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Irlande
Sur l'île verte, l'élevage est roi

Les élevages de bovins allaitants occupent une place de choix en Irlande où la surface fourragère prédomine. Le visiteur sera frappé par la qualité des pâtures et l’aspect bigarré et multicolore des troupeaux. Malgré sa petite taille, l’Irlande est un acteur majeur sur le marché européen de la viande bovine.

© C. Delisle

De l’herbe, des vaches et des exportations, voilà trois mots qui peuvent caractériser l’agriculture irlandaise. L’Irlande est un pays herbager, plus de 90 % de la surface agricole utile est en herbe. L’utilisation des 4,5 millions d’hectares de SAU se répartit ainsi : 50 % de la surface sert pour le pâturage uniquement, 25 % sont destinés à l’ensilage d’herbe, 11 % aux parcours ou pâturages extensifs, 6 % au foin, 6 % aux céréales et 2 % aux fruits, pommes de terre… Le climat humide et la nature des sols de ce territoire, où la sécheresse estivale n’existe pas, sont idéaux pour la culture de l’herbe. D’où sa part prépondérante dans l’alimentation des troupeaux de ruminants. L’élevage d’herbivores concerne la majorité des exploitations puisqu’il est présent dans plus de 90 % d’entre elles. La production allaitante occupe d’ailleurs une place de choix. 53 % des élevages sont spécialisés bovins viande. L’île verte est d’autre part un poids lourd sur le marché de la viande européenne. Sa vocation exportatrice s’explique par sa faible population rapportée à l’importance de son troupeau et sa petite taille. Sa superficie est environ huit fois inférieure à celle de la France. Le cheptel bovin irlandais compte 6,7 millions de têtes pour 2,2 millions de vaches, dont plus de la moitié sont des allaitantes (1,15 million). Elles sont conduites parfois en race pure, mais le plus souvent en croisement. Les 100 000 élevages bovins viande irlandais se caractérisent également par leurs petites dimensions et une forte proportion de systèmes double actifs.


DES ELEVAGES DE PETITE TAILLE


Les exploitations allaitantes sont en effet de taille restreinte, en moyenne 33 hectares pour 18 mères. Plusieurs explications peuvent être avancées. Au début du XXe siècle, les terres agricoles appartenaient aux Anglais. L’État irlandais a souhaité redonner leurs terres aux éleveurs du pays. Les surfaces agricoles ont donc été réparties entre les éleveurs jusque dans les années 1960. Les terres ainsi partagées ont contribué à leur petite taille. Le prix du foncier est également une source de blocage pour l’agrandissement. En 2010, un hectare de terres agricoles était estimé en moyenne à 25 000 €. Trois ans plus tôt, ce chiffre était de 45000 €. Cette variation s’explique par la croissance de la population et le fort développement économique du pays, ces dernières années. Les constructions se sont ainsi développées, entraînant une pression foncière plus importante. Aujourd’hui, la crise qui frappe le pays a diminué cette pression. « La moyenne de 25000 € l’hectare est très variable. Elle dépend de la qualité de la terre. Dans le centre-est de l’île, où les terres sont fertiles et propices à la culture de céréales, l’hectare se vend aux alentours de 35000 €, alors qu’à l’est, pays de landes, l’hectare s’élève à 20000 € », explique Kevin Kinsella, responsable de l’association des éleveurs irlandais (IFA, Irish Farmers Association). « Le prix du foncier rend également difficile l’installation des jeunes. La proportion d’éleveurs âgés de 44 ans et moins est passée de 35 % à 25 % entre 2000 et 2007. L’âge moyen des éleveurs irlandais se situe entre 55 et 58 ans, ce qui pose le problème du renouvellement des générations », commente Mickael Treacy, directeur de l’IFA.


DES EXPLOITANTS À MI-TEMPS


La petite taille des structures a pour conséquence la faible rentabilité des élevages. « Le revenu moyen des exploitations bovins viande est relativement faible: 10000 euros par UTA en 2010. Il est donc difficile de vivre uniquement de l’agriculture pour les éleveurs concernés. Les aides sont indispensables et beaucoup d’exploitants sont par ailleurs obligés de travailler à l’extérieur », ajoute Mickeal Treacy. Plus de la moitié d’entre eux sont en effet pluriactifs. Jusqu’à présent, beaucoup travaillaient dans le bâtiment avec le fort développement économique du pays, mais depuis la crise, le nombre d’emplois a chuté. « Les exploitants ont actuellement des problèmes pour se procurer du travail en dehors. Par conséquent, il est important pour eux de trouver de la valeur ajoutée dans l’agriculture. Ils se tournent donc vers des activités avec des rentabilités plus fortes (par exemple en ayant une double production, moutons) », explique Padraig Brennan de l’agence Bord Bia en Irlande.


UNE CERTAINE SAISONNALITÉ


Malgré l’évolution, ces 20 dernières années, de la conduite des troupeaux allaitants, la saisonnalité des vêlages reste élevée. L’alimentation repose principalement sur le pâturage. 60 % des vêlages ont lieu de mars à mai. La mise à la reproduction s’effectue donc au cours de la période de pâturage. Si l’on ajoute à cela, le travail à l’extérieur de la plupart des éleveurs, la monte naturelle est largement plébiscitée. Seuls 17 % des vaches allaitantes sont inséminées. « Les bêtes sont élevées et engraissées à l’herbe. Pâturages permanents l’été et ensilage d’herbe l’hiver. Les concentrés ne constituent en moyenne que 7 % de la ration en kilos de matière sèche. Les boeufs et les génisses représentent plus de 75 % de la production irlandaise. Le principal type d’animaux produits est le boeuf de 24 à 30 mois », détaille Kevin Kinsella. Auparavant, les mâles étaient presque tous castrés (95 %), mais actuellement cette proportion a tendance à diminuer. Elle est de 80 %. « Le Royaume-Uni, notre principal marché vers l’export, souhaite importer des boeufs, mais le développement de nos débouchés vers l’Italie, la France et l’Espagne a fait évoluer la demande différemment. Ces pays préfèrent, en effet, des animaux non castrés », précise Mickael Treacy. Autre changement, l’élevage de jeunes bovins. Depuis l’entrée en vigueur de l’Agenda 2000, cette production s’est en effet développée. Produire des jeunes bovins permettait à l’éleveur d’abaisser le chargement et de continuer à toucher la prime à l’extensification. En 1999, les abattages de jeunes bovins ne dépassaient pas les 2 % du total, aujourd’hui, ils représentent 9 % des abattages. Mais l’augmentation des cours des céréales remet en question la production de ces animaux, car l’Irlande est dépendante des importations de céréales.

PAC ET MERCOSUR AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS

Les aides directes à la production (PMTVA et PSBM), l’intervention publique et les restitutions aux exportations ont permis un fort développement du cheptel allaitant entre 1980 et 1998. L’Irlande est par ailleurs l’un des premiers pays à avoir totalement découplé ses aides PAC en 2005. Mais contrairement aux prévisions, le découplage des primes cette année-là a eu peu d’effet sur la production de viande bovine. Celle-ci s’est maintenue grâce à la mise en place d’un programme de bienêtre pour les vaches allaitantes, sorte de prime nationale couplée déguisée. Le bilan de la PAC en 2008 a donc eu peu d’impact. Par contre, la nouvelle PAC de l’après 2013, ainsi que les accords du Mercosur constituent comme en France deux gros challenges pour les années à venir. L’Irlande souhaite pour la PAC de 2013 « le maintien du budget et des régimes de paiement », explique John Bryan, président de l’IFA. D’ailleurs l’Irlande voudrait que la commission européenne accepte de donner une plus grande flexibilité dans les décisions de chaque pays et dans les normes environnementales à mettre en oeuvre, selon Padraig Brennan. D’autre part, l’avenir des négociations à l’OMC et la plus grande ouverture du marché européen aux importations constituent un sujet très sensible pour la filière irlandaise, très concernée par la concurrence avec les importations des pays tiers, étant elle-même une grande exportatrice. L’association des éleveurs irlandais est très vigilante sur le contenu de ces négociations. Elle avance comme arguments, le manque de traçabilité, de sécurité alimentaire, de contrôles environnementaux et le volet sanitaire pour la viande importée du Brésil. Compte tenu de l’actuel marasme de l’économie irlandaise pourtant florissante ces dernières années, certaines personnes désirent revenir vers l’agriculture. La demande pour intégrer les écoles en agriculture a explosé cette année.

 

Des troupeaux bigarrés


«Vigueur hydride, meilleures conformations et croissances, meilleure production laitière des mères », voilà la réponse des Irlandais, interrogés sur le pourquoi des croisements de leur cheptel. Ces produits croisés répondent très bien à la demande britannique, débouché historique de la production irlandaise. La plupart des troupeaux de bovins viande sont composés d’animaux issus de multiples croisements avec des races très diverses. Bien sûr, il existe quelques cheptels conduits en race pure. Mais, leur vocation première est de faire naître des reproducteurs destinés à être utilisés en croisements sur les troupeaux allaitants. Explications ! Le cheptel allaitant est constitué à partir du troupeau laitier. Chaque année, la moitié des vaches laitières pie-noires est croisée avec des taureaux allaitants majoritairement de races insulaires (Angus, Hereford) mais également de races continentales (Limousin, Charolais). Les femelles (F1) issues de ces accouplements correspondent à la vache allaitante irlandaise traditionnelle. Ces mères sont alors achetées par les éleveurs allaitants pour le renouvellement de leur troupeau. Cette pratique reste courante, même si de plus en plus de producteurs ont recours à l’auto-renouvellement. Les femelles F1 sont ensuite croisées avec des taureaux de races allaitantes pour donner les produits dits « commerciaux ». Les taureaux ici utilisés sont principalement de races continentales, Charolaise et Limousine. Mais on rencontre également des Simmentals(1) et des Blanc Bleu. La génétique continentale est en effet de plus en plus plébiscitée. On peut voir dans cet engouement, une réponse à la demande du marché continental et en particulier français et italien.

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