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Phytoel
Réduire les phytos impacte la totalité de l’exploitation

Menée sur 32 exploitations, l'étude Phytoel montre qu’une forte réduction des produits phytosanitaires nécessite de revoir complètement la stratégie du système et pas seulement des cultures.

Toutes les études le montrent : les systèmes qui associent des cultures et de l’élevage sont moins consommateurs de produits phytosanitaires (-40 % en moyenne par rapport à un système de cultures seules). En outre, « on voit dans le réseau Dephy [NDLR fermes de démonstration du plan Ecophyto] que les systèmes de polyculture-élevage ont baissé les phytos plus fort et plus vite, explique Philippe Tresch, de l’Institut de l’élevage (Idele). Mais il s’est avéré qu’il était difficile d’accompagner le changement des pratiques de ces exploitations sans intégrer la partie élevage ». Le réseau Dephy travaille en effet uniquement au niveau du système de cultures. En 2014, l’Institut de l’élevage, en association avec divers partenaires, a lancé le projet Phytoel, d’une durée de trois ans, pour évaluer les moyens de réduction de l’usage des phytos et leurs conséquences à l’échelle de l’exploitation. Les simulations réalisées sur 32 exploitations (12 en bovins lait, 10 en bovins viande et 10 mixtes), choisies dans les réseaux Inosys et Dephy, montrent que les objectifs du plan Ecophyto 2 — réduction de 50 % de l’usage des phytos à l’horizon 2025 — sont atteignables. Mais selon les voies choisies, les niveaux de réduction sont très hétérogènes (de 13 à 100 %). L’usage des produits phytosanitaires est évalué avec l’indice de fréquence de traitement (IFT), qui représente le rapport entre la dose de phytos appliquée et la dose homologuée par hectare et par campagne.

Diviser par deux l’usage des phytos

Dans chaque exploitation, deux experts (issus de l’élevage et l’agronomie) se sont mis autour de la table avec l’agriculteur pour imaginer son exploitation de demain avec un usage des phytos divisé par deux. D’autres objectifs s’y sont greffés en fonction des souhaits de l’exploitant, souvent la recherche d’une plus grande autonomie en protéines dans l’alimentation des animaux. De nombreux leviers ont été explorés. Les plus classiques consistent à changer les pratiques d’utilisation des phytos : ajout d’adjuvants et amélioration des conditions d’application pour réduire la dose de matière active appliquée sans réduire l’efficacité du traitement, substitution des traitements par un désherbage mécanique, suppression d’un traitement en retardant la date du semis d’automne, utilisation de variétés plus tolérantes... Mais ces leviers ne permettent pas, en moyenne, de réduire l’IFT au-delà de 20 %. Pour aller plus loin, il faut modifier en profondeur l’assolement. Globalement, dans leurs simulations, les exploitations ont substitué une partie des cultures de vente les plus consommatrices de phytos (colza, blé tendre) par des cultures de vente moins utilisatrices (tournesol, maïs grain) et des cultures fourragères (méteil et prairies temporaires associant graminées et légumineuses). L’ensilage de maïs a été fortement réduit mais la surface de grain a augmenté. Globalement, la sole en maïs a baissé de 30 %.

Les ateliers cultures se complexifient

Baisser drastiquement l’usage des phytos nécessite donc de réorganiser complètement assolements et rotations. « Le nombre de cultures augmente dans 70 % des cas et les ateliers cultures se complexifient », constate Philippe Tresch. La part de la surface affectée au troupeau augmente mais pas le volume de fourrages produits. Signe donc d’une baisse du chargement (de 0,2 UGB/ha SFP en moyenne) liée à la réduction de l’ensilage de maïs. En revanche, les achats de correcteur azotés diminuent (-21 %) et l’autonomie en concentrés s’améliore (de 46 à 59 %). Ces bouleversements du système de cultures se traduisent par « une baisse de la densité énergétique et de la densité protéique des rations. Réduire l’usage des produits phytosanitaires se fait au détriment de la productivité et de la production ». Dans les ateliers viande, le volume de viande produit baisse en moyenne de 14 %. Il y a souvent moins de finition d’animaux, particulièrement dans les exploitations mixtes lait+viande qui abandonnent l’engraissement de jeunes bovins au profit d’une spécialisation laitière. Malgré tout, l’impact économique, testé sur la conjoncture 2013, est quasiment nul. Le produit baisse mais les charges opérationnelles également. Du coup, l’excédent brut d’exploitation (EBE) est inchangé. Mais avec de grosse différences de résultats selon les choix faits par les exploitations. De plus, il n’y a pas de lien entre évolution de l’EBE et évolution de l’IFT. L’impact sur la charge de travail est tout aussi variable, mais en moyenne elle reste stable pour les ateliers bovins viande.

Plusieurs voies sont possibles

« Il n’y a pas de vérité absolue, insiste Philippe Tresch. Réduire l’usage des produits phytosanitaires de manière importante nécessite de repenser en profondeur la stratégie globale de l’exploitation. Plusieurs voies sont possibles, qui permettent ou pas de compenser l’éventuel manque à gagner, voire d’améliorer les résultats économiques. Mais un tel changement doit être accompagné d’un conseil stratégique faisant appel à un regard croisé de compétences (zootechnique et agronomique). » En tout cas, les exploitations de polyculture-élevage sont parmi les mieux armées pour contribuer à la réduction de l’usage des phytos, en ayant recours a des leviers proches de ceux qui conduisent à l’agriculture biologique. Celle-ci est souvent l’étape suivante. Parmi les 32 exploitations supports de ces simulations, plusieurs ont déjà engagé le changement qu’elles ont scénarisé. Mais, si les exploitations ont capacité à s’adapter sans forcément voir baisser les résultats économiques, il ne faut pas négliger l’impact au niveau des filières, souligne Philippe Tresch : « Réduire les produits phytosanitaires se traduit par moins de céréales livrées à la coopérative, moins de lait à la laiterie, moins de viande à l’abattoir. Au-delà de l’exploitation, c’est également à l’échelle de la filière et du territoire qu’il serait nécessaire d’anticiper ces évolutions ».

D’autres vertus environnementales

Réduire les phytos a aussi un impact sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), en lien avec l’augmentation des surfaces en herbe et la baisse des intrants (engrais, achats d’aliments...). En moyenne, les scénarios réalisés dans les 32 exploitations montrent un recul des émissions brutes de 8 % et des émissions nettes (qui intègrent le stockage dans le sol) de 12 %. Un effet également sur l’eutrophisation des milieux aquatiques (-25 %) et l’acidification de l’air (-6 %) et la consommation d’énergie fossile (-13 %).

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