Aller au contenu principal

Baisse de performances
Ne pas sous-estimer le risque mycotoxines

En viande bovine aussi, une contamination de la ration par des mycotoxines constitue une piste à ne pas négliger quand les autres hypothèses plus classiques n’ont pas permis de résoudre un problème de santé ou de baisse de performances. Elle est par contre délicate à explorer.

© Alicoop

Le risque d’une contamination des animaux par des mycotoxines est certainement sous-estimé en production de viande bovine. Il y a encore quelques années, on pensait que la flore du rumen protégeait les bovins des effets des mycotoxines en éliminant totalement leurs potentiels toxiques. Cette problématique était uniquement avancée pour les porcs et les volailles. Depuis, de nouveaux résultats de recherche et l’expérience du terrain ont montré que même si le pouvoir détoxifiant du rumen (effet filtre) est réel, il n’est pas toujours suffisant pour éviter les baisses de performances et les problèmes de santé chez la vaches laitière.


Les aliments consommés par les bovins allaitants n’ont pas de raison d’être moins contaminés par des myco- toxines que ceux distribués à un troupeau laitier. « La situation est cependant différente car la vache allaitante a un transit beaucoup plus lent, et de ce fait elle est a priori mieux protégée d’une intoxication par l’action de son rumen. L’hypothèse des mycotoxines n’est cependant pas à négliger quand un problème de reproduction ou d’immunité ne trouve pas de solution grâce aux pistes plus classiques (bâtiment, hygiène, alimentation, parasitologie...), explique Séverine Brunet, docteur en pathologie et nutrition animales chez Alicoop. Les animaux à fort rendement sont plus sensibles aux mycotoxines. » C’est probablement le cas des jeunes bovins qui réalisent de fortes croissances et ont un fonctionnement du rumen comparable à celui des vaches laitières, mais par contre sur une période limitée dans le temps et sans que ne se pose la question de reproduction. Pour autant, on ne dispose pas, à l’heure actuelle, de résultats expérimentaux sur ce sujet et il y a très peu de retour d’audits en élevage.



De nombreux facteurs rendent délicat l’obtention d’un diagnostic en élevage. L’absence de moisissures sur un fourrage, si le silo a été bien confectionné, ne garantit pas l’absence de mycotoxines. Elles peuvent avoir perduré dans le silo après la disparition des moisissures. Et à l’inverse, la présence de moisissures n’implique pas automatiquement la production de mycotoxines. « La toxicité des mycotoxines et leurs effets sur les ruminants dépendent de la nature et de la dose de toxines ingérées, de l’interaction entre différentes mycotoxines qui peuvent être simultanément ingérées, ainsi que de la sensibilité des animaux qui varie d’un troupeau à l’autre » explique Aurélie Levagnini de Biomin.

 

Une étude des facteurs de risques et une analyse



Les symptômes peuvent être une baisse des performances, une baisse de l’ingestion, des troubles de la reproduction, une baisse d’immunité, des diarrhées, une sub-acidose hors ration à risque, un syndrôme nerveux...


« Quand se pose la question d’une contamination par des mycotoxines, il faut toujours associer une étude des facteurs de risques propres à l’élevage, une étude des symptômes observés sur les animaux, avec une analyse. Si on fait seulement une analyse, on peut passer à côté d’une contamination », explique Séverine Brunet d’Alicoop. En effet, il se peut qu’au moment de l’analyse, les mycotoxines ne soient plus présentes dans la ration. Il est aussi capital de bien respecter le protocole de prélèvement de l’échantillon. Emmanuel Pruvost de Zootech conseille de prélever chaque jour le long de l’auge, une dizaine de poignées de la ration complète, et ceci pendant six jours, avant de mélanger le tout et d’en extraire un échantillon.


La méthode la plus complète est l’analyse HPLC–MS (chromatographie en phase liquide à haute performance associée à la spectrométrie de masse) qui permet de détecter de faibles contaminations pour une quarantaine de mycotoxines différentes, pratiquée par le laboratoire de déve- loppement et d’analyses des Côtes-d’Armor. Son coût est assez élevé et il faut plusieurs semaines pour obtenir le résultat. « Nous proposons une analyse par immunodosage sur bandelettes qui permet d’identifier et ques, aussi bien sur céréales que sur fourrages, en environ une semaine », explique Emmanuel Pruvost de Zootech. Le niveau de contamination n’est pas facile à interpréter. Il représente la situation à un instant donné. En pratique, l’analyse permet seulement le cas échéant de conclure sur la présence de telle(s) mycotoxine(s) et de donner une indication sur le niveau de contamination.

 

Tous les aliments sont susceptibles de contenir des mycotoxines. En France, en élevage, le principal risque observé est plutôt lié à l’ensilage de maïs, mais il existe aussi avec de l’ensilage d’herbe ou des céréales stockées à la ferme. Attention aux coproduits car par définition, ils sont surtout constitués de l’écorce de la plante dont ils sont issus, et c’est l’endroit où se concentrent les moisissures et donc les mycotoxines. Ils sont aussi souvent stockés sur une longue durée et la qualité de leur stockage est à vérifier. La plupart des intoxications des ruminants est due à l’ingestion de faibles doses de mycotoxines pendant de longues périodes. Les cas aigus sont rares en France.


Des solutions à intégrer dans la ration pour éliminer la toxicité


La conduite à tenir n’est pas évidente actuellement en production de viande bovine. « De fortes baisses de GMQ et la prise d’un mauvais poil ont été observées cette année sur des jeunes bovins allaitants aux alentours des 500 kilos vifs sans que nous ayons pu en identifier la cause dans deux élevages spécialisés », raconte François Schmitt, responsable technique de l’organisation de producteurs Alotis (Lorraine). Aucune solution n’a pu être trouvée par les approches classiques : la ration a été vérifiée, le déparasitage complet et la prévention sanitaire avait été bien effectués, une cure d’hépato-protecteur et un anti-acide n’ont pas permis de relancer les croissances. « Nous avons soupçonné une intoxication par des mycotoxines, mais nous nous posons des questions sur la conduite à tenir. Les analyses et les additifs antimycotoxines sont coûteux et le retour sur investissement n’est pas évident pour des jeunes bovins », estime François Schmitt.


Si on a pu établir qu’un fourrage ou un aliment contenait des mycotoxines, l’idéal est de ne plus le distribuer aux animaux. Si cela n’est pas possible pour des raisons économiques ou pratiques, on peut essayer de réduire la quantité journalière consommée par les animaux en le mélangeant à d’autres fourrages.


Il existe d’autre part des solutions antimycotoxines à intégrer dans la ration des animaux dans le but de détoxifier leur organisme. Ils contiennent des argiles travaillées auxquelles se lient à cause de leurs propriétés physico-chimiques certaines mycotoxines comme l’aflatoxine, la patuline. Des extraits de parois de levure (béta- glucans) et des charbons actifs ont le même type d’action sur le DON, la ZEA, la T-2. Certains additifs contiennent aussi des enzymes qui transforment de façon spécifique une mycotoxine en molécule(s) non toxique(s). Ils contiennent aussi souvent des ingrédients destinés à soutenir le foie.


« Pour les jeunes bovins, on conseille en première intention les produits qui compensent les effets d’éventuelles mycotoxines par un soutien ruminal, sans détoxifier, avec notamment des levures vivantes et des hépatoprotecteurs. Il peut aussi être judicieux d’utiliser un capteur de mycotoxines en continu dans une stratégie de sécurisation maximale, pour des élevages à haute performance et si le risque de mycotoxines a été mis en évidence par un audit », conseille Séverine Brunet d’Alicoop. Les solutions antimycotoxines peuvent en effet ne pas avoir d’effet sur les signes cliniques ou lésions d’une contamination chronique antérieure au diagnostic (si la solution antimycotoxine n’est pas adaptée d’où l’intérêt de bien cibler l’analyse, ou si la conta- mination est trop élevée et aucun produit n’a d’action), et ils sont à distribuer pendant au moins plusieurs semaines.


Un essai mené par Biomin en Afrique du Sud sur 180 jeunes bovins a montré qu’une solution antimycotoxine distribuée tout au long de l’engraissement a amélioré le GMQ de 30 grammes par jour ou de 110 grammes par jour selon la modalité de distribution du produit (dose moyenne tout au long de l’engraissement ou bien dose plus importante au démarrage des animaux, puis dose plus faible jusqu’à la fin de l’engraissement). La ration, composée d’ensilage et de coproduits, était contaminée en DON (de 321 à 2 373 ppb selon la date de prélèvement de l’échan- tillon), fumonisines (264 à 564 ppb) et aflatoxines (jusqu’à 2,5 ppb).


Des mesures sont envisageables en prévention


Il a pu d’autre part être établi quelques mesures pour prévenir le développement de mycotoxines. On sait que la culture de maïs derrière un maïs, et d’une façon générale le non labour augmentent significativement le risque de développement de mycotoxines. Car si les résidus sont contaminés, le champignon se maintient dans la parcelle d’une année à l’autre. La sélection de variétés résistantes aux fusarioses est aussi une piste de prévention. Après la récolte, la qualité du stockage est à soigner selon les conseils habituels. Le facteur de risque prépondérant est, de très loin, la météo. Plus il y a d’humidité et de douceur au moment de la floraison jusqu’à la maturité, plus la plante se montre fragile et plus le risque fongique s’avère élevé. En 2012, le risque mycotoxines a été très fort pour les céréales et le maïs dans l’Ouest de la France.

Les plus lus

Camion d'abattoir mobile du Boeuf ethique
L’abattoir mobile du Bœuf éthique vendu aux enchères 152 000 euros

Plus d’un an après la liquidation du Bœuf Ethique, premier outil d’abattage mobile en France, son matériel a été mis en vente…

parage fonctionnel des pieds bovins
Boiteries : « Je me suis formé au parage fonctionnel »

Guillaume Sansoit, éleveur de charolaises dans la Nièvre, a suivi avec un de ses salariés une journée de formation sur le…

L’implantation de la cage est à raisonner pour qu’un homme seul puisse y amener ses bovins en sécurité.
Boiteries : choisir une cage de parage adaptée aux vaches allaitantes

La cage de parage devient un équipement incontournable pour les exploitations touchées par la dermatite digitale. Veillez à…

Les prix d'honneur ont été difficiles à départager au concours de Varennes-sur-Allier (Allier), tenu les 15, 16 et 17 mars en race charolaise. « Une série d'une vingtaine de génisses, aux conformation et qualité de viande hors-normes, s'est particulièrement démarquée. Le lot était très homogène, avec des volumes de carcasse qui dépassaient les 650 kg », rapporte Olivier Chaveroche, responsable au concours.
Bovins de boucherie : les concours de Pâques enregistrent de belles ventes

Après une édition 2023 en demi-teinte, les organisateurs des traditionnels concours de Pâques tirent un bilan plutôt positif…

jeunes bovins charolais boiteries morbihan bretagne
Boiteries : « Nous avons dû jouer sur plusieurs fronts pour lutter contre panaris, Mortellaro et fourbure »

Gwendal Marchand a résolu une bonne partie des problèmes de boiteries sur son exploitation grâce à un audit approfondi avec…

prairie en Gironde
Prairies : la mise à l’herbe encore attendue sur une grande moitié Nord de la France

Les éleveurs devront encore s’armer de « patience » et faire preuve de « réactivité » pour assurer la mise…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site bovins viande
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière bovins viande
Consultez les revues bovins viande au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière bovins viande