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Photovoltaïque, une énergie simple à mettre en œuvre

Produire une énergie décarbonée tout en finançant la construction d’un bâtiment, c’est l’opportunité qu’offre le photovoltaïque aujourd’hui aux éleveurs de bovins viande. Cette technologie nécessite peu de temps de travail, et elle est désormais très simple à mettre en œuvre.

© S. Bourgeois

La technologie photovoltaïque est très simple à mettre en œuvre, par rapport à la méthanisation, à l’éolien ou à l’hydraulique. Le délai de réalisation du projet est tout à fait raisonnable. Il faut compter autour de dix-huit à vingt-quatre mois entre l’idée et la mise en service. Et une fois l’installation en place, le temps de travail que l’éleveur doit fournir se résume à cinq minutes par jour pour observer la production (ceci peut se faire par télésurveillance), et à une opération de maintenance à organiser en général une fois par an. L’investissement est aussi beaucoup plus sécurisé qu’il y a dix ans, lors du « boom photovoltaïque » des années 2008 à 2010, même s’il existe encore sur le marché des acteurs peu scrupuleux.

Une très grande proportion des centrales photovoltaïques installées depuis 2010 par des éleveurs de bovins viande ont une puissance théorique juste en dessous du plafond des 100 kWc. C’est l’effet seuil des tarifs de rachat de l’électricité sur vingt ans. Cela permet de bénéficier d’un mécanisme de guichet : une fois le projet déposé, il est certain de bénéficier du tarif de rachat en vigueur à cette date. Pour une puissance supérieure à 100 kWC, un mécanisme d’appel d’offres s’applique et le tarif est plus bas (8,28 c./kWh contre 11,19 actuellement en dessous de 100 kWc). Souvent, le bâtiment est dimensionné pour être amorti le plus possible par la vente d’électricité. "Cet effet seuil oriente la définition du projet, explique Benoît Mathieu, directeur d’Agrisoleil (1). Pour une puissance théorique de 99,9 kWc, on a 570 m2 de panneaux solaires, soit 580 m2 sous la toiture au sud. Il s’agit alors de trouver le meilleur compromis entre la production agricole et la production d’énergie". Le second paramètre qui contraint le projet est le coût de raccordement au réseau. Il est en moyenne de 15 000 euros, mais peut varier de 5 000 à 25 000 euros, après application de la subvention de 40 %. Ce point reste discriminant entre projets.

Le montant de l’investissement pour créer une centrale photovoltaïque est beaucoup moins élevé qu’il y a dix ans. Il a été divisé par un facteur de cinq ou six. Parallèlement, le prix des panneaux continue à ce jour de baisser régulièrement, en moyenne de 15 % par an.

Le marché se concentre sur des centrales de 100 kWc

Le tarif de rachat de l’électricité sur vingt ans a lui aussi beaucoup baissé, dans les mêmes proportions et dans le même temps à peu près que le montant de l’investissement. Il est revu chaque trimestre par la Commission de régulation de l’énergie, en fonction de la dynamique des créations de centrales et des objectifs de production fixés par l’État. En général, il baisse, mais sur 2018, pour des installations de moins de 100 kWc, il marque un palier autour des 11 centimes d’euro par kWh (de 11,36 à 11,19 c./kWh). Pour autant, la rentabilité d’une centrale photovoltaïque est quand même moins élevée qu’il y a dix ans — prime à ceux qui ont investi en 2008 — et avec le photovoltaïque, on est sur une rentabilité longue à venir. « Dans le cas d’une centrale de 99,9 kWc, le retour sur investissement n’intervient pas, au mieux, avant la douzième année de contrat », remarque Jean-Yves Carré de la chambre d’agriculture de Bretagne. Une donnée qui peut varier quand même selon le gisement solaire, selon que l’on soit dans la moitié Nord ou la moitié Sud de la France.

Le photovoltaïque est une énergie privilégiée par les pouvoirs publics. La nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a pour objectif un parc de production solaire photovoltaïque multiplié par cinq à l’horizon 2030. Les annonces de juin 2018 laissent penser que les grandes unités photovoltaïques au sol seront favorisées, mais les surfaces de toit détenues par les agriculteurs restent attractives pour les entreprises du secteur. Selon des chiffres de la FNSEA, 13 % du parc photovoltaïque français est agricole, et il est réparti sur environ 10 000 bâtiments.

L’autoconsommation, pas d’actualité en élevage bovins viande

« Contrairement à d’autres types d’élevage, qui ont des besoins en électricité importants et constants, comme l’élevage laitier avec robot, l’élevage de veaux de boucherie, l’élevage de porcs, l’autoconsommation de l’électricité produite n’a pas d’intérêt aujourd’hui en élevage bovins viande », estime Jean-Claude Moreau, de la chambre d’agriculture de Vendée. L’avenir amènera peut-être aussi d’autres opportunités aux éleveurs de bovins viande. D’ici cinq ans a priori, de nouvelles batteries seront abordables et permettront d’envisager de stocker l’électricité avant de la vendre au moment où la demande existe et rapporte le plus. La souscription de contrats de revente totale sera en effet proposée par Enedis dans les trois prochaines années, mais on ne sait pas comment le marché de l’électricité photovoltaïque fonctionnera ensuite. Il sera probablement libre. La production d’hydrogène à partir d’électricité photovoltaïque, pour servir de carburant fabriqué à la ferme, est une autre piste suivie par l’Apepha (2) par exemple. Le process fonctionne déjà à l’échelle industrielle, mais il n’y a pas de prototype développé à l’échelle d’un élevage. L’agrivoltaïsme, qui consiste à installer des panneaux solaires mobiles dans des champs (maraîchage, vigne, grandes cultures) mais aussi dans des pâturages, est étudié par l’Inra de Montpellier et plusieurs entreprises. Cette technique n’en est qu’au début du stade expérimental.

(1) Groupe mutualiste de 257 agriculteurs ayant environ 300 bâtiments dans le Grand Ouest.(2) Association des agriculteurs producteurs d’électricité photovoltaïque associés, née en 2012, rassemblant plus de 300 adhérents. http://apepha.fr

Le photovoltaïque est une énergie privilégiée par les pouvoirs publics

 

Attention avant de signer un contrat

Il est toujours préférable de réaliser son installation photovoltaïque avec son propre investissement. Si un opérateur propose de financer lui-même le bâtiment et l’installation, il y a lieu d’être très vigilant sur les clauses du contrat. Il est conseillé avant tout engagement de faire relire le contrat par un juriste et de vérifier qu’il est bien symétrique entre l’éleveur, porteur du projet, et l’entreprise.

 

Vérifier la qualité de la prise de terre et l’isolation des onduleurs

Au niveau des onduleurs, où le courant devient alternatif, un champ magnétique, assez conséquent, est généré. "Il est important que les onduleurs soient installés à l’extérieur du bâtiment si des animaux y sont logés, dans l’idéal à au moins dix mètres d’eux, conseille Olivier Ranchy, géobiologue à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Une armoire électrique de qualité garantira une bonne isolation. Surtout, la bonne efficacité de la prise de terre est à faire vérifier." Les panneaux photovoltaïques pour leur part, créent un courant continu, et le courant est conduit par des fils jusqu’aux onduleurs. Il n’y a pas d’ondes électromagnétiques. Les panneaux doivent reposer sur un bac acier pour leur étanchéité. Le spécialiste considère cependant, selon les principes généraux de la géobiologie, que loger des animaux sous des panneaux photovoltaïques "n’est pas le top". "Les panneaux consomment l’énergie solaire, qui est en conséquence moins diffusée sur les animaux. Selon la catégorie d’animaux, le temps qu’ils passent en bâtiment dans l’année, leur niveau sanitaire, cela peut affecter leur équilibre énergétique. Dans certaines situations, un effet sur l’immunité, la tolérance au stress, est possible." En élevage allaitant, ce type de problème n’est pas documenté à notre connaissance. Olivier Ranchy conseille de placer si c’est possible les panneaux au-dessus des aires de passage des animaux (couloir d’alimentation, contention…) plutôt qu’au-dessus des aires de couchage.

 

La maintenance est un cheval de bataille

Le parc photovoltaïque français vieillit, dans le sens où énormément de bâtiments ont été équipés dans les années 2008-2010, et arrivent au milieu de leur période de contractualisation de vente d’électricité avec l’État. "Une installation photovoltaïque doit être entretenue dans l’optique de durer jusqu’à quarante ans", note Benoît Mathieu d’Agrisoleil. Les panneaux relèvent d’une technologie simple, et on ne constate pas de baisse de production sensible au cours des dix premières années selon ce spécialiste. "Il est important de suivre chaque centrale photovoltaïque et de diagnostiquer les pertes de production inférieures à 1 %. Ce sont sur ces aspects que la marge se constitue", note-t-il.

Sur le site de l’association Apepha, les adhérents peuvent communiquer le relevé de leur production, ce qui leur permet en échange de comparer leurs résultats à celui d’installations similaires.

Avec l’évolution du climat, les producteurs s’intéressent d’autre part, de plus en plus à l’effet des fortes chaleurs sur la production d’électricité. « Au-delà de 25 °C, la perte de production est de 0,4 % par degré supplémentaire. Ce phénomène est intégré dans les calculs prévisionnels, mais nous avons pu observer que si le bâtiment est bien ventilé, on évite une bonne partie de cette perte de production », explique Jean-Yves Carré.

On considère en général que le lavage des panneaux est à réaliser une fois par an. Cependant Agrisoleil conseille de ne le réaliser qu’en fonction des pertes de production chiffrées. "Certains bâtiments n’en ont pas besoin tous les ans." Il peut être intéressant à l’inverse de le faire plus fréquemment qu’une fois par an si beaucoup de poussières sont fabriquées à proximité (par une fabrication d’aliments à la ferme par exemple, le séchage de céréales, le paillage mécanisé, le passage des tracteurs l’été, ou du fait d’un toit en écailles). « Nous conseillons de faire appel à une entreprise spécialisée qui dispose du matériel spécifique, sécurisé pour monter sur le toit et ne pas rayer les panneaux ni y déposer de calcaire », précise Jean-Yves Carré.

 

« Que faire de l’électricité dans dix ans à la fin des contrats? »

À l’EARL de Kermaharit dans le Finistère, dans une dizaine d’années, les contrats de revente totale de l’électricité seront terminés. Les éleveurs commencent déjà à sonder plusieurs pistes pour le devenir de leurs panneaux.

Guy Kergoat et sa femme élèvent une quarantaine de Salers et produisent des volailles de chair à Pleyber-Christ, sur 50 hectares, dans le Finistère. En 2009, puis en 2011, deux unités photovoltaïques ont été installées sur des bâtiments déjà existants, pour une production totale de 99 kWc. « À l’époque, nous n’avions pas trouvé de bonne solution pour utiliser la chaleur pour chauffer les poulaillers. Nous avons opté pour un contrat de revente totale de l’électricité sur vingt ans », explique Guy Kergoat. Les panneaux fonctionnent très bien. « Nous n’avons eu aucun problème technique, et la production est un peu supérieure à ce qui est prévu. L’année 2018 sera probablement l’une des meilleures. »

Les éleveurs réfléchissent d’ores et déjà à la suite. « Quels types de contrat seront proposés dans dix ans ? Seront-ils intéressants ? C’est impossible de le savoir par anticipation. Utiliser sur la ferme l’électricité que nous produisons nous intéresse. » Guy Kergoat et sa femme ont déjà organisé leur élevage pour être autonomes en fourrages, ils ont aussi fait des efforts pour réduire le plus possible les consommations de carburant. Utiliser leur propre électricité permettrait d’aller plus loin dans cette démarche. Les besoins en électricité pour le troupeau Salers sont bien faibles. Les poulaillers sont en ventilation statique, la consommation d’électricité pour ces bâtiments n’est donc pas stable dans le temps. La piste du séchage en grange, en investissant en commun avec d’autres éleveurs, leur plaît. Guy Kergoat et sa femme travaillent déjà en Cuma intégrale avec chauffeur. Une autre voie à l’étude est celle d’utiliser l’électricité pour produire du gaz ou de l’hydrogène comme carburant pour les véhicules de l’élevage.

L’autre question qui se pose aux éleveurs est celle du devenir des panneaux au moment de leur départ en retraite. Vaut-il mieux créer une société pour sortir le photovoltaïque de l’exploitation, et conserver cette production pour leur retraite ? Ou valoriser la reprise de leur exploitation avec cette production d’énergie ? Une étude est à réaliser.

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