Chataîgne : « Investir pour transformer est une projection sur l’avenir »
Face à la stagnation des débouchés de la châtaigne fraîche, quatre exploitations périgourdines se sont associées pour investir dans du matériel d’épluchage.
Si la transformation est ancrée dans les habitudes des producteurs de châtaignes d’Ardèche, des Cévennes ou de Corse, ce n’est pas le cas en Périgord-Limousin. Mais quelques producteurs se mobilisent, convaincus que l’avenir de leurs châtaigneraies passe par le développement de produits transformés. Parmi eux, les quatre membres fondateurs de Marrons D’4, Jean-Roland Lavergne, Alain Diméné, Francis Armagnac et Christian Lagrèze. Ils ont constitué une association il y a quatre ans pour investir en commun dans des outils de transformation et se sont ouverts à d’autres producteurs. L’association compte aujourd’hui une dizaine de membres. Elle représente au total 15 hectares de vergers, tous en bio.
« Au départ l’idée était de valoriser des fruits, beaux mais pas marchands sur le marché du frais », retrace Jean-Roland Lavergne. Autre constat, celui du déclin du marché du frais avec des prix d’achat en baisse. « Il y a sept à huit ans, le kilo se vendait en frais 3,50 euros », rappelle Jaques Angibaud, membre de l’association. Cette année, le prix risque d’avoisiner les 2,20 euros pour de la châtaigne bio. En conséquence, Jean-Roland Lavergne observe que la part de châtaignes dédiée à la transformation tend à augmenter chez les membres de Marrons D’4.
Un investissement commun de 80 000 euros
Pour déterminer le matériel nécessaire et s’initier au savoir-faire, Jean-Roland Lavergne et Francis Armagnac ont visité des ateliers de transformation, notamment en Ardèche. L’investissement englobe un four pour peler les châtaignes mais aussi deux chambres froides de 7 m3 chacune, l’une positive pour la conservation des fruits fraîchement ramassés, l’autre négative pour leur congélation une fois pelés. S’y sont ajoutés une laveuse, un autoclave, une sous-videuse et une table de tri. Le budget total a atteint 80 000 euros. Une somme couverte par les investissements de chacun et une aide régionale.
D’ici deux ans, les membres de Marrons D’4 auront achevé de rembourser le prêt qu’ils ont contracté.
L’atelier est installé chez Francis Armagnac à La Roque-Gageac, qui met ses locaux agricoles à disposition. Chacun a sa zone dans les chambres froides et se concerte pour venir peler ses châtaignes.
Les adhérents payent à l’association en fonction du poids engagé en épluchage, à raison de 1 euro le kilo pour financer les frais d’eau, de gaz, d’électricité, d’amortissement du matériel et les intérêts de l’emprunt. Tout est répertorié dans un cahier. L’association propose aussi de la prestation pour d’autres, à raison de 1,50 euro le kilo.
Un statut d’association pour plus de souplesse
Les associés ont étudié différentes structures possibles mais ont préféré la forme associative à un GIE, pour plus de souplesse. Si le matériel est mutualisé, chacun a sa propre stratégie et réalise un éventail plus ou moins grand de produits. Marrons D’4 est équipé pour mettre sous vide et en bocal mais pour les gros volumes et les recettes comme la crème de marrons ou les soupes, les producteurs travaillent chacun avec l’Atelier des maraîchers, une entreprise spécialisée dans la transformation pour les maraîchers et arboriculteurs bio située à Bergerac (voir plus loin). « Nous nous mettons d’accord sur les produits que l’on souhaite faire. Nous ne nous marchons pas sur les pieds », résume Jean-Roland Lavergne.
Chacun établit son propre réseau de commercialisation. Certains membres privilégient par exemple la vente directe sur les marchés et les dépôts de produits dans des magasins de producteurs. D’autres fonctionnent plutôt avec des grossistes.
Développer la châtaigne sous vide
« Nous nous parlons souvent. On respecte ce que font les uns et les autres. On se connaît bien », poursuit-il. Le bon fonctionnement de l’association tient à cette confiance mutuelle et à la communication permanente entre les membres. « Les règles du jeu sont claires », se réjouit Francis Armagnac.
La commercialisation n’est pas la partie la plus facile. « Ça ne se vend pas comme la confiture de fraises », ironise Francis Armagnac. « Il y a encore du boulot pour faire connaître la châtaigne et changer l’image », estime pour sa part Jacques Angibaud. « Le marron garde encore pour beaucoup l’image d’aliment du pauvre ou est toujours associé à la dinde de Noël », abonde Marie Diméné, sœur d’Alain Diméné. Mais elle constate que l’on peut intéresser certains consommateurs en parlant par exemple de « risotto de châtaignes ». « Ce n’est pas transcendant pour l’instant en marge, considère Jean-Roland Lavergne. Mais ce type de démarche est une projection sur l’avenir. La châtaigne transformée progresse alors que la fraîche stagne. C’est en train de prendre. On est dans le bon timing. »
Parmi les projets, Marrons D’4 veut développer le conditionnement sous vide, « qui revient moins cher que le bocal », précise Francis Armagnac et donc s’équiper d’une sous videuse plus performante.
Le producteur aimerait aussi convaincre des jeunes de rejoindre Marrons D’4. Il observe que certains viennent en prestation mais ne sont pas décidés à y entrer. À terme, l’association espère pouvoir s’installer dans un local dédié, qui pourrait être un point de ralliement pour attirer d’autres personnes. Elle épluche actuellement 5 tonnes mais ses équipements pourraient sans problème traiter 15 tonnes.
Sous-traiter la transformation
Une décortiqueuse de fabrication locale
repères
Localisation La Roque-Gageac et alentours en Dordogne
Surface 15 ha de châtaigneraies
Variétés principalement bouche de bétizac, bournette, marigoule
Volume épluché 5 t
Produits marrons au naturel ou sous vide, crème, confiture et purée de marrons, soupes…