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Opti’Vo, un audit pour améliorer le transfert immunitaire

Thomas Vauzelle, vétérinaire, propose depuis trois ans à ses clients une démarche terrain pour cibler les facteurs de risques entraînant un déficit du transfert d’immunité passive chez le veau, et ainsi l’améliorer.

« Diarrhées néonatales, mortinatalité, gros nombril, grippe, retard de croissance, veaux mous… sont autant de problèmes liés à un déficit de transfert de l’immunité passive. Or, la détection et le diagnostic étiologique de ce déficit en élevage bovin demeurent chronophages et parfois compliqués à mettre en œuvre pour le praticien », observe Thomas Vauzelle, vétérinaire praticien. Aussi, l’originalité de l’outil Opti’Vo, qui rassemble et synthétise des données et pratiques déjà existantes, réside dans la démarche proposée. « Le but était d’en trouver une, facile à utiliser sur le terrain, suffisamment rigoureuse pour déterminer la ou les causes précises du déficit (alimentation, parasitisme, condition de vêlage, hygiène, prise colostrale), proposer des corrections et un suivi », poursuit le praticien. Cet outil, qui se présente sous la forme d’une mallette, a été développé au sein du GIE Boischaut Sud (six cabinets vétérinaires, dont fait partie celui de Thomas Vauzelle) et distribué à l’ensemble des vétérinaires du GIE. Elle contient le matériel de prélèvement pour effectuer les analyses et les fiches nécessaires à la mise en place de la démarche, conçue pour le moment pour les élevages allaitants.

Celle-ci est basée sur une série d’analyses et le recueil d’informations sur les pratiques de l’élevage (voir encadré). « Elle consiste à déterminer s’il y a ou non un déficit de transfert et à vérifier tout ce qui influence les trois facteurs déterminant le transfert de l’immunité passive au veau, c’est-à-dire la qualité du colostrum, la prise colostrale (quantité et précocité de la prise) et l’absorption intestinale », explique Thomas Vauzelle.

Un déficit de transfert dans la quasi-totalité des élevages suivis

« Dans la quasi-totalité des élevages suivis dans le cadre de la démarche Opti’Vo, un déficit de transfert a été mis en évidence, ainsi qu’un problème de qualité du colostrum », remarque le vétérinaire. L’audit est déclinable sous forme complète ou par étape.

Cette démarche peut répondre à deux typologies d’élevages. D’un côté, ceux désirant connaître leurs performances en matière de transfert immunitaire et identifier les points de faiblesses afin de les corriger, et de l’autre des élevages présentant une crise sanitaire. C’était le cas notamment chez Jérôme Baritaud et Philippe Pommier, où un audit a été effectué suite à une épidémie de salmonellose en 2014. « À l’époque, nous avons entendu parler de la démarche lors d’une réunion organisée par le cabinet pour les jeunes éleveurs. Je me suis installé en 2011 et j’ai repris le troupeau d’un voisin de Philippe. Nous nous sommes associés mais nous avons gardé les vêlages sur les deux sites. Seul mon troupeau (40 vêlages environ) a été touché par la salmonellose. J’avais beaucoup de petits problèmes (veaux mous, malades, cardiaques, à diarrhées, perte de croissance et de veaux) qui rendaient le quotidien contraignant au niveau du travail du fait du temps passé (curatif) et difficile psychologiquement. Le matin en arrivant, je ne savais jamais ce qui m’attendait. Aujourd’hui, le travail est plus agréable, j’ai moins de pathologies, moins de soins aux veaux », souligne Jérôme Baritaud. Il est éleveur à la Berthenoux, dans l’Indre, avec 75 mères charolaises sur 205 hectares, dont 110 de cultures, 30 de prairies naturelles et 65 de prairies temporaires.

Un déficit alimentaire en fin de gestation mais une bonne gestion autour du vêlage

L’audit réalisé sur l’exploitation a permis de mettre en lumière certains points, notamment un déficit alimentaire en fin de gestation. Une complémentation énergétique et protéique a été mise en place le dernier mois de gestation et une complémentation en oligoéléments a été prévue plus tôt. Par contre, aucune anomalie n’a été relevée concernant l’apport en eau, sel et minéraux. « Les vêlages commençant en décembre, les vaches étaient rentrées fin novembre, d’où une complémentation trop tardive des bêtes. Cet hiver, j’ai pris la décision de rentrer mes vaches début novembre pour réaliser une cure de quinze jours d’oligoéléments, un mois avant vêlage, et distribuer une ration appropriée à leur état. Depuis l’audit, je vaccine les reproductrices contre le rotavirus et le CS31 », note Jérôme Baritaud. Des coproscopies sont également effectuées tous les ans pour traiter en fonction des résultats. Cette année, un traitement contre le paramphistome a été réalisé. « Plus les vêlages sont précoces, plus il est nécessaire d’être technique. Les pressions étant plus importantes », note Thomas Vauzelle.

Les mises bas ont lieu en case de vêlages. L’éleveur prend chaque soir la température des vaches proches du terme. « Lorsqu’elle chute, je rentre la ou les bêtes concernées en case de vêlages pour une surveillance par caméra. J’interviens seulement en cas de besoin pour les faire vêler et pour la tétée. Si un veau ne tient pas debout, je tire alors un litre de lait. Pour éviter au maximum les gros nombrils, je vide le sang des cordons à la naissance et je les nettoie. Je fonctionnais déjà comme cela avant l’audit », remarque Jérôme Baritaud. La qualité du colostrum est importante. « Un litre de colostrum à 100 g/l de protéines totales est mieux mis à profit que deux litres à 50 g/l », souligne Thomas Vauzelle.

Des corrections qui collent au maximum aux habitudes de l’éleveur

Les veaux sont vaccinés contre la grippe et l’entérotoxémie. Les gestantes sont triées par date de vêlage. Le soir, les vaches sont retenues au cornadis. « Cela me permet de voir si les veaux courent. S’il y en a un qui se tient à l’écart, je vais le voir pour vérifier que cela ne présage pas d’un problème. » Les veaux sont traités systématiquement contre les strongyloïdoses après plusieurs années de coproscopies positives. Des analyses de fourrages sont également faites depuis l’audit afin de caler les rations en fin de gestation. « Le plus compliqué est de pouvoir mettre en place suffisamment tôt la ration des gestantes. Le plus coûteux n’est pas le conseil mais le vaccin. La cure d’oligoéléments est abordable. Elle me revient à 1,30 euro par vache », constate l’éleveur.

« Les corrections demandées doivent au maximum coller aux habitudes de l’éleveur. Le but est de ne pas bouleverser le système pour améliorer l’observance du conseil. Généralement, en l'absence de suivi, la première année on délivre le conseil, la deuxième année l'éleveur le met en pratique, la troisième il poursuit dans la même optique mais ne sait plus tellement pourquoi. La quatrième, il arrête en se disant qu’il va faire des économies. Ici, on garde une trace écrite qui rappelle à l’éleveur les raisons de ces pratiques. C’est un moyen d’officialiser le conseil. L’audit demande trois visites. Une pour le recueil des informations et des analyses. Une pour la remise du rapport. Et enfin, la dernière pour discuter avec l’éleveur de ses choix pour la préparation de la campagne suivante », constate le vétérinaire.

Pour l’éleveur, le coût d’un audit complet se chiffre à plus ou moins 300 euros hors taxes selon que des pesées de colostrum et des prises de sang sont réalisées (50 € chacune) ou pas, auxquels s’ajoutent les frais de déplacements et le coût des analyses effectuées en laboratoire (oligoéléments).

Le laboratoire MSD, intéressé par la démarche, devrait proposer prochainement à la vente la mallette Opti’vo aux vétérinaires, après leur avoir dispensé une formation à la méthode d’audit.

La démarche en bref

Y a-t-il ou non déficit de transfert immunitaire ?

La qualité du transfert est vérifiée sur un minimum de 10 veaux, âgés de 1 à 5 jours, en regardant s’ils ont suffisamment d’anticorps dans le sang. Le résultat obtenu avec un réfractomètre mesurant les protéines totales est rapide. L’objectif est d’avoir 80 % des veaux au-dessus de 55 g/ l de protéines totales, dont la moitié à plus de 60 g/l.

2 Quelle est la qualité du colostrum ?

Les mesures sont effectuées sur 10 à 12 colostrums (prélevés avant la première tétée sur les quatre quartiers) au réfractomètre. Les prélèvements et mesures peuvent être réalisés par l’éleveur (coût d’un réfractomètre optique : 30 € TTC).

Comment se passe la première buvée colostrale ?

Le volume et la précocité de la première buvée sont conditionnés par le mode de distribution (intervention ou non de l’éleveur) et par la vitalité du veau. L’audit prévoit ainsi le recueil de données sur la distribution et les conditions de vêlages.

Comment est gérée la préparation au vêlage ?

Elle conditionne les trois étapes du transfert immunitaire : la qualité du colostrum, la vitalité du veau donc la première buvée, et l’absorption intestinale.

L’audit prévoit le contrôle de la ration des vaches en fin de gestation, de leur état corporel (note d’état corporelle) ainsi que différentes analyses : une évaluation du déficit énergétique (mesure des corps cétoniques), un contrôle des carences en oligoéléments, des coprologies de mélange (parasitisme).

Transfert immunitaire et qualité du colostrum, deux éléments qui pêchent

Des données ont été recueillies et analysées (113 dosages de protéines totales sur des veaux entre 1 et 3 jours, et 131 évaluations du taux d’IgG dans des colostrums répartis sur 15 élevages) au sein des élevages allaitants de race Charolaise du GIE Boischaut Sud, au cours des trois derniers hivers.

« Le premier élément remarquable de cette étude est l’ampleur du déficit de transfert immunitaire. Ainsi, plus de la moitié des veaux testés se situait en-dessous de la valeur limite acceptable de 55 g/l en protéines totales. Pour plus de la moitié des veaux, le premier facteur de risque identifié est la qualité insuffisante du colostrum. Par ailleurs, l’analyse des différents facteurs de risques permise par l’outil Opti’Vo a révélé que le déficit de transfert immunitaire observé dans les élevages était systématiquement multifactoriels (deux à trois facteurs de risques en moyenne par élevage) », note Thomas Vauzelle. L’étude a ainsi montré que les deux principaux facteurs de risques identifiés étaient pour 90 % des élevages des carences en oligoéléments (sélénium et iode surtout) et pour 80 % des élevages un déficit en énergie de la ration avant vêlage.

« Il est également intéressant de noter que plus de la moitié des élevages carencés en oligoéléments apportaient déjà une complémentation, mais que celle-ci était utilisée à des doses insuffisantes et/ou à des périodes inadaptées aux besoins du vêlage. Bien que peu de données soient disponibles sur la prévalence du défaut de transfert passif de l’immunité colostrale au sein des exploitations françaises, les quelques remontées de terrain dont nous disposons semblent témoigner d’un niveau de transfert souvent insuffisant en élevages allaitants », souligne le vétérinaire.

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