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Bâtiments économes
Fini le temps des "cathédrales"

Le coût de réalisation des stabulations du type « cathédrale » tend à devenir prohibitif par rapport aux revenus dégagés par les systèmes allaitants. D’autres solutions existent, mais il faut accepter de chasser les idées reçues.

Les tunnels, les bâtiments simplifiés et les parcs stabilisés d'hivernage sont des pistes pour monter des bâtiments économes.
Les tunnels, les bâtiments simplifiés et les parcs stabilisés d'hivernage sont des pistes pour monter des bâtiments économes.
© B. Griffoul

En terme de bâtiments d’élevage, il existe d’autres possibilités que les seules « cathédrales » à plus de 2 500 € la place ! Pour l’instant, le contexte économique a mis en sommeil bien des projets de construction, mais les besoins de modernisation demeurent, tant pour respecter les obligations de mise aux normes que pour améliorer les conditions de travail et la productivité.Toutes les opportunités ont toujours été bonnes à étudier pour réduire les coûts de construction, mais les contractions de revenus liées à cette crise qui s’éternise rendent plus que jamais nécessaire, cette recherche de solutions particulièrement économes. Le plein air est possible dans certaines exploitations. Il représente cependant un surcoût pour l’alimentation des animaux et un impact difficile à mesurer sur le niveau de production fourragère des parcelles dévolues à cet usage. Les années 90 et 2000 ont été marquées par l’abandon massif des systèmes entravés et la vulgarisation de la stabulation libre. Suivant leurs possibilités de financement et leur disponibilité en paille, la plupart des éleveurs se sont alors orientés vers l’aire paillée intégrale, le couloir raclé ou le caillebotis. La plupart du temps, ces stabulations sont des structures en dur, aux volumes impressionnants, avec des coûts d’édification conséquents pour des investissements le plus souvent utilisés seulement cinq à six mois par an. Parallèlement à la construction de ces bâtiments « cathédrales », d’autres éleveurs avaient déjà pris à cette époque d’autres options pour réduire de façon sensible le coût de construction de leurs bâtiments. Ils avaient alors opté pour des structures plus légères, donc moins coûteuses avec une part importante d’auto-construction.

Une étude sur trois ans

Pour faire un point sur les différents bâtiments économes existants, l’Institut de l’élevage a procédé entre 2006 et 2009 à une étude dont les premiers résultats ont été dévoilés par Stéphane Mille et Jacques Capdeville, du service bâtiment et environnement, à l’occasion d’un colloque organisé dans le cadre du Sommet de l’élevage. Ce travail a consisté au suivi de 23 élevages bovins en production laitière et allaitante où a été mis en service un bâtiment dit « économe » en faisant un suivi du projet depuis son démarrage jusqu’à sa mise en fonctionnement. Le but des auteurs de cette étude était de présenter des solutions certes moins coûteuses, mais qui pour autant ne pénalisent pas les performances des animaux et maintiennent pour l’éleveur un confort de travail satisfaisant. « Compte tenu du nombre de réalisations suivies, ces données ne sont pas exhaustives, mais elles permettent d’obtenir des indications sur le niveau des économies qu’il est possible de réaliser », expliquait Stéphane Mille. Ce dernier soulignait aussi dans son préambule que si le coût du bâtiment en lui-même est une chose, son coût de fonctionnement (paille…) doit lui aussi être bien appréhendé. A quoi sert d’avoir un bâtiment économique à construire si son usage est ensuite particulièrement dispendieux ?

Nouvelles solutions

Bien entendu, pour des éleveurs ou des techniciens attachés aux surfaces et aux volumes des stabulations traditionnelles, ces solutions peuvent paraître peu crédibles, car trop « légères ». « Ce ne sont pas des modes de logement adaptés à toutes les régions, mais cela permet d’élargir la gamme des solutions possibles.Tous les éleveurs n’ont pas forcément les mêmes attentes pour leurs bâtiments d’élevage, mais je comprends que certaines des solutions proposées puissent surprendre. Il est normal que les éleveurs s’interrogent, mais nous avons des arguments sur les volets performances des animaux, bien-être, conditions de travail, intégration paysagère et respect de l’environnement », précise Stéphane Mille. Les éleveurs réticents pour envisager ces solutions sont ceux très attachés à l’image que peut véhiculer la qualité de la présentation et des abords de leur élevage. Un bâtiment dit « économe » a inévitablement moins d’allure qu’une magnifique et imposante construction en bois. C’est particulièrement vrai pour le public des sélectionneurs, très attentifs à donner une bonne image de leur exploitation auprès de leurs collègues et clients. Mais l’objectif de cette étude n’est pas de convaincre tous les éleveurs d’opter pour des bâtiments économes. L’idée est davantage de présenter et de rappeler l’existence de ces solutions. Elles constituent autant d’alternatives qui méritent d’être analysées avec un oeil attentif. Bien entendu, tout n’est pas reproductible partout. Des facteurs comme l’altitude, la pluviométrie et la disponibilité en paille restreignent d’autant les possibilités.

Dans le cas des bâtiments conventionnels simplifiés, l’étude de l’Institut montre que la réduction des coûts passe par un cumul de petites économies qui mises bout à bout peuvent représenter un chiffre intéressant. Mais il faut d’abord bien cadrer le projet techniquement et économiquement et surtout s’y tenir ! Parmi les pistes à privilégier, l’enquête a mis en avant l’importance d’opter pour des bâtiments de forme compacte avec des charpentes simples et des portées standard. Côté béton, il faut limiter le plus possible les parois en maçonnerie au profit du bardage et optimiser la dimension des ouvrages de stockage des déjections et des zones de transfert. Pour le sol, il existe aussi des alternatives au tout béton. Des techniques telles que l’enrobé, l’asphalte ou plus simplement les sols compactés peuvent être envisagées en particulier pour les couloirs de distribution. « Pour les six élevages suivis, il y a 10 à 30 % d’économie possible sur cette notion des choix techniques auxquels s’ajoutent 16 à 32 % d’économie liés à l’auto-construction partielle du bâtiment. Si on cumule les deux, l’économie est de l’ordre de 40 à 45 % en faisant la comparaison à un bâtiment à fonctionnalité équivalente entièrement construit par entreprise », précisait Jacques Capdeville.

Les parcs stabilisés d’hivernage (PSH) sont une solution qui paraîtra pour le moins surprenante aux yeux de bien des éleveurs. Pour résumer en quelques mots le principe, il s’agit d’une stabulation libre sans toit! Les rares PSH actuellement en service sont plutôt dans des zones au climat océanique. Aucune enquête exhaustive n’a cependant été réalisée pour faire un état des lieux précis sur leur nombre et leur localisation. Le modèle le plus aboutit est probablement celui mis en place sur la ferme expérimentale de Trévarez en Bretagne, à partir de préconisations irlandaises. Son agencement fait qu’il est comparable à une stabulation avec aire paillée + aire d’exercice raclée + couloir d’alimentation bétonnée avec cornadis, mais sans toit ! Réalisé en 2006 par une entreprise, son coût avoisinait les 1 500 €/place ! Mais il est bien entendu possible d’être beaucoup moins dépensier. Matériaux de récupération (traverse, glissière…) et autoconstruction ont permis à un des éleveurs suivis de mettre en place un PSH pour moins de 100 €/place (voir page 30). Par rapport à un bâtiment paillé couvert standard, il est conseillé de multiplier par 1,7 les surfaces disponibles par animal et il faut rendre la couche inférieure étanche d’une manière ou d’une autre pour récupérer les jus avec un système de drainage le plus simple possible. Sous l’aire paillée, le sol peut donc être compacté s’il est naturellement étanche (couche d’argile) ou sinon une étanchéité artificielle doit être mise en place (béton, enrobé, bâche). Côté paillage, la consommation ne serait pas plus importante que les normes classiquement recommandées pour les stabulations libres couvertes, mais elle serait en revanche à moduler suivant les conditions atmosphériques (ensoleillement, vent). En période sèche, le volume de paille apporté peut être réduit en quantité et fréquence. Mais en période humide, la fréquence de paillage doit être accrue. Les PSH conviennent mieux à des éleveurs qui jusque-là avaient leurs animaux en plein air. Le lieu d’implantation doit être étudié avec attention : végétation coupe vent, distance par rapport au stock de fourrage, relief du terrain pour faciliter l’écoulement puis le recueil des jus… Les ingénieurs de l’Institut de l’élevage reconnaissent cependant manquer de références pour apporter de nombreuses préconisations aux éleveurs intéressés : quel plan type adopter ? quelles catégories d’animaux sont les plus adaptées ? quel est l’éventuel surcoût alimentaire ? jusqu’à quelle altitude ce mode d’hivernage des animaux peut être raisonnablement pratiqué ? Pour apporter davantage de réponses à ces interrogations, des expérimentations ciblées sur les systèmes allaitants vont démarrer à compter de l’hiver 2010/2011 sur trois fermes expérimentales situées en Saône-et-Loire, en Haute- Vienne et dans le Puy-de-Dôme.

Pour les tunnels d’élevage, il existe deux types de structure possible : les tunnels abris d’élevage et les tunnels pieds droits simples type multichapelle. Les tunnels abris d’élevage type demilune reposent directement sur le sol. Ce sont jusqu’à présent les plus courants. Leurs dimensions sont à peu près standard. La cote habituelle est 9,3 m de large, mais il convient de ne pas dépasser une trop grande longueur pour avoir une bonne ventilation naturelle. 18 mètres serait un bon compromis, avec ensuite une certaine souplesse dans l’agencement intérieur. Egalement appelés multichapelle, les tunnels pieds droits simples offrent de nombreuses possibilités d’aménagement pour arriver au final à des solutions proches de ce que l’on peut rencontrer avec des stabulations plus « classiques » : couloir d’alimentation central ou latéral, aire paillée intégrale ou aire paillée + aire d’exercice couverte ou même logettes + aire d’exercice couverte ou non couverte. Cependant les tunnels pieds droits ne sont a priori pas conçus pour fonctionner avec une face ouverte, du moins cette solution est encore très peu fréquente. D’après les exploitations enquêtées, si les travaux d’installation sont réalisés par un tiers, cela représente un coût de 1 350€/place de vache allaitante pour une solution tunnel abri aire paillée + aire d’exercice non couverte et 2000€ pour un multichapelle avec aire paillée + aire d’exercice. Ces chiffres ont cependant été collectés sur un nombre limité d’élevages.

Auto-construction

Attention à ne pas surestimer ses capacités

Compte tenu du coût de la main-d’oeuvre, la première façon de réaliser des économies pour la construction d’un bâtiment est de mettre soi-même la main à la pâte. L’entraide entre éleveurs et le recours ponctuel à la maind’oeuvre familiale sont aussi des opportunités à ne pas négliger. « L’auto-construction est source d’économie, mais ce n’est pas la solution miracle. Surtout si on s’engage dans des travaux pour lesquels on a ni la compétence, ni l’organisation, ni le matériel adéquat pour les faire dans de bonnes conditions », avertit toutefois Jacques Capdeville. Et ce dernier de soulever le problème des retards dans la mise en service des bâtiments liés à la mauvaise appréciation du temps de travail. La conduite et le suivi technique de certains troupeaux sont alors momentanément pénalisés par un éleveur trop absorbé par la construction du bâtiment. Ce qui est gagné en rognant sur les coûts de construction est alors perdu par une moindre productivité des animaux. « De plus, il ne faut surtout pas oublier les risques liés à la dangerosité de certaines tâches, en particulier toutes celles pour lesquelles il faut travailler en hauteur. »

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