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Strongles digestifs : toujours se questionner

Qui traiter ? et quand traiter ? sont les deux questions à se poser chaque année avec le vétérinaire pour gérer les strongles digestifs dans les meilleures conditions possibles. C’est-à-dire en conciliant l’installation de l’immunité et la protection des animaux.

Le risque est à évaluer dans chaque élevage et pour chaque catégorie d’animaux.
Le risque est à évaluer dans chaque élevage et pour chaque catégorie d’animaux.
© J.-C. Gutner

Les strongles digestifs sont partout. Dès qu’un animal pâture, il est en contact avec eux. Il ingère avec l’herbe, des larves, et le cycle du parasite se met en route. Lorsque ces parasites sont présents en grand nombre dans le tube digestif, l’infestation par les strongles digestifs peut avoir des conséquences sur la santé et les performances des bovins. Il est donc nécessaire de contrôler leur infestation.
Les anthelminthiques, jusque-là très efficaces, souvent faciles à administrer et assez bon marché, permettent cela et sont très souvent utilisés. Cependant, un usage massif de ces produits induit une forte pression de sélection sur les parasites, pouvant faire émerger des phénomènes de résistance aux antiparasitaires. De plus, leur usage s’il est trop fréquent et peu raisonné va à l’encontre de la problématique actuelle de limitation des intrants chimiques en élevage. Il est nécessaire de s’adapter à cette nouvelle donne.
D’autre part au niveau de l’élevage, la gestion des parasites internes est bien souvent d’abord basée sur des habitudes, et n’est pas toujours bien raisonnée. Cette conduite s’explique probablement par la recherche d’une sorte d’assurance sanitaire, notamment dans les grands troupeaux. Mais l’optimisation des performances ne sera pas assurée si un traitement antiparasitaire est utilisé à la mauvaise période et/ou sur des animaux mal sélectionnés. Le sujet mérite que l’on se penche à nouveau dessus à la lumière de connaissances récentes.


Favoriser et préserver l’immunité des animaux


Le principe de la gestion raisonnée des strongles digestifs repose sur un compromis à trouver entre contamination, pour aboutir à l’immunisation des animaux, et protection des animaux, pour préserver leurs performances et leur santé. En quelque sorte, il s’agit de vivre en bonne entente avec les strongles digestifs.
Pour que l’immunité s’installe, il faut que les bovins soient en contact avec des strongles, mais en petit nombre, et pendant un temps long, de plusieurs mois. « L’immunité s’installe tout doucement. Ce n’est pas comme celle qui est acquise après passage d’un virus, car le parasite est beaucoup plus gros et complexe. Les procédés d’immunité en jeu sont très compliqués », explique Nadine Ravinet de l’Institut de l’élevage. « Et d’autre part, pour qu’elle perdure dans le temps, la présence du parasite est nécessaire. » C’est ce qu’on appelle une immunité « concomitante » qui n’empêche pas totalement l’infestation mais aboutit à un équilibre entre le bovin et les parasites : les animaux sont immuns mais bien porteurs de parasites en faible nombre.
La première manifestation de l’immunité est la baisse de fécondité des strongles femelles : les pontes d’œufs se réduisent (ce qui explique des coproscopies souvent négatives chez les animaux immuns). Puis la taille des strongles diminue. Ensuite, le développement des strongles est bloqué au stade L4 dans les parois de la caillette et le cycle redémarre beaucoup moins bien. Enfin, quand l’animal a acquis une immunité protectrice complète, les larves L3 s’implantent beaucoup moins bien dans la caillette. Chez les animaux immuns, la population de vers est donc régulée.
L’élimination de l’infestation par des traitements antiparasitaires trop fréquents et à rémanence longue peut retarder l’installation de l’immunité chez les jeunes, voire dégrader momentanément l’immunité d’animaux déjà immuns.
« Pour favoriser la mise en place de l’immunité tout en protégeant les animaux pour éviter les baisses de performance, il faut répondre aux deux questions suivantes : quand traiter ? et qui traiter ? » expose Nadine Ravinet. On considère que les animaux jeunes qui n’ont pas encore d’immunité, sont tous égaux face aux strongles pour simplifier les choses. Il s’agit alors de traiter les animaux par lot et de répondre à la question « quand traiter ». Par contre pour les adultes, il faut se poser les deux questions : « quand traiter » et « qui traiter ». En effet, plusieurs études ont été conduites en abattoir sur des vaches adultes, dont une sur vaches allaitantes à l’abattoir de Pamiers par l’École vétérinaire de Toulouse. « Ces études ont montré que la plupart des caillettes de vaches adultes contiennent des parasites, mais que la majorité des vaches hébergent très peu de parasites. Et que seulement une minorité en héberge beaucoup, et probablement suffisamment pour induire des pertes de performances », explique Nadine Ravinet. Selon les études, cette proportion de vaches adultes plus fortement parasitées est de 2 %, 15 %, voire 20 %.


Traiter au bon moment ceux qui en ont besoin


Ce dossier ne répondra pas de façon universelle aux questions « quand traiter » et « qui traiter », car ceci doit relever d’une approche propre à chaque élevage. C’est un diagnostic épidémiologique annuel à réaliser avec le vétérinaire qui fournira les réponses. « Le protocole doit en effet être raisonné selon de nombreux critères propres à l’exploitation : date des vêlages, objectifs techniques, mode de gestion des prairies, organisation de l’allotement et des manipulations des animaux… Le choix de l’antiparasitaire doit aussi être raisonné avec le vétérinaire. Les animaux destinés à l’engrais seront protégés de façon préventive et pour les animaux destinés à rester sur l’élevage, le protocole visera à développer leur immunité », explique Dr Didier Guérin du GDS de la Creuse. « Un point sur la gestion des strongles gagne à être fait au printemps, pour définir la stratégie à adopter pour la saison de pâturage, et à l’automne pour en tirer le bilan et mettre en place si nécessaire un traitement antiparasitaire adapté. »

Trois stades de larves

• Les strongles digestifs sont des vers ronds. Chez les bovins, Ostertagia, strongle digestif
de la caillette, est le plus fréquent et le plus pathogène, mais on regroupe avec lui sous le terme de strongles digestifs d’autres parasites fréquents : Cooperia et Nematodirus (intestin grêle), Oesophagostomum (gros intestin) et Trichostrongylus (caillette). Bunostomum (intestin grêle) et Haemonchus (caillette) sont plus rares sous nos climats tempérés.
• Les œufs de strongles gastro-intestinaux sont rejetés dans les bouses et ils évoluent
en larves de 1er, 2e et 3e stade.
• Les larves infestantes (L3) migrent depuis les bouses vers l’herbe et sont ingérées
avec elle par les bovins.

Strongylicides, phytothérapie, aromathérapie et homéopathie

 

Trois groupes de strongylicides

. Les strongylicides à action immédiate agissent aussitôt après leur application, mais au-delà de 3 à 70 heures, leur action est terminée.
. Les strongylicides à action rémanente ont une action qui persiste plusieurs semaines, de deux à cinq semaines environ. Ils contrôlent l’infestation et l’excrétion dans les bouses pendant cette durée.
. Les strongylicides à libération continue, intégrés dans des bolus, libèrent le produit de façon continue (90 à 145 jours environ) ou de façon séquentielle (toutes les trois semaines environ). S’ils sont administrés à la mise à l’herbe, l’absence d’excrétion d’œufs au printemps entraîne une certaine décontamination des pâturages par une diminution des larves infestantes sur l’herbe en septembre-octobre.


Les strongylicides se présentent sous forme injectable, pour on, buvable.
D’autre part, la phytothérapie, l’aromathérapie, et l’homéopathie pourraient constituer des alternatives aux antiparasitaires classiques, mais les études visant à démontrer leur efficacité sur des bases objectives restent rares, voire absentes.

 

Être prudent dans l’usage des anthelmintiques

« Des baisses d’efficacité, voire des résistances avérées aux anthelminthiques sont bien documentées dans différentes régions du monde. Chez les bovins, les problèmes sont plus récents que chez les ovins, mais de nombreux cas ont été rapportés en Australie, Amérique du Sud, Nouvelle-Zélande et États-Unis. Des études menées en Europe en signalent également en Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique et Suède. Et une étude récente(1) indique des baisses d’efficacité en France aussi », rapporte Nadine Ravinet de l’Institut de l’élevage. D’après cette étude conduite sur des génisses laitières en première année de pâturage, dans quatre troupeaux parmi les dix français étudiés où les anthelminthiques étaient beaucoup utilisés, des baisses d’efficacité du traitement (formulation injectable d’ivermectine et de moxidectine) ont été constatées. « C’est pourquoi il faut commencer à être très prudent dans l’usage de ces traitements si l’on souhaite assurer la durabilité de leur efficacité, et il est nécessaire de remettre en question les pratiques de gestion des strongles digestifs », précise Nadine Ravinet.

(1) Anthelmintic resistance of cattle gastro-intestinal nematodes in 4 European countries. Geurden et collaborateurs. In : Proceeding WAAVP, Perth, Australia, 25 – 29 August 2013, p. 167.

Pour en savoir plus

 

Voir dossier Réussir Bovins Viande d'octobre 2014. RBV n°219, p. 22 à 39.

Au sommaire :

p. 26 - Des outils d’aide à la décision pour gérer les strongles digestifs
Dans les élevages

p. 30 - Un audit parasitaire fait avec le vétérinaire
Philippe Camuset, vétérinaire

p. 32 - Chercher l’immunisation dès le premier pâturage
Gaec Carrette-Pocheron en Saône-et-Loire

p. 35 - Des traitements adaptés à la forte pression parasitaire
Chez Marie-Claude et Abel Kessler dans le Cher

p. 38 - Des traitements raisonnés ou systématiques
À la ferme expérimentale de Jalogny

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