Les méthaniseurs allemands gourmands en ensilage
Une partie de la « nourriture » des méthaniseurs allemands n'est pas constitué de biodéchets mais d'ensilage de maïs qui aurait tout aussi bien pu terminer dans la panse des bovins.
En 2000, l'Allemagne a pris la décision de cesser de produire de l'électricité à partir du nucléaire. Ce secteur fournissait 15 % de la production en 2012 et cet engagement devrait être respecté à compter de 2022. Pour prendre le relais, nos voisins ont choisi de développer les centrales à charbon - grosses émettrices de gaz carbonique -- et les énergies renouvelables. Ce pays arrive ainsi loin en tête pour la quantité d'énergie produite via la méthanisation. Fin 2013, l'Allemagne totalisait pratiquement 8 000 unités, lesquelles fournissaient environ 4 % de la consommation d'électricité du pays avec en sus un nombre conséquent d'emplois induits. 124 de ces unités de méthanisation n'étaient pas utilisées en cogénération, mais injectaient le biométhane produit dans le réseau de gaz naturel.
Fort recours à l'ensilage de maïs
Le revers de la médaille de ce développement est le fort recours à l'ensilage de maïs pour « alimenter » les méthaniseurs. 1,16 des 17 millions d'hectares de la surface agricole utile allemande ont été utilisés l'an dernier par des cultures dites énergétiques. Le maïs ensilage utilisé à cette seule fin totalisait à lui seul 830 000 hectares. Cette extension des surfaces est pour partie liée à des retournements de prairies. Ces dernières s'avèrent souvent plus rentables une fois converties en champs de maïs destinés aux méthaniseurs que pâturées par des bovins. « Le principal intérêt de l'utilisation de cultures énergétiques dans les unités de méthanisation est d'avoir un substrat facilement stockable, stable, ayant une bonne productivité en méthane à un coût relativement stable », expliquait Rainer Bolduan, ingénieur de recherche à Eifer (European Institute for Energy Research). Et pour ce qui des cultures à privilégier, c'est l'ensilage de maïs qui, ramené à l'unité de surface et au coût de production, permet d'obtenir le meilleur rendement en méthane.
En Allemagne, 33 % de la production nationale de maïs a donc terminé l'an passé dans des méthaniseurs. La forte utilisation du maïs est aussi lié à un mécanisme de soutien à l'utilisation de cultures énergétiques en vue de produire du biogaz. « À compter de 2004, il consistait en une prime spécifique pour l'électricité produite à partir de biogaz provenant de cultures énergétiques. » Prime qui se cumulait avec les autres soutiens visant à conforter l'essor de cette filière.
Concurrence entre l'alimentation des animaux ou des méthaniseurs
Cette mesure incitative a été révisée en 2012. Pour inciter à utiliser davantage de déchets et de résidus, la nouvelle version de la loi de promotion des énergies renouvelables limite désormais l'utilisation de l'ensilage de maïs à un maximum de 60 % du substrat entrant. Une nouvelle version de cette loi est actuellement en cours de discussion.
Rainer Bolduan recnnaissait volontiers que le revers de la médaille du modèle de développement retenu par l'Allemagne est cette concurrence entre les deux possibilités de valorisation de l'ensilage de maïs : alimentation des animaux ou des méthaniseurs. Cela a favorisé une hausse du prix du foncier. En allant dans le sens d'un accroissement des surfaces cultivées en maïs, la filière du biogaz a également détérioré son image auprès d'une partie des citoyens allemands.
Voir aussi article Un avenir en vert pour la méthanisation .
Un prix de l'électricité nettement plus cher en Allemagne
L'électricité française est bon marché si on fait la comparaison avec les tarifs pratiqués dans d'autres pays européens. Les prix allemands sont nettement supérieurs aux tarifs français. En Allemagne, le prix de l'électricité s'est surtout renchéri ces dernières années. Une inflation à relier pour partie à cette volonté de développer le secteur des énergies renouvelables, qu'il s'agisse de la biomasse, de l'éolien ou du photovoltaïque. Pour le financer, le gouvernement allemand a mis en place une contribution pour le développement de l'énergie verte. Au départ son montant était de 3,5 ct/kWh. Ce chiffre est passé dernièrement passé à 6,24 centimes.