jacky Salingardes, le président. « Il est temps de montrer que vous tenez à ce qu’il y ait du lait et du fromage demain. Avec 780 euros les mille litres, on peut espérer deux Smic par producteurs, ce qui n’est pas énorme pour 70 heures de travail par semaine et une montagne d’investissements sur le dos… »

Pour que le partage de la valeur ruisselle jusqu’aux producteurs

« Si on n’amène pas de la trésorerie sur les fermes, il peut y avoir demain des pénuries de lait de chèvre en France », renchérit Joël Mazars, également éleveur laitier aveyronnais. D’autant que les pénalités sur les cellules continuent d’être mal perçues. En marge de l’assemblée générale, Samuel Herault des Deux-Sèvres regrette que la grille ne soit que punitive. « On est passé de 9 à 16 euros de pénalités », constate-t-il en demandant une grille plus incitative et plus étagée.

Pour Mickaël Lamy, président de l’organisation lait de chèvre à Eurial, « on est loin de l’esprit des États généraux dans la négociation des produits caprins. Avec ses guerres des prix, la grande distribution française paupérise la filière », observe cet éleveur du Maine-et-Loire en constatant des écarts de rentabilité entre les ventes en France et à l’étranger. « Les consommateurs ont changé, la grande distribution doit aussi changer, rebondit Bruno Dufayet, éleveur bovin du Cantal et président de la Fédération nationale bovine. La grande distribution ne peut pas à se faire l’apôtre des attentes sociétales et en même temps générer autant de la paupérisation. Il faut arrêter la guerre des prix, c’est une évidence mathématique ».

Du fromage pour tout le monde mais à bon prix

Pour illustrer la complémentarité entre fromages fermiers, artisanaux, industriels, AOP, non AOP, bio ou non, la table ronde intitulée « produire du lait de chèvre : par qui et pour qui ? » a mis sur la scène deux éleveurs de chèvres et deux vendeurs de fromages de tailles bien différentes. Marie-Christine Morin, fromagère-crémière qui gère quatre points de vente à Aurillac, confirme que le fromage de chèvre prend de l’ampleur. Elle aime interroger les fromagers fermiers pour ensuite bien conseiller les produits à des consommateurs avertis. À côté d’elle, Alain Fretellière, directeur de l’univers métiers de bouche à Auchan, rappelle son besoin d’important volume de fromage et la recherche de bas prix de nombreux clients. Il a su cependant, à l’époque où il travaillait chez Carrefour, créé la marque Reflet de France qui remet en avant des produits identitaires et avec une histoire.

Les deux éleveurs aiment à présenter leurs élevages au grand public. « J’ai 500 chèvres, explique Samuel Herault, producteur de lait en Gaec dans les Deux-Sèvres. On peut imaginer que c’est une structure industrielle, mais quand ils viennent chez moi, ça tombe assez vite. Je montre aussi que pour qu’un animal produise bien, il faut qu’il soit bien ». Même topo chez Laurent Chabanon, à la fois livreur de lait AOP et producteur fermier dans le Vaucluse, qui, avec un associé et un salarié, prend le temps d’ouvrir sa ferme aux visiteurs ou aux scolaires.

Pour prendre ce temps d’explication de l’élevage auprès de la société, il a été rappelé le besoin de payer le juste prix au producteur de lait ou de fromages. « J’accepte des hausses de tarifs mais il faut voir ensuite les tendances des ventes, assure Marie-Christine Morin qui représentait les Fromagers de France. Vous faites un sacré boulot. Ne mettez pas les prix trop bas. Ayez un prix qui correspond à ce que vous faites. Vous avez des valeurs énormes, ne vous dévalorisez pas ! »

Visite du laboratoire d'Aurillac

Le Laboratoire interprofessionnel d’analyses de lait du Massif Central (LIAL MC) a su diversifier son activité dans les analyses d’autocontrôles microbiologiques, les analyses de fourrages ou le constat de gestation. © D. Hardy
En introduction de l’assemblée générale, la visite du Laboratoire interprofessionnel d’analyses de lait du Massif central à Aurillac a permis de rassurer les éleveurs par la rigueur des analyses effectués. Le laboratoire est certifié pour l’analyse de paiement du lait à la qualité pour 3 400 élevages bovins, laitiers, 2 300 élevages ovins et 300 élevages caprins des zones Cilaisud et Ilocc (Corse). 120 élevages caprins fermiers font aussi appel au service du laboratoire avec des plans de contrôle et des analyses microbiologiques.

En plus des analyses du contrôle laitier et du paiement du lait, le laboratoire a diversifié son activité dans l’analyse de fourrage, le constat de gestation (35 000 par an sur le lait de vache) ou la microbiologie alimentaire.

De la rigueur dans les analyses

Depuis la réception des échantillons jusqu’à la fourniture des résultats via Infolabo, une impression d’ordre et discipline règne. « On ne peut pas se permettre d’erreurs dans les analyses car on ne joue pas avec le portefeuille des producteurs ou des entreprises », rassure Jean-Vincent Gauzentes, le directeur. Pour s’assurer de la fiabilité des résultats, le laboratoire multiplie les contrôles et procédure de vérification. Par exemple, des échantillons de références, un calibrage avec du lait de contrôle ou des tests du même lait entre différents laboratoires permettent de toujours s’assurer qu’il n’y a pas eu de glissement dans les résultats.

Idem pour les inhibiteurs. Les résultats sont contrôlés plutôt deux fois qu’une. Si un échantillon est positif est après un premier dépistage, deux analyses au test Charm peuvent confirmer la présence ou non d’antibiotiques. « On bétonne l’analyse », assure Jean-Vincent Gauzentes qui recommande la prudence après un traitement intramammaire. « Pour les laboratoires pharmaceutiques, le temps d’attente est parfois un temps moyen d’élimination des antibiotiques. Certains l’éliminent en sept jours, d’autres plus rapidement mais d’autres plus longuement… »

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