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Produire plus de kilos à l’herbe grâce au pâturage tournant

À la ferme Gen’Avenir, en Moselle, le pâturage tournant a été mis en place en 2015. Les premiers résultats techniques sont positifs. Ils démontrent son intérêt technique et économique en élevage allaitant.

La ferme Élitest de Plesnois, en Moselle, a bien évolué depuis sa fonction d’origine de taurellerie. Centre d’insémination adossé à une exploitation de polyculture, elle a doublé sa surface en 2002 avec la reprise d’une ferme voisine. La structure a alors également repris un troupeau charolais de 35 mères. En 2003, elle prend un virage sur le plan génétique avec l’inscription au contrôle de performance, au herd book charolais, et la pose d’embryons cornus et sans cornes. En 2014, elle change de nom et devient Gen’Avenir. Elle s’est réorganisée avec une conduite du cheptel axée sur la sélection d’animaux génétiquement sans cornes tout en cherchant à optimiser la ressource en herbe et la gestion du pâturage. Aujourd’hui, Gen’Avenir s’étend sur 214 ha et élève 65 mères dont la reproduction est conduite en 100 % IA avec des taureaux sans cornes.

Ces évolutions structurelles ont obligé les responsables de l’exploitation à retravailler l’assolement pour répondre aux besoins des animaux et améliorer l’autonomie alimentaire. Une contrainte importante influence également cette orientation : la perte progressive de terres. Située en zone périurbaine de Metz, l’exploitation voit ses surfaces grignotées progressivement. Elle a perdu 30 ha depuis 2000, 14 autres sont actuellement gelés.

« Nous avons lancé une réflexion pour produire le maximum de kilos de viande à partir de l’herbe pâturée. Nous avions des surfaces en herbe, mais pas suffisamment pour alimenter un troupeau de la taille visée. Et les parcelles en herbe existantes étaient fauchées et non pâturables » explique Luc Voidey, directeur technique de la ferme Gen’Avenir. Arvalis, qui mène un troupeau allaitant en pâturage tournant sur la station expérimentale voisine de Saint-Hilaire-en-Woëvre a apporté son expertise et appui technique au projet.

Plus 300 g de GMQ au 30 juin pour les broutards

Le principe du pâturage tournant est de fournir de l’herbe en quantité et en qualité, d’éviter le gaspillage et de pâturer au bon stade. L’objectif est de réduire le coût alimentaire, d’améliorer les performances animales, de conforter les stocks, de maximiser la durée du pâturage. « Sans le pâturage tournant, nous aurions besoin de plus de surface pour les mêmes performances et nous devrions complémenter l’été. »

Aujourd’hui, sur les 214 ha de l’exploitation, 78 sont en STH pâturable. 44 ha d’herbe ont été semés entre 2013 et 2015 pour répondre aux nouveaux besoins. « Il faut prendre le temps de se poser pour mettre à plat les besoins et les contraintes. Ensuite vient l’étape des calculs. C’est assez simple. Il faut constituer les lots d’animaux à faire pâturer. Dans notre cas, il y a cinq lots, à savoir les vaches suitées de mâles, les vaches suitées de femelles, les génisses un an, les génisses deux ans, et les vaches avec veaux mâles et femelles derniers nés. Puis en fonction du chargement optimal défini par Arvalis, on a découpé les parcelles pour chaque lot sur ses pairies dédiées. » Le principe est d’avoir quatre parcelles pâturées à la mise à l’herbe et sept en été (voir exemple ci-contre de la rotation des couples mères avec veaux mâles). Dès la première année et malgré la sécheresse, les résultats montrent un gain de 300 grammes sur le GMQ au 30 juin pour les broutards.

Si les animaux restent trop longtemps, on pénalise la reprise végétative

Si la taille des parcelles est trop grande, il y a un risque de gaspillage. Au contraire, si la parcelle est trop petite, le risque de piétinement et de surpâturage est accru. Il faut adapter le chargement en fonction de la date de mise à l’herbe et de la hauteur d’herbe. « Il faut penser différemment, explique Christophe Caron, responsable du troupeau Gen’Avenir. Au départ, c’est difficile de faire sortir les animaux alors qu’il reste cinq-six centimètres d’herbe. Mais il faut avoir en tête qu’ils vont revenir rapidement sur la parcelle. Si les animaux restent trop longtemps, on pénalise la reprise végétative. » La première rotation s’effectue sur 20 à 25 jours, avec un chargement de 30 à 35 ares/UGB. La deuxième rotation sur 25 à 30 jours, et la troisième en été sur 35-40 jours avec un chargement de 70 ares par UGB. « Bien sûr, il faut sans cesse se remettre en question et s’adapter aux conditions climatiques. Le plus gros travail est à la mise à l’herbe au printemps. À cette période, la vitesse de pousse varie vite, il faut surveiller et ajuster plus souvent. »

Entre le matériel de clôture (piquets, fil et poste électrique) et d’abreuvement (conduites d’eau, abreuvoirs), le coût des aménagements s’élève à 18 euros/ha/an pour 23 ha (investissement sur dix ans). Des accès larges aux parcelles ont été aménagés pour permettre une bonne circulation des animaux et des outils. Un homme seul peut faire les changements de parcelle. « Cela va très vite. Il ne faut pas plus de temps pour gérer le pâturage qu’avant. C’était notre crainte au départ, de devoir déplacer les animaux tous les quatre ou cinq jours. Mais ils s’habituent très vite et vont d’eux-mêmes sur les parcelles en herbe. Cela se fait en deux minutes, dans le calme et sans stress pour les animaux et pour nous », rapporte Christophe Caron. Le choix a été fait de faire un point d’eau pour deux parcelles. « Ces zones sont un peu plus piétinées, nous avons le projet de les stabiliser. » Par ailleurs au centre du plus grand îlot, un espace bétonné est prévu pour mettre un nourrisseur et un outil de contention des animaux. Pour éviter les dégâts de sanglier, un fil électrique a été positionné en bas de la clôture barbelée.

Pas de traitement antiparasitaire en 2015

La mise en place du pâturage tournant a de nombreux avantages, qui ont permis de fixer et d’atteindre dès la première année des objectifs de performances techniques précis. L’objectif principal est d’améliorer l’EBE. Cela passe par la production du maximum de kilos de viande à partir d’herbe pâturée. Un objectif de GMQ printemps-été de 1 500 g pour les mâles et 1 300 g pour les femelles a été fixé. Autre objectif, baisser la pression parasitaire en coupant le cycle des parasites grâce à la rotation des lots d’animaux sur les parcelles. L’exploitation est passée du traitement systématique au contrôle avant traitement et aucun traitement n’a été administré en 2015. Autre point, limiter l’apport de concentrés et de fourrages, avec la réduction de 50 % de l’apport de concentrés aux veaux mâles. La fertilisation des prairies a aussi été revue et les apports d’azote minéral réduits de 30 %. L’amélioration du GMQ au pâturage a permis de réduire légèrement les objectifs de croissance hivernale de 200 g/jours pour les génisses de un et deux ans. « Nous sortons aussi les animaux plus tôt, explique Christophe Caron. Nous voulons que nos animaux pâturent plus de sept mois par an, ce qui est beaucoup pour la région. » Des ajustements apportés pour la saison de pâturage 2016 et une meilleure connaissance pratique du système devraient encore améliorer les performances du troupeau.

« Nous avons aussi un atout pour cette première saison, c’est d’avoir semé de nouvelles prairies, avec des mélanges multi-espèces type Suisse, de graminées et de légumineuses. Et nous avons ainsi pu choisir les espèces semées en fonction des caractéristiques des parcelles (séchante ou non). Ces prairies se sont très bien comportées cet été malgré la sécheresse », explique Luc Voidey.

Le pâturage tournant permet de libérer des surfaces pour les cultures ou la fauche et de produire des fourrages de meilleure qualité en récoltant l’herbe à un stade optimum. De ce fait les rations hivernales font la part belle à l’herbe dans la ration, principalement sous forme enrubannée. La ration est complétée par du concentré en fonction de la qualité du fourrage distribué. « Cette année, nous avons bénéficié de la qualité supérieure de l’herbe récoltée et diminué le concentré acheté dans la ration au profit de l’orge aplati uniquement. » Les génisses de renouvellement de deux ans reçoivent uniquement du foin, les taurillons en engraissement 1,5 kg de paille, 7,5 kg d’orge aplati, 3,5 kg d’optiblé (24 % MAT). Les génisses d’un an mangent de l’enrubanné, du foin de regain et de l’orge. Les vaches reçoivent 25 kg d’enrubanné, 2,5 kg de paille, 3 kg regain, 600 g d’orge et 100 g de CMV.

Le pâturage tournant est beaucoup plus facile à gérer que le pâturage continu !

"L’herbe est la culture la plus difficile sur une exploitation. Les bovins trient et cela complique la gestion du pâturage. Le pâturage tournant est beaucoup plus facile à gérer que le pâturage continu où il y a toujours des zones sur ou sous-pâturées.

Pour que cela fonctionne, il faut d’abord le vouloir et accepter de faire évoluer ses pratiques. En un an, l’exploitation Gen’Avenir a révolutionné son système. À contresens de ce qui se fait dans notre région où les surfaces en herbe diminuent, eux ont resemé 44 ha d’herbe. Et dès la première année, malgré la sécheresse, les résultats sont positifs, tant en termes de performances de croissance, que sur le plan sanitaire.

Le plus gros du travail en pâturage tournant est le découpage initial des parcelles. Nous avons fait plusieurs essais sur le papier. Une fois le découpage validé, il n’y a plus qu’à adapter en fonction de la date de mise à l’herbe et les conditions de pousse.

Faire sortir les animaux dès que la portance le permet

Le plus important est de faire sortir les animaux tôt. C’est la portance qui fait la mise à l’herbe, pas la quantité. Même si on a l’impression qu’il n’y a pas d’herbe, elle a une très bonne valeur alimentaire et il y a une croissance compensatrice par rapport à la ration hivernale qui permet une croissance supérieure dès le premier cycle. À performances identiques, l’alimentation des animaux à l’herbe coûte 8 à 9 fois moins cher.

Il faut chercher à toujours avoir 8 à 10 cm d’herbe dans les parcelles. Bien sûr, cela demande un peu de temps au printemps, et souvent, ce temps nécessaire pour gérer l’herbe entre en concurrence avec le temps consacré aux cultures. Les éleveurs tendent à subir la pousse de l’herbe plutôt que de la gérer.

Mais la gestion du pâturage est un enjeu économique énorme pour les élevages de bovins allaitants. Ce qui a été fait sur Gen’Avenir et la ferme Arvalis de Saint-Hilaire-en-Woëvre montre que cela fonctionne, qu’on peut avoir de meilleures performances en pâturage tournant."

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