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CETA : un accord déstructurant pour la filière viande bovine

Le Ceta, accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada a été ratifié par le Parlement européen le 15 février 2017 et ce, malgré les incidences négatives à prévoir sur les filières d’élevage.

Les négociations bilatérales entreprises avec le Canada en 2008 sur un accord de libre-échange avec l'Union européenne, connu sous l'acronyme Ceta, viennent de se conclure avec la ratification par le Parlement européen, le 15 février dernier, du texte signé par les négociateurs le 30 octobre 2016. « Cette étape devrait permettre l’entrée en vigueur provisoire du traité dès mars 2017. Par conséquent, la suppression progressive des droits de douane et les contingents tarifaires prendraient effet immédiatement, même si chacun des parlements nationaux doit encore s’exprimer », explique Baptiste Buczinski, chef de projet à l’Institut de l’élevage, avant de poursuivre : « il est difficile de dire exactement quand les premières répercussions seront ressenties. Certes, pas à court terme, la filière sans hormone canadienne étant aujourd’hui un marché de niche. Toutefois, à moyen terme, soit deux à trois ans, les retombées pourraient être perceptibles ».

Une étude, commandée par le groupe Verts/ALE du Parlement européen et Interbev, et réalisée par AgroParisTech, l’Institut de l’élevage, l’Institut du porc et l’Université de Laval (Québec), a pointé les risques du Ceta sur le secteur européen des produits animaux, secteur particulièrement concerné. « L’entrée en vigueur de l’accord aura des conséquences négatives sur la viande », souligne cette étude.

Des risques insidieux également

Le rapport met également en évidence le risque d’affaiblissement des normes européennes, l’accord engageant les signataires à « faire en sorte que les mesures sanitaires et phytosanitaires… des parties ne créent pas d’obstacles au Ceta ». Ainsi, le gouvernement et/ou les entreprises canadiennes pourraient s’attaquer notamment à l’interdiction des stimulateurs de croissance hormonaux, à l’interdiction de certaines substances de décontamination des carcasses destinées à la consommation humaine (acide citrique, acide péroxyacétique), aux restrictions dans l’importation, à la consommation et à la production d’organismes génétiquement modifiés.

Il existe également de nombreuses autres conséquences potentielles, comme la remise en cause de la possibilité de réguler à nouveau les prix agricoles, de restaurer des prix minimums garantis et de maîtriser les volumes de production en raison de la suppression quasi-totale des droits de douane agricoles. « De plus, la part des subventions directes dans le revenu des producteurs agricoles peut faire l’objet d’une demande d’ouverture de consultations, si le Canada estime que ses intérêts en pâtissent ou sont susceptibles de pâtir de mesures d’aides accordées par l’autre partie. »

Un impact prévisible

Sur la viande bovine, le contingent tarifaire concédé par l’Union européenne est jugé marginal par les promoteurs de l’accord. Promoteurs faisant valoir que les 67 950 tonnes de contingents à droits zéro ou réduits de viande bovine, accordés par l’UE au Canada de façon progressive sur six ans, représentent moins de 1 % des 7,72 millions de tonnes de viande bovine produites par l’Union en 2015. Et ajoutant que les contingents tarifaires déjà octroyés ne sont pas intégralement utilisés par le Canada, leurs exportations étant notamment freinées par l’interdiction de l’entrée dans l’Union européenne de bœuf traité aux hormones.

Néanmoins, plusieurs éléments peuvent laisser penser que l’ouverture de ce nouveau contingent pourrait être utilisée à terme par les exportateurs canadiens, avec en particulier le développement d’une filière sans hormone de vaches de réforme, peu valorisées au Canada. « Le niveau de valorisation de la réforme, des découpes d’arrières notamment, sur le marché européen pourrait en effet pousser des entreprises canadiennes à créer des filières spécifiques de valorisation. Il y a ainsi tout à parier que les volumes supplémentaires alloués au Canada seront en quasi-totalité servis en pièces d’arrière de haute qualité, surtout en côtes et aloyaux, principalement à destination du secteur de la restauration hors domicile européen, cœur de la valorisation des carcasses européennes. Un segment que l’on peut estimer à 800 000 tonnes environ en Europe, et même à 400 000 si l’on ne tient compte que de la production d’aloyau d’origine allaitante. L’impact prévisible sur le commerce de ces pièces et sur leur valorisation sera donc plus élevé. La déstabilisation de ces prix ne sera sans doute pas permanente et systématique. Mais le risque sera grandement accru au printemps-été (saison privilégiée pour la consommation de viandes grillées), et surtout en cas de dévaluation du taux de change du dollar canadien par rapport à l'euro », note le rapport.

Une influence sur la confiance du consommateur

Le rapport souligne également l'effet potentiel sur le consommateur. En important davantage de viande canadienne, dont les modes de production sont encore loin de répondre à des standards aussi exigeants qu'en Union européenne, que ce soit sur le bien-être animal, l’environnement ou la traçabilité, on risque fort d’importer aussi davantage de suspicion vis-à-vis du produit en général, quelle que soit son origine. « En effet, un audit réalisé par l’Union européenne en 2014 sur l’évaluation des opérations de contrôle dans la production de viande canadienne fait état de plusieurs lacunes, laissant entrevoir des risques de perméabilité entre la filière bovine garantie sans utilisation d’activateurs de croissance et celle avec. On n’est donc pas à l’abri d’une erreur qui laisserait passer une à deux bêtes élevées aux hormones, créant un scandale auprès du consommateur dans une filière européenne déjà en crise », souligne Baptiste Buczinski.

Dans le domaine des viandes, « la proposition d’ouverture d’un contingent de 300 000 tonnes équivalent carcasse (tec), faite en 2005 à Hong-Kong par Peter Mandelson, commissaire européen au Commerce de l’époque, fixe la limite de volumes à ne pas dépasser par l’Union européenne dans l’ensemble des accords bilatéraux conclus ou à venir. L’accord UE-Canada provoque un saut significatif dans les possibilités d’accès au marché européen sous un régime facilitant, à droits réduits ou nuls. Or, des accords bilatéraux plus importants sont à venir, comme dans le cadre du Mercosur… Ces volumes ramenés au segment européen visé (produits de haute qualité estimés à 800 000 tec) seraient donc particulièrement impactants. »

Un rapport qui confirme les craintes de la filière

Un système de production canadien très compétitif

Le pays comptait en 2015 environ 3,8 millions de vaches allaitantes et un peu moins de 1 million de vaches laitières. La production canadienne de viande bovine représente moins de 13 % de celle de l’Union européenne.

En engraissement de bouvillons, le différentiel de coût de production est significatif. La taille des feedlots et leurs niveaux de production « entraînent des économies d’échelles permettant de limiter le coût des équipements (bâtiments, matériels...) et celui des facteurs mobilisés pour la production (rémunération du foncier, du capital et du travail). Au final, les coûts de production suivis dans le cadre d’Agribenchmark sont inférieurs, pour les unités d’engraissement canadiennes, de 11 à 12 % à ceux des systèmes d’engraissement types en Allemagne, France ou Italie. »

 

 

Un différentiel de compétitivité supérieur pour les réformes

Le différentiel de compétitivité dans les maillons engraissement et surtout abattage-découpe est tel entre le Canada et l’UE que cela laisse présager « que les contingents ouverts seront pratiquement remplis, malgré les contraintes supplémentaires. Il pourrait y avoir une incitation pour la filière canadienne à développer un marché de découpes issues de vaches de réforme de type viande en réponse à la demande européenne, en rupture avec la tradition canadienne qui est de hacher la totalité de ces carcasses ». De plus, la compétition devrait s’accroître pour la valorisation des vaches de races à viande. Plus le niveau de découpe est fin (comme la côte par rapport aux quartiers arrière), plus les produits canadiens deviennent compétitifs par rapport aux produits européens. Ces marchés de découpes plus élaborées pourraient donc être visés par les exportateurs canadiens. « Et ce, d’autant plus que les produits issus de découpes d’arrières du Canada subissent des variations saisonnières moins importantes que les produits européens. Cela pourrait intéresser certains importateurs européens lorsque le marché intérieur des pièces en question connaît un pic de prix. »

 

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