« Ce qui me motive, c’est de tirer mon revenu de la performance de mes vaches laitières », dans les Deux-Sèvres
À l’EARL La Roseraie, dans les Deux-Sèvres, une alimentation plus pointue, un meilleur confort des bâtiments et des choix génétiques cohérents ont permis d’améliorer la fréquentation du robot de traite et la productivité laitière des vaches.
À l’EARL La Roseraie, dans les Deux-Sèvres, une alimentation plus pointue, un meilleur confort des bâtiments et des choix génétiques cohérents ont permis d’améliorer la fréquentation du robot de traite et la productivité laitière des vaches.
L’EARL La Roseraie, à Périgné dans les Deux-Sèvres, se situe dans une région de grandes cultures où les éleveurs se font rares. Quand Victor Charles s’installe en 2017 sur cette ferme de polyculture élevage, il reprend les parts de son père parti en retraite mais qui continue de travailler en tant que salarié à temps partiel.
La structure qui était faite pour deux associés compte aujourd’hui l’équivalent d’une personne et demie. « Mon projet était d’installer un robot de traite plutôt que d’embaucher un salarié, et d’augmenter la production par vache pour améliorer les résultats économiques », plante le jeune éleveur.
Une stratégie volume assumée
Pour améliorer les résultats, Victor Charles pousse plus loin la stratégie volume de ses prédécesseurs, qui étaient déjà en zéro pâturage, avec 80 vaches à près de 10 000 kilos de lait. « Ce qui me motive, c’est de faire mon résultat grâce au chiffre d’affaires, par le volume. Et sur la ferme, pour ne pas partir dans de gros investissements, cela passait par l’amélioration de la productivité laitière des vaches. »
Fiche élevage
1,5 UMO
80 à 86 vaches laitières et leur suite, soit 110 à 119 UGB au total
11 400 l/VL/an
24,4 mois d’âge au premier vêlage
16,1 kg de lait par jour de vie (moyenne nationale à 12 kg d'après prim'Holstein France)
165 ha de SAU
61 ha de SFP dont 39 ha de maïs ensilage et maïs épi, 12 ha de luzerne et 10 ha de prairie
Avec son vétérinaire conseil, l’éleveur a revu l’alimentation des laitières, des taries, des veaux et des génisses, mais aussi le réglage des logettes, la ventilation dans la stabulation et l’ambiance de la nurserie.
« Grâce à tous ces ajustements, la performance du troupeau s’est bien améliorée. Les vaches sont passées de 10 000 litres à 11 400 litres en quelques années. »
L’âge au premier vêlage est d’un peu plus de 24 mois et le taux de renouvellement a atteint 23 % en 2024, contre 31 % en moyenne les trois dernières années.
Des rations plus efficaces
Avant, les vaches ne valorisaient pas toute la ration. Pour améliorer l’efficacité de la ration, l’enrubannage de ray-grass d’Italie et de luzerne a été remplacé par de l’ensilage. Victor Charles change régulièrement les couteaux de la remorque mélangeuse et règle pour couper des brins de moins de 3 centimètres de long. La farine de grains de maïs secs a été substituée par de la farine de grains de maïs humides. « L’amidon est mieux valorisé, et j’ai économisé des frais de séchage », ajoute l’éleveur.
Autre changement : au robot de traite, le concentré de production à base de lin extrudé « était cher et peu convaincant sur la production laitière. Aujourd’hui, j’apporte de l’huile de palme fractionnée à l’auge, et deux aliments au robot : un tourteau de soja et une VL enrichie en lysine et méthionine, avec des apports individualisés selon la production laitière ».
Tous les fourrages sont analysés chaque année, et « je commande des minéraux à la carte, en fonction des analyses, pour complémenter à bon escient ».
Enfin, Victor Charles concocte une ration spécifique pour les vaches taries et pour les génisses. Les veaux ont une poudre de lait plus riche en protéine (27 %) et matière grasse (21 %).
Améliorer encore le confort de la stabulation
Tous les animaux sont conduits en zéro pâturage, sauf les taries en début de tarissement qui sortent un peu. Victor Charles a renforcé la vigilance sur les membres. Il sélectionne les taureaux sur la qualité des aplombs, et il a investi dans une cage de parage dès son installation. Le pareur vient dix fois par an et l'éleveur fait aussi du parage curatif à l’occasion.
La stabulation, ouverte sur la façade sud, date de 1976 et a été élargie et allongée au fur et à mesure. « Il n’y a plus moyen de l’agrandir encore. » Il y a 90 logettes pour environ 70 vaches traites, une dizaine de vaches taries et quelques génisses en préparation au vêlage.
En 2022, des tapis et un robot aspirateur de lisier ont été installés dans les couloirs d’exercice pour améliorer le confort des vaches. Quelques ventilateurs d’occasion ont été installés dans la stabulation au-dessus des couloirs d’exercice. Mais c’est insuffisant. Quand il fait trop chaud, comme en septembre, malgré les parages réguliers, les vaches ont davantage de problèmes de pattes. Et la production laitière diminue. « Mon prochain investissement sera dans l’amélioration de la ventilation au-dessus des logettes. Car l’été, j’aimerais qu’elles restent davantage couchées. » En attendant, des matelas à eau ont été achetés en 2025 pour améliorer le confort des logettes.
Vitesse de traite améliorée au robot
Augmenter la vitesse de traite a permis de réduire le temps d’attente des vaches au robot. « J’ai installé un brossage des trayons pour stimuler la sortie du lait et augmenter la vitesse de traite. Je sélectionne les taureaux sur le critère vitesse de traite, en plus des critères sur les pattes et la production laitière. Je suis passé de 2,8 à 3,3 litres par minute. Et je pense pouvoir encore faire progresser mes vaches », détaille Victor Charles.
Les premières années, la fréquentation du robot était insuffisante à 2,4 passages par jour pour un total de 170 traites par jour. L'éleveur a réduit le tourteau de soja à l’auge et en a mis plus au robot. Le nombre de traite frôle à présent les 200 traites par jour, soit une fréquentation de plus de 2,6 fois par jour.
« Aujourd’hui, j’estime toucher mes objectifs techniques. Je pense encore améliorer le rendement laitier de mes vaches, via la génétique, l’amélioration de l’ambiance et même l’alimentation, en choisissant des maïs ensilage plus digestibles, conclut l’éleveur. Au niveau économique, les résultats sont satisfaisants même s'il y a encore des marges de progrès. Mes coûts alimentaires sont encore supérieurs à la moyenne du groupe. Je regarde comment mieux maîtriser les charges. En achetant les tourteaux par camion de 30 tonnes et en faisant des contrats, par exemple. »
Enfin, les résultats d’exploitation se révélant meilleurs par rapport aux premières années d'installation, « j’aimerais me dégager davantage de temps libre ».
AVIS D'EXPERT - Alice Auffrais, chambre d'agriculture de Charente-Maritime et Deux-Sèvres
« Un dérapage des charges en 2024-2025 »
« L’EARL La Roseraie dégage de bons résultats en dehors de 2024-2025, année très humide. Les années de sécheresse perturbent moins le système, grâce à l’irrigation sur une partie des cultures de vente et du maïs fourrage, et grâce aux terres dans les marais. La force de l’EARL est que Victor Charles est un très bon éleveur, très technique.
Mais sur l’exercice 2024-2025, l’EBE a baissé de 30 % en lien avec une hausse des charges. Le coût de production est passé de 493 euros les 1000 litres en 2023 à 541 euros en 2024, en lien avec l'année climatique et fourragère compliquée. La météo très pluvieuse a contraint Victor à faire resemer par l’ETA beaucoup de cultures. La hausse des tarifs des entrepreneurs agricoles a également pesé. Les fourrages ont perdu en rendement et en qualité. Ce qui a nécessité de passer du maïs prévu pour la vente à du maïs ensilage et du maïs grain humide. La complémentation et les apports de minéraux ont augmenté pour pallier les moins bonnes qualités du ray-grass d’Italie et de la luzerne. Et des capteurs de mycotoxines ont été ajoutés pour assurer la santé et les performances du troupeau.
Ce dérapage des charges est aussi lié au choix de l'éleveur de maintenir la production par vache avec plus de complémentation. Ainsi, malgré des prix unitaires en baisse et un volume de lait plus élevé (+ 600 l/VL/an), le coût du poste "Aliments achetés" a augmenté, passant de 164 à 175 euros les 1000 litres. Dit autrement, les derniers litres de lait ont coûté trop cher à produire. Ainsi, en 2024, malgré un prix du lait en hausse (470 €/1000 l contre 437 en 2023), la rémunération permise est inférieure aux résultats habituels, avec 2,2 Smic/UMO selon l'approche trésorerie ou 1,2 Smic/UMO selon l'approche comptable. »
La rentabilité de l’EARL La Roseraie et La rentabilité de l’atelier lait en 2023-2024
Ce sont les résultats 2023-2024 qui sont présentés car ils reflètent la stratégie de Victor Charles au cours d’une année fourragère correcte. Ce ne fut pas le cas en 2024-2025 où les conditions météorologiques très pluvieuses ont entraîné une hausse inhabituelle des charges.
Avec une stratégie de forte productivité du lait (plus de 11 000 l/VL/an, plus de 15 000 l/ha), les charges sont bien diluées.
Le coût des fourrages (intrants et achat) est maîtrisé car l'EARL n'achète pas : elle est autonome en fourrages, grâce à la souplesse permise par les surfaces en grandes cultures qui peuvent servir à accroître la production fourragère (dérobées, maïs pris pour l'atelier lait au lieu d'être vendu).
Tous les travaux des champs sont délégués, ce qui se traduit par un poste de charges et amortissements de mécanisation moins élevé que la moyenne des exploitations suivies par la chambre. Les investissements sont centrés sur l’élevage, sur ce qui va améliorer l’efficacité de la conduite et donc le résultat.
Le robot de traite est plus coûteux avec le temps (les frais liés au robot de traite sont dans le poste "bâtiment"), avec plus de pièces à changer et des pannes plus fréquentes. « Mon contrat de maintenance (assistance minimale) n’est plus adapté. Si c'était à refaire, je prendrais un contrat avec plus d'assistance. C'est plus simple pour maîtriser les charges et éviter les mauvaises surprises. Mais quelque soit le contrat, le robot coûte cher et les tarifs d’entretien ont augmenté fortement ces dernières années », commente Victor Charles.
Automatiser, déléguer, simplifier pour améliorer la productivité du travail
• La délégation de tous les travaux des champs était déjà pratiquée par les anciens associés.
• Le robot de traite a été acquis par Victor Charles en 2017. C’est un Lely A4 acheté neuf grâce à un PCAE (aides à l’investissement).
• Un DAL a été acheté en 2019 pour les veaux.
• Pour simplifier le travail, l’éleveur ne fait qu’un seul lot de vaches taries.
• Un DAC est réservé aux préparations vêlage avec un aliment riche en protéine et acidifiant (Baca négatif).
• Pour améliorer l’organisation du travail et gagner du temps chaque jour pour la distribution de la ration des vaches taries et des génisses, Victor Charles prépare une fois par semaine des premix, qui sont stockés dans un hangar bien au sec.
• Le premix des vaches taries comprend : paille, tourteau de soja, aliment liquide riche en azote soluble, minéraux et sel anionique. Chaque matin, l’éleveur le mélange avec de l’ensilage de maïs, le tout mouillé à l’eau. Le premix des génisses (foin de prairie permanente, foin et enrubannage de luzerne, tourteau de soja et minéraux) est mélangé chaque matin avec de l’ensilage de maïs et de l’ensilage de ray-grass d’Italie.
La rentabilité à l'EARL La roseraie
| Résultats technico-économiques 2023 | Produits et coûts de production aux 1 000 litres | ||||
| EARL | Groupe(1) | EARL | Groupe(1) | ||
| Nbre de vaches présentes | 86 | 101 | Produit de l’atelier | 500 € | 589 € |
| Nbre d’UGB totales | 110 | 145 | dont produit lait | 437 € | 494 € |
| UMO lait | 1,4 | 2,3 | dont produit viande | 49 € | 44 € |
| Lait/UMO lait | 662 143 | 425 125 | Coût de production total | 493 € | 555 € |
| Lait vendu | 927 000 | 923 438 | dont coût alimentaire | 208 € | 125 € |
| TB - TP (g/l) | 40,1 - 32,6 | 42,5 - 34,1 | dont coût des fourrages | 44 € | 13 € |
| Lait par jour de vie (kg/j) | 16,1 | - | dont coût aliments achetés | 164 € | 112 € |
| Taux de renouvellement | 23 % | 32 % | dont frais d’élevage | 34 € | 50 € |
| IVV | 373 j | 403 j | dont mécanisation et amortissements | 84 € | 106 € |
| Âge au premier vêlage | 24,4 mois | 29,1 mois | dont bâtiments et amortissements | 73 € | 62 € |
| Concentré vaches et génisses | 289 g/L | 318 g/L | dont foncier et capital | 16 € | 39 € |
| Concentré vaches et génisses | 3,1 t/VL/an | 2,9 t/VL/an | dont rémunération associés et salariés | 48 € | 96 € |
| Approche comptable | Approche trésorerie | ||||
| Amortissements lait | 57 €/1 000 L | - | |||
| Frais financiers lait | 6 €/1 000 L | - | |||
| Prix de revient(2) | 430 €/1 000 L | - | Prix de fonctionnement (2) | 404 €/1 000 L | - |
| Rémunération permise/UMO lait | 2,32 Smic | - | Trésorerie permise /UMO lait | 3,52 Smic | - |
| Résultats économiques du 1er avril 2023 au 31 mars 2024 | |||
| Produits | 701 839 € | Charges | 545 444 € |
| dont lait | 404 994 € | Charges opérationnelles | 313 830 € |
| dont viande | 74 817 € | dont aliments achetés | 152 285 € |
| dont produits végétaux | 144 034 € | dont intrants cultures | 106 672 € |
| dont primes | 6 170 € | Travaux par tiers | 19 847 € |
| dont aides couplées | 2 320 € | dont frais véto et repro | 10 427 € |
| dont aides découplées | 42 550 € | dont carburant lubrifiant | 12 857 € |
| dont subventions et indemnités | 11 476 € | dont matières premières et fournitures | 11 742 € |
| dont autres | 15 479 € | Charges de structure hors amortissements | 231 614 € |
| dont entretien et réparations | 31 372 € | ||
| dont personnel | 32 865 € | ||
| dont locations | 31 491 € | ||
| dont frais généraux | 72 503 € | ||
| dont impôts et taxes | 2 122 € | ||
| dont autres services | 61 261 € | ||
| EBE : 156 395 euros | |||
| Approche comptable | Approche trésorerie | ||
| Amortissements | 85 504 € | Annuités long et moyen termes | 71 416 € |
| Frais financiers | 9 434 € | Frais financiers court terme | 9 434 € |
| Produits financiers | 657 € | Produits financiers | 657 € |
| Résultats exceptionnels | 75 934 € | Résultats exceptionnels | 75 934 € |
| Résultat courant | 138 048 € | Revenu disponible | 152 136 € |
| Source : Cogedis | |||