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Ensilage d'herbe
Prévoir la date de récolte selon le stade de végétation

Pour assurer des stocks de qualité au moindre coût, il est nécessaire de réussir son ensilage. Certaines précautions permettent d’en assurer la qualité et d’en limiter les pertes.

Toute espèce peut être ensilée. Cependant son comportement au silo diffère selon le stade de végétation à la récolte et leurs caractéristiques physiologiques.
Toute espèce peut être ensilée. Cependant son comportement au silo diffère selon le stade de végétation à la récolte et leurs caractéristiques physiologiques.
© S. Leitenberger

Moyennant quelques précautions, il est possible d’assurer la qualité de ses stocks d’ensilage d’herbe et d’en limiter les pertes au champ comme au silo », souligne Pierre-Vincent Protin d’Arvalis Institut du Végétal. L’herbe ensilée se conserve si toutes les conditions sont réunies pour baisser le plus rapidement possible le pH du fourrage dans le silo. Une bonne conservation du fourrage est obtenue grâce à l’absence d’oxygène et à une acidité suffisante, qui permettent de bloquer l’activité des différents micro-organismes d’altération tels que les bactéries butyriques, levures et moisissures.

La teneur en matière sèche de l’ensilage est un facteur clé pour assurer une bonne conservation. « Si elle est supérieure à 35 %: un pH de l’ensilage à 4,5 suffit. Pour des ensilages réalisés à 25 % de MS il faut atteindre un pH d’au moins 4,2 pour obtenir le même niveau de stabilité ! Un silo ainsi stabilisé peut se garder plus d’un an. La conservation du fourrage peut être évaluée par analyse (pH, ammoniac, acides organiques) ou plus simplement par observation de la couleur, des odeurs, de l’échauffement… »

OPTIMISER LA QUALITÉ

Une mauvaise conservation va dégager des odeurs fortes (acides butyriques et composés azotés), favoriser le développement des moisissures et s’échauffer. Dans ces conditions, la valeur alimentaire de l’ensilage sera dégradée (moins d’énergie et de protéines disponibles) avec moins d’ingestion et donc moins de production. La valeur nutritive et l’ingestibilité des fourrages conservés sont déterminées avant tout, par celles du fourrage vert au moment de la fauche. La date idéale de récolte de l’ensilage résulte de deux paramètres : l’espèce et le stade de végétation. Les teneurs en matière sèche (MS) et en matières azotées totales (MAT) évoluent selon ce stade. « Une graminée récoltée au stade feuillu possède une meilleure valeur alimentaire qu’au stade épiaison. En revanche, une récolte aux stades épiaison ou floraison, permet d’atteindre un niveau de rendement plus élevé. Il est donc conseillé de faucher une semaine avant début épiaison pour les graminées et, au stade végétatif (60 cm) pour les légumineuses. En cas de dépassement de stade, la valeur alimentaire des légumineuses baisse moins vite que celle des graminées », précise Pierre-Vincent Protin.

D’AUTRES FACTEURS

Le mode d’exploitation influence également la valeur alimentaire du fourrage. Pour obtenir le seuil de 30 % de MS, une demi-journée au champ par beau temps est nécessaire. Le fanage doit par ailleurs être effectué dans les deux heures qui suivent la fauche. D’autres facteurs interviennent également comme le taux de MS des espèces à la récolte et la facilité de la plante à sécher. Les variétés diploïdes ont des teneurs en matière sèche plus élevées que les tétraploïdes, soit deux points de plus pour les ray-grass anglais ou d’Italie diploïdes. Enfin, des espèces comme le trèfle violet sont réputées pour leur faible teneur en matière sèche (12,8 % en vert au stade de récolte préconisé).

« Il existe une manière simple et pratique d’estimer la teneur en matière sèche de l’herbe, sans avoir à passer par un laboratoire. Il suffit de prendre une poignée d’ensilage et de la presser », note Pierre-Vincent Protin. Lorsque le jus s’écoule en pressant à la main une poignée d’herbe, le taux de matière sèche avoisine les 20 %. A 25 % de MS, un jus s’écoule. Si les doigts s’humidifient de quelques gouttes, on a atteint les 30 % de MS. En l’absence de gouttes, on atteint 35 % de MS. Et, enfin à 40 %, on n’observe plus d’humidité sur les doigts. Par ailleurs, avant de faucher, il est important de prévoir et d’organiser son chantier pour bénéficier d’un maximum de jours de beau temps. Il faut viser une hauteur de coupe de six centimètres et régler la faneuse et l’andaineur. Pour limiter les pertes liées à la récolte, il faut éviter de brasser un fourrage déjà sec et privilégier les interventions tôt dans la journée, dès la disparition de la rosée.

COMPORTEMENTS DIFFÉRENTS

Pour préserver la valeur alimentaire ainsi récoltée, encore fautil avoir une bonne conservation au silo. Ceci nécessite de mettre au plus vite le fourrage à l’abri de l’air. La dimension du silo doit tenir compte des besoins de son troupeau afin d’avoir une vitesse de désilage de 15 cm par jour l’hiver. Pour les ensilages à plus de 30 % de MS, il faut particulièrement veiller à la qualité du tassement. Pour un bon tassement, il faut en pratique compter autant de tracteurs au silo que la machine récolte d’hectare à l’heure. Un hachage fin (2 à 3 cm) facilite le tassement et rend les sucres plus accessibles aux bactéries lactiques, d’où une acidification plus rapide.

ASSOCIER GRAMINÉES ET LÉGUMINEUSES

« D’autre part, toute espèce a la capacité d’être ensilée, cependant leur comportement au silo diffère selon leur physiologie. » Les composantes de la ou des espèces utilisées, les teneurs en sucres solubles et en matières azotées totales (pouvoir tampon), peuvent ralentir la baisse de pH d’un ensilage. « Ainsi, dans l’idéal, les fourragères à privilégier sont celles ayant un pouvoir tampon faible et une teneur élevée en sucres pour de bonnes fermentations.


C’est le cas notamment des graminées et en particulier des ray-grass anglais et d’Italie (voir tableau des teneurs en sucres). A l’inverse, les légumineuses comme la luzerne ou le trèfle violet demandent une plus grande attention », poursuit Pierre-Vincent Protin. Pour améliorer la conservation de ces espèces avec une teneur faible en sucres, quatre leviers existent. Le premier consiste à réaliser des associations de graminées et de légumineuses au champ. « L’association luzerne (10 kg/ha) - fétuque (8 kg/ha) - trèfle violet (5 kg/ha) - ray-grass hybride (5 kg/ha) fonctionne bien. Elle présente un équilibre intéressant au niveau de l’énergie et de l’azote. Les graminées apportent d’autre part des sucres solubles pour faciliter la conservation.


Pour définir le bon stade de récolte, le repère à prendre en compte est celui de la graminée, plus facile à identifier. Il intervient une semaine avant début épiaison. On peut aussi imaginer d’autres associations déjà très largement pratiquées du type fétuque à 15 – 20 kg/ha avec de la luzerne à 12 – 15 kg/ha ou encore du type luzerne (10-15 kg/ha) et brome de réaliser un silo sandwich en associant une graminée au moment de la récolte.

PRINCIPES DE BON SENS

La troisième possibilité est d’augmenter la teneur en matière sèche, afin d’assurer la stabilité du fourrage conservé. Au moment de la récolte, il faut alors tabler sur une matière sèche supérieure ou égale à 35 %. Le dernier levier consiste à incorporer un conservateur. « Son utilisation peut améliorer la conservation, mais ne doit pas faire oublier tous les principes de bon sens rappelés précédemment ! Sans oublier d’éviter d’introduire de la terre dans le silo », conclut Pierre-Vincent Protin.

Enquête en Basse  Normandie

Près d'un silo sur deux avec un pH insuffisant

Une enquête sur la conservation du stock fourrager sous forme d’ensilage, a été conduite en Basse-Normandie au printemps 2009. Un premier suivi a permis de préciser les pratiques de conduites des prairies ensilées, les itinéraires de récolte et de stockage et la reprise au silo. La seconde étape a consisté à caractériser leur ensilage d’herbe en période hivernale. Ainsi, 17 silos ont été analysés.

Cette étude a révélé des lacunes concernant la mise en pratique des différentes étapes de réalisation d’ensilage d’herbe. Au final, 40 % des silos affichent une mauvaise conservation en combinant les critères matière sèche et acidité (pH). Les dates de fauche se sont étalées du 15 avril au 30 mai pour les premières coupes. « Les dates de récolte tardive ne coïncident pas avec les périodes de beau temps favorables à la bonne qualité de l’ensilage. Les créneaux de beau temps précoce ne sont pas utilisés.

Il s’agit peut-être d’une question d’organisation des chantiers (concurrence avec les semis de maïs) ou d’un problème de prise de décision. Cette pratique limite le taux de sucres et la qualité de conservation. Le faible taux de MAT de l’ensilage est aussi un indicateur de récolte à un stade avancé », constate Jean-Jacques Beauchamp, responsable du service élevage à la Chambre d’agriculture du Calvados.

ATTENTION AU FRONT D’ATTAQUE

D’autre part, il a été observé qu’un éleveur sur deux seulement fane le jour de la fauche. Les autres ne profitent pas de la capacité de la plante à évacuer rapidement de l’eau dans les heures qui suivent la fauche. La majorité des éleveurs estime avoir un taux de matière sèche supérieur à 30 %. Or, ils ne sont que 8 sur 17 à plus de 30 % de MS. Le taux de matière sèche moyen est de 28 %.

De plus, un ensilage sur deux affiche un pH trop élevé par rapport à son taux de matière sèche. « Il est important de viser cet objectif de 30 % de MS pour assurer la bonne conservation de son ensilage sans conservateur. » Autre point important, la finesse de hachage. En effet dans l’étude, la longueur moyenne des brins recherchée est de 4,8 cm, alors qu’elle devrait plutôt être comprise entre deux et trois centimètres.

« Les silos sont par ailleurs dimensionnés pour des quantités distribuées plus importantes que dans les faits. Le front d’attaque n’avance pas assez vite pour garantir sa bonne tenue. Cette dégradation est amplifiée par la reprise avec une fourche hydraulique qui ébranle le front d’attaque. Par conséquent, la conservation appréciée au front d’attaque du silo n’est satisfaisante que dans 60 % des cas.


« Une analyse menée sur douze silos d’herbe, destinés au troupeau allaitant de l’Inra du Pin au Haras dans l’Orne, en 2009 et 2010, a montré qu’il était possible d’obtenir un maximum de 10 % de pertes au silo. Moyennant de la rigueur à la confection et une attention particulière au front d’attaque pour que l’ensilage ne s’abîme pas une fois ouverture, il est possible d’atteindre un taux de perte minimal », note Jean- Jacques Beauchamp.





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