Prescriptions vétérinaires en élevage : un nouveau cadre réglementaire à venir
Le cadre réglementaire actuel des prescriptions vétérinaires en élevage présente des lacunes et des dysfonctionnements au regard de son application : une nouvelle organisation sera déployée prochainement.
Le cadre réglementaire actuel des prescriptions vétérinaires en élevage présente des lacunes et des dysfonctionnements au regard de son application : une nouvelle organisation sera déployée prochainement.

Roman à épisodes, la réforme du cadre réglementaire pour les prescriptions vétérinaires en élevage devrait finir par aboutir dans les prochains mois avec la publication d’un décret, puis d’arrêtés d’application. Puisque les organisations agricoles et vétérinaires ont trouvé un accord depuis avril 2024, l’aboutissement de ces textes est très attendu.
« Le dispositif de prescriptions hors examen clinique dans le cadre suivi sanitaire permanent fonctionne depuis 2007, rappelait Christophe Brard, président honoraire de la SNGTV lors des journées nationales des GTV en mai à Nantes. Avant cela, on ne pouvait prescrire qu’au chevet de l’animal malade. On était aligné sur la pratique de la médecine humaine. » Mais ce cadre mérite d’être revu. « Le principe de la prescription hors examen clinique n’est pas remis en cause. La nouvelle réglementation vise à mieux l’encadrer, à lui redonner son sens, être plus pragmatique pour les éleveurs et les vétérinaires et à être contrôlable par l’administration. »
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Le texte réglementaire de 2007 définissait les conditions du suivi sanitaire permanent ainsi : un cabinet vétérinaire qui fait des soins réguliers dans un élevage établit des diagnostics après examen des animaux ; en réalisant un bilan sanitaire d’élevage annuel, il rédige des protocoles de soins pour les pathologies les plus couramment rencontrées ; ces protocoles lui permettent de faire une prescription hors examen clinique, puis de délivrer des médicaments pour un traitement curatif.
Mais ce dispositif crée une charge administrative très importante pour les vétérinaires. Pour les éleveurs, des confusions sur les interventions entre le bilan sanitaire d’élevage et la visite sanitaire obligatoire sont courantes, ainsi qu’avec les plans sanitaires d’élevage (PSE) des groupements de producteurs et GDS. Il arrive aussi que plusieurs vétérinaires fassent chacun un bilan sanitaire d’élevage pour un même troupeau sans coordination entre eux. Et les documents type qui servent de modèle pour les praticiens ne sont pas forcément conformes. Autre sujet épineux, l’existence de la pharmacie vétérinaire d’élevage n’est pas reconnue juridiquement par l’administration pour l’instant, et cela crée une insécurité pour les éleveurs et les vétérinaires en cas de contrôle.
Un contrat de suivi sanitaire permanent
L’administration a aussi constaté qu’une certaine proportion des élevages n’a tout simplement pas de registre sanitaire. La DGAl est aussi très sensible à un risque de dérive vers l’automédication, avec la détention de stocks de médicaments parfois importants et une utilisation sans diagnostic préalable posé par un vétérinaire préalable.
Enfin, avec ce décret, des médicaments sont aujourd’hui prescrits par des vétérinaires installés loin des exploitations qui viennent faire une visite d’élevage sans assumer les contraintes des urgences vétérinaires.
Après de très longues négociations entre les parties, il a été acté une nouvelle organisation. À l’avenir, un éleveur et un vétérinaire pourront établir un contrat unique par atelier d’élevage, appelé « contrat de suivi sanitaire permanent ». Ce vétérinaire sera le seul à pouvoir faire une prescription hors examen clinique des bovins pour un traitement curatif (1). Il s’engagera à assurer la continuité de soins et à réaliser a minima deux visites par an, une pour établir le bilan sanitaire annuel et une pour le suivi de ce bilan sanitaire. Le vétérinaire pourra se faire suppléer dans ce rôle par un confrère de sa structure d’exercice professionnel.
Ce vétérinaire jouera un rôle un peu analogue à celui de médecin traitant. Cela n’empêche en rien à tout autre vétérinaire de se rendre dans l’élevage, de faire des prescriptions et de délivrer des médicaments, mais alors pour celui-ci à chaque fois uniquement après examen clinique des animaux.
Une "pharmacie d’élevage de premiers soins"
Dans le contrat de suivi sanitaire permanent, le rôle de l’éleveur est d’informer son vétérinaire de chaque événement sanitaire, de lui transférer ses données sanitaires et d’assurer une traçabilité avec le registre d’élevage. À partir de quoi, les prescriptions seront simplifiées.
Par exemple pour les pneumonies du veau, le vétérinaire établira une seule ordonnance pour le veau X et pour les N veaux du même lot qui vont déclarer cette pathologie dans tel laps de temps à venir - le nombre d’animaux et le délai étant définis entre l’éleveur et son vétérinaire. Jusqu’à présent, ce n’était pas possible, car il fallait connaître le numéro de l’animal et faire une ordonnance à chaque fois. Si l’éleveur n’a plus de médicaments, cette ordonnance initiale permettra une nouvelle délivrance. S’il a du reliquat du traitement précédent, il pourra l’utiliser. Un impératif : l’éleveur devra renseigner son registre d’élevage avec la date, numéro du veau traité, médicament administré avec le nom de la spécialité et la dose.
Le rôle du « vétérinaire traitant » sera aussi de superviser la pharmacie d’élevage que l’on appellera désormais « pharmacie de premiers soins ». « Il reste un travail à faire sur la liste des médicaments de premiers soins. Elle sera très réduite. Il n’y aura pas d’antibiotique dans cette liste. Il pourra y avoir des anti-inflammatoires, des antispasmodiques, des solutés, des antihémorragiques », précise Christophe Brard.
Un « vétérinaire traitant » par atelier d’élevage
Des guides et des formations à venir
- Quand les arrêtés seront publiés, des guides seront rédigés pour les éleveurs afin d’expliquer les nouvelles règles. Un programme de formation à destination de ces acteurs sera également mis en place.
- Cette réforme est l’un des axes de la feuille de route sur le maillage vétérinaire en lien avec une meilleure maîtrise de la prescription et délivrance des médicaments, un renforcement de la relation éleveur/vétérinaire, une simplification administrative.
- La télémédecine vétérinaire sera l'un des actes vétérinaires qui pourront être réalisés dans le cadre du suivi sanitaire permanent.
Laurent Saint-Affre : « valoriser les compétences des éleveurs en santé animale »

« Nous attendons que les arrêtés d’application sur le suivi sanitaire permanent soient publiés. Il s’agit de mettre la réglementation française en conformité avec la loi européenne. Le principe de cette organisation des prescriptions vétérinaires et délivrances de médicaments va bien dans le sens de valoriser les compétences en santé animale des éleveurs et en cela, il répond à leurs attentes. Il est très important que le dispositif soit simple et pratique pour les éleveurs. Celui-ci devrait leur permettre d’être réactifs et bien organisés pour intervenir sur leurs animaux dans le cas des pathologies couramment rencontrées dans le troupeau. Il va aussi dans le sens de donner aux vétérinaires des conditions de travail plus efficientes. »