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Ne pas sous-estimer les boiteries en élevage bovins viande

Les problèmes de boiteries, courants dans les élevages laitiers, tendent à devenir plus fréquents en allaitants. L’évolution du parc de bâtiment et le nombre accru d’animaux dans les élevages expliquent pour partie ces évolutions.

parage des pieds bovins viande
© C.Guibier

Pas de pieds, pas de cheval ! Ce dicton bien connu des cavaliers devrait aussi pouvoir s’appliquer aux bovins. Comparativement à d’autres espèces et en particulier aux bipèdes que nous sommes, une des particularités des bovins est de faire reposer un poids conséquent sur une surface portante bien modeste. Chaque onglon d’une vache de 800 kg supporte peu ou prou 100 kg et la surface portante de cet onglon est de seulement quelques centimètres carrés. À titre de comparaison, cela représente une pression au centimètre carré de surface portante très largement supérieure à ce que doit supporter un pied humain. Chez les bovins, le poids repose sur le seul talon et la projection de la muraille externe jusqu’à la pince. Cette pression est localement fortement accrue lorsque l’animal se déplace. Elle l’est d’autant plus lors de déplacements rapides et tout particulièrement au moment des bousculades, affrontements et chevauchements.

Dans l’environnement naturel des bovins qu’est la prairie, les pressions sur les onglons sont pour partie amorties par la souplesse du sol. « Plus les vaches restent dehors à l’herbe et meilleure est la qualité de leurs pieds. L’ennemi du pied des vaches c’est le béton car il n’amortit rien », souligne Marc Delacroix, vétérinaire et spécialiste des boiteries. À côté de son effet « amortisseur », le sol d’une prairie a également un effet « balai-brosse ». L’herbe nettoie en permanence les sabots des animaux au fil de leurs déplacements.

Des pathologies majeures en élevage laitier

Chez les bovins, les pathologies des pieds sont d’abord connues pour être une problématique majeure en élevage laitier. Elles le sont d’autant plus que les conduites d’élevage ont été intensifiées. « On a clairement ressenti une aggravation du contexte au moment de l’arrêt des quotas », souligne Marc Delacroix. Pour conforter le nombre de vaches traites, certains éleveurs ont accru la densité d’animaux dans leurs bâtiments avec des vaches souvent très poussées sur le plan alimentaire pour optimiser l’expression de leur potentiel génétique. « Il faut toujours se remémorer quel est le rythme de vie habituel des bovins dans une pâture. Il voit se succéder plusieurs phases au cours desquelles les animaux broutent tout en marchant en les alternant par des périodes de rumination et de repos à des endroits perçus comme les plus confortables. » Un rythme bien différent en stabulation surtout si les vaches sont en zéro pâturage avec des sols durs, le plus souvent humides et pas toujours très propres. « Dans les élevages laitiers, on a le plus souvent des vaches dont le corps et le pis sont parfaitement propres mais pas les pieds ! » L’idéal serait d’avoir des surfaces bétonnées raclées presque en permanence avec des pentes judicieusement pensées puis réalisées pour éviter toute création de petites « flaques » où macère du jus de fumier. Le sol joue donc un rôle clé, mais la cause d’apparition d’une boiterie chez un bovin est souvent la combinaison de plusieurs facteurs liés à celui-ci : la nature du sol, la pente, la fréquence et le mode de raclage, la densité animale, la consistance des fèces, la localisation des équipements et en particulier des abreuvoirs, la ventilation…

Les élevages allaitants sont loin d’être épargnés par les boiteries même si la plupart des femelles d’élevage passent 6 à 9 mois de l’année en pâture. « C’est un phénomène récent et il pose souvent des problèmes car les éleveurs sont moins familiarisés à ces pathologies que leurs collègues laitiers. Les boiteries restent le parent pauvre des maladies des bovins et beaucoup d’a priori, de clichés, d’habitudes inadaptées voire d’erreurs circulent sur le terrain », souligne Marc Delacroix. Les pathologies mises en cause sont la plupart du temps les mêmes que pour les laitières. Parmi les facteurs incriminés pour expliquer cette fréquence accrue des boiteries sur vaches allaitantes, les conditions d’élevage et surtout de logement tout au long de la période hivernale sont souvent invoquées d’autant qu’elles ont bien évolué ces dernières années. Un travail est d’ailleurs en cours avec l’Institut de l’élevage pour mieux quantifier ce phénomène.

Sensibiliser les éleveurs à regarder les pieds

« Il faut sensibiliser les éleveurs à regarder davantage les pieds de leurs animaux et donc à les lever, insiste Marc Delacroix. Malheureusement les pieds c’est dur, c’est sale et cela fait très mal quand la vache tape. Et les allaitantes n’ont pas bonne réputation sur ce volet ! Donc on n’a pas envie d’aller y toucher. » Les éleveurs gagneraient pourtant à mieux détecter les boiteries pour intervenir de façon précoce. « C’est hyper efficace. Même légère, une boiterie est une urgence ! Quand une vache boite il faut regarder son pied. Plus on intervient rapidement, moins cela coûte cher et plus c’est facile à soigner. Plus on retarde, plus c’est difficile à soigner, moins on a de résultats et plus ça coûte cher. Beaucoup attendent malheureusement d’avoir des animaux franchement boiteux avant d’intervenir. Actuellement le délai moyen entre l’apparition de boiteries et l’intervention est de… 40 jours ! » Sur des laitières quand on intervient le résultat se ressent très vite dans le tank. En allaitantes l’impact est forcément bénéfique, même s’il est plus difficile à mesurer.

La détection précoce des pathologies du pied est facilitée par la présence d’une cage de contention. « L’éleveur est le premier infirmier de son troupeau. Il doit savoir et pouvoir intervenir rapidement et doit pour cela avoir les outils et les connaissances minimales. Dans les élevages, il faudrait dans l’idéal pouvoir conduire en une dizaine de minutes et en sécurité n’importe quel animal vers une cage de contention. Son positionnement doit donc être mûrement réfléchi. C’est rarement le cas. » C’est d’autant plus important en élevage allaitant avec des animaux souvent plus difficiles et dangereux à manipuler que des laitières. Une cage bien placée permet à d’autres intervenants, en particulier au vétérinaire, de l’utiliser. « Une cage, c’est autour de 5 000 euros. Rien à voir avec le prix du gros matériel agricole avec une utilisation qui va bien au-delà de l’observation des seuls pieds ! " À l’image du suivi de reproduction, un suivi régulier des pieds à certaines périodes clés de l’année donne de bons résultats. Il contribue au bien-être animal et à la bonne santé des animaux qui sont ainsi plus productifs.

Des « souches à mauvais pieds »

Vaches ou taureaux, il y a des lignées connues pour transmettre de mauvais pieds à leur descendance, d’où l’importance de bien observer les aplombs d’un jeune taureau avant son achat en le regardant évoluer sur un sol où il ne s’enfonce pas, idéalement une surface plane en béton. Le facteur race aurait également un impact mais il conviendrait de le relativiser. Quelle que soit la race, c’est à partir du moment où un potentiel génétique de haut niveau est associé à un niveau de conduite cherchant à maximiser les performances que l’on accroît la probabilité de voir apparaître des problèmes. La corne noire est réputée plus solide, mais son impact serait modeste si on le compare au rôle prépondérant des caractéristiques du bâtiment et de l’hygiène dans ce dernier.

Parer des pieds est un métier

Les bons "pédicures pour bovins" ne manquent pas de travail. Il exige de très bonnes connaissances techniques pour arriver à de bons résultats.

Quand on taille la corne des pieds d’un bovin, on modifie un tant soit peu le positionnement des aplombs et on déplace la façon dont parfois des dizaines de kilos vont reposer sur les sabots de l’animal. L’enjeu du parage est un problème de répartition des charges sur le sabot et de rééquilibre de ces charges. « Parer, c’est travailler de façon très précise. C’est enlever juste ce qu’il faut, là où il le faut. Il faut savoir travailler au millimètre près : parfois 1 millimètre sur 2 centimètres suffit pour que la vache en ressente l’effet. C’est un vrai savoir-faire », souligne Marc Delacroix, vétérinaire. Quelque 300 personnes exerceraient actuellement en France le métier de « pédicure pour bovins ». Un chiffre modeste eu égard au nombre de bovins présents sur le territoire. À titre de comparaison il y a environ 700 pareurs aux Pays-Bas. Cette profession nécessite d’associer un haut niveau de connaissances anatomiques, techniques et pratiques à une bonne résistance physique, mais dans ce métier le chômage est un mot qui n’existe pas. Le seul centre de formation se situe au CFPPA du Rheu, près de Rennes. Il repose, entre autres, sur beaucoup de pratique. « Mais bien des pareurs estiment qu’à l’issue de leur formation il leur faut encore deux ans de terrain et un peu plus de 5 000 pieds parés pour être véritablement à l’aise dans le métier. » Certes le métier est dur, mais les conditions de travail se sont améliorées grâce à la mise sur le marché de cages pour professionnels. Elles sont coûteuses (jusqu’à 50 000 euros) mais ont contribué à diminuer la pénibilité et la dangerosité du métier.

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