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Guy Hermouet, vice-président de la Fédération nationale bovine
"Ne rien faire pour mieux organiser l'offre est doublement dangereux"

Les rapports de force entre l’amont et l’aval sont actuellement défavorables aux éleveurs. Pour remédier à cette situation, Guy Hermouet, vice-président de la Fédération nationale bovine prône un regroupement de l’offre et une contractualisation sécurisée.

Face à la concentration du secteur de l’abattage et de la transformation, celui de la collecte des animaux en ferme reste relativement atomisé. Y a-t-il actuellement des initiatives pour permettre des discussions plus équilibrées dans la négociation du prix des animaux?

Guy Hermouet : Ces discussions sont actuellement difficiles. Il y a deux marchés pour lesquels il faut orienter les prix par une autre politique d’achat. Le premier est celui de la vache laitière. Le second est celui du JB. Si nous ne faisons rien pour regrouper l’offre et contractualiser, il est évident que nous allons continuer à avoir de grosses difficultés. Les entreprises d’abattage auront toute latitude pour orienter les prix à leur convenance. Compte tenu de l’importance de ses volumes au sein de la consommation française de viande bovine, le prix de la laitière de réforme constitue un prix directeur. Il a une grosse influence sur les évolutions de prix des autres catégories d’animaux. Après l’annonce du regroupement entre Bigard et Socopa, j’ai parlé à la plupart des responsables d’organisations de producteurs en leur disant qu’il fallait que l’on travaille ensemble pour la mise en marché des animaux, que c’était incontournable. A ce moment-là, je n’avais pas eu d’échos très favorables à mes propositions. Cependant depuis la fin de l’été, je sens que les mentalités évoluent. Lors du dernier Sommet de l’élevage, j’ai vu différents responsables d’OP qui partagent ces mêmes idées en me signifiant que si l’on ne fait rien pour mieux nous organiser entre opérateurs commerciaux on va continuer à se faire plumer.

Pourquoi ce regroupement de l’offre vous paraît-elle incontournable ?

Guy Hermouet : Ne rien faire pour mieux organiser l’offre est doublement dangereux pour nous éleveurs, mais aussi pour les entreprises d’abattage. Il faut un approvisionnement régulier et équilibré pour permettre à toutes les entreprises de sécuriser leurs approvisionnements et par là- même leurs marchés. Cela permettrait aussi d’éviter la concurrence avec les prix de dumping pratiqués par certains aujourd’hui.

Face à l’omniprésence des grands groupes, on entend dire que certaines enseignes de la grande distribution ont réorienté une partie de leurs achats vers de plus petites entreprises pour ne pas être sous la coupe d’un fournisseur trop exclusif ? Qu’en est-il exactement ?

Guy Hermouet - Oui, cela a pu bénéficier à différentes entreprises qui par ricochet ont profité de cette volonté de certaines enseignes de diversifier leurs fournisseurs. Il n’en demeure pas moins que le numéro un français reste incontournable. Rappelons que celui-ci détient les trois marques Charal,Valtero et Bigard. Mais il est vrai que la concurrence forte est sur le créneau des marques de distributeurs (MDD).

Avec un numéro un de l’abattage qui « pèse » un bon 50 % des volumes et ses challengers qui arrivent assez loin derrière, le secteur français de l’abattage est-il, à vos yeux, suffisamment « concentré » ?

Guy Hermouet - Malgré la taille atteinte par Bigard, il y a aujourd’hui des entreprises régionales d’abattage de dimensions modestes qui s’en sortent bien. La situation est plus difficile pour les entreprises se situant dans une position intermédiaire. Pour une enseigne de la grande distribution, le premier opérateur est incontournable. Mais ces derniers mois, de petites entreprises d’abattage ont su profiter des opportunités permises par la volonté de certaines enseignes de diversifier leurs fournisseurs. Entre les deux, ce sont les opérateurs de taille intermédiaire qui trinquent le plus. Si la coopération ne se regroupe pas pour faire un bon numéro deux derrière le numéro un, elle a du souci à se faire. Un deuxième opérateur qui ne fait que 10 ou 11 % des volumes derrière le numéro un qui lui en pèse 50 % a quoi comme marge de manoeuvre dans ses négociations avec la grande distribution ? Aucune.

Existe-t-il un risque de voir un jour une entreprise d’abattage française reprise par des investisseurs étrangers ?

Guy Hermouet - C’est une éventualité toujours possible, à l’image de ce qui s’est passé en Italie. Pour l’instant, ce qui se passe là-bas avec la prise de contrôle de l’activité d’abattage d’Inalca par JBS ne semble pas dangereux. Pour l’instant tout du moins ! Bien entendu, il vaut mieux qu’une entreprise européenne soit reprise par des capitaux européens que brésiliens. Le scénario à craindre avec Inalca serait que ses acheteurs profitent des actuelles plateformes et circuits de distribution de cette entreprise pour en faire une tête de pont afin de mieux pénétrer le marché européen avec leur viande. Ceci étant, j’avais à une époque beaucoup de craintes que ce scénario se renouvelle en Europe. J’en ai moins maintenant. Les entreprises d’abattage d’Amérique du Sud ne se portent pas si bien que ça, en tout cas moins bien qu’au début des années 2000. Là-bas la rentabilité des entreprises est très liée à l’impact des taux de change entre les différentes monnaies plus qu’à leur seule compétitivité technique, productivité et capacité d’innovation. Je ne suis pas certain que les gros groupes d’abattage d’Amérique du Sud aient actuellement la capacité de reprendre autant d’entreprises que ce qu’ils ont déjà fait ces dernières années. En revanche rien ne nous dit que ce scénario ne pourrait pas se renouveler dans quelques années avec une entreprise française comme cible. D’autres entreprises européennes peuvent aussi être intéressées par un groupe français. Mais j’appréhende moins la reprise d’une entreprise française par un groupe européen comme Vion que par un brésilien. 

Observatoire des prix et des marges

Des conclusions très attendues

Après le lait, le porc et les fruits et légumes, l’observatoire des prix et des marges doit prochainement se mettre en place pour le secteur de la viande bovine. C’est du moins ce qui a été annoncé en septembre par le ministère de l’Agriculture aux responsables de la Fédération nationale bovine. « Nous avons expliqué que nous souhaitions que cet observatoire puisse être mis en place pour trois catégories de produits : le steak haché standard à 15 % de matière grasse, des muscles issus de l’avant du type boeuf bourguignon et une viande à griller qui ne soit pas pour autant du filet ou du faux-filet. » Les résultats sont attendus pour la fin de l’année. « On sait qu’il y a des marges conséquentes sur certains produits et les conclusions de cet observatoire devraient nous permettre de le démontrer. Cela pourra nous aider à expliquer la nécessité d’avoir une meilleure répartition des marges aux différents stades de valorisation de la carcasse », souligne Guy Hermouet.

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