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Les marchés aux bestiaux à l’heure d’Egalim 2

L’arrivée d’Egalim 2 ne modifiera pas le fonctionnement des marchés de bétail vif puisque leurs apporteurs ne sont pas tenus de contractualiser. Pour autant leurs gestionnaires ne s’attendent pas à un accroissement sensible des apports et redoutent les effets de la décapitalisation.

Les marchés aux bestiaux à l’heure d’Egalim 2
© F. D'Alteroche

La loi Egalim 2 ne s’applique pas aux marchés aux bestiaux. Toute transaction sur un marché de gré à gré ou un cadran est donc exemptée de contractualisation. « Les marchés de bétail vif sont assimilés à des marchés de gros et donc exclus du champ d’application de la loi », souligne la Fédération des marchés de bétail vif (FMBV).

« C’est une reconnaissance de la spécificité des marchés qui défendent depuis toujours le prix par la mise en concurrence des acheteurs dans un cadre sain, transparent, et immédiat. Les cotations hebdomadaires en sont le reflet. »

Il est encore trop tôt

Faut-il pour autant s’attendre à une progression des apports de la part d’éleveurs jusque-là pas forcément adeptes de ces structures mais qui n’ont pas pour autant forcément envie d’établir des contrats avec leurs premiers acheteurs et pourraient donc être tentés par les marchés et en particulier les marchés au cadran ou à la criée ?

Plusieurs des gestionnaires de marchés interrogés pour les besoins de cet article estiment qu’il est encore trop tôt pour tirer les conséquences de cette mesure sur le volume d’animaux dans leurs structures. « Nos fidèles apporteurs ont été prévenus de l’évolution de la législation et continueront à venir, mais bon nombre d’éleveurs n’ont pas forcément intégré les différentes obligations liées à Egalim 2. Il est encore bien difficile de prévoir ce qu’ils vont faire », estime Bruno Plantard, éleveur et administrateur de la Sicafome dans la Nièvre et membre du bureau de la FMBV.

Et d’ajouter que cette mesure a été annoncée tardivement à une période où l’attention des éleveurs bourguignons et surtout leur emploi du temps sont monopolisés par les vêlages et le temps passé dans les stabulations.

Proximité des élections

Certains estiment aussi qu’après avoir beaucoup fait parler, la mise en place de la contractualisation obligatoire a pris du retard. « Elle semble freinée par le nouveau contexte lié à la guerre en Ukraine et la proximité des élections présidentielles puis législatives. Aujourd’hui cela ne semble plus être une priorité dans l’agenda du gouvernement », estime Bertrand Bardet, directeur du marché de Bourg-en-Bresse, dans l’Ain.

« À Moulins Engilbert, nous avons notre noyau dur d’environ 300 éleveurs qui vendent toute leur production par notre intermédiaire. Après il y a des opportunistes qui vont et viennent comme ils l’ont toujours fait. Mais on ne ressent pas de mouvement de fond pour apporter davantage d’animaux du fait de la mise en place d’Egalim 2 », analyse Martial Tardivon, chef des ventes de la Sicafome.

« Nous avons eu quelques appels d’éleveurs qui s’interrogent mais c’est négligeable. La dynamique d’augmentation des cours ne pousse pas à s’intéresser de près aux contrats. Si le contexte avait été similaire à celui de début 2020 il en serait probablement autrement. »

C’est peut-être également lié à la date de mise en place de la contractualisation pour le bétail maigre. « Pour les broutards et laitonnes qui sont deux des principales catégories de bovins vendues à Mauriac, cette obligation de contractualiser ne sera effective qu’au 1er juillet prochain », ajoute Michelle Chastan, présidente du cadran de Mauriac.

Différence cadran et gré à gré

La situation pourrait toutefois être très différente entre les marchés au cadran et les marchés de gré à gré. « Bourg-en-Bresse est un marché de négoce et ne fonctionne pas comme un cadran où les apporteurs sont majoritairement des éleveurs. Quand on voit les cours, si la contractualisation avait été faite sur les cotations de décembre, bien des éleveurs s’en mordraient les doigts en particulier pour les femelles de moindre conformation », ajoute Bertrand Bardet pour qui la contractualisation risque de faire disparaître certains petits négociants avec un impact évident sur le volume d’activité traité sur les marchés de gré à gré.

« On en a besoin de ces petits négociants. En tant que présidente de marché, plus il y a de négociants présents pour acheter et se faire de la concurrence, mieux c’est ! » ajoute Michelle Chastan.

Attirer de nouveaux éleveurs et séduire les éventuels rebelles aux contrats signifie aussi être en mesure de leur proposer de nouveaux services. « À la Sicafome, nous enregistrons une progression des ventes en présentant à nos acheteurs des vidéos des animaux filmés chez l’éleveur par le personnel de notre structure. Cela peut concerner de gros lots (30 à 40 animaux, parfois davantage) qui pour ces raisons évidentes ne souhaitent pas les déplacer. Mais cela intéresse également des éleveurs plus éloignés. Pour autant, j’ai du mal à dire que ce sera une solution pour attirer vers nos structures des éleveurs guère séduits à l’idée de contractualiser 100 % de leurs ventes. C’est trop tôt pour savoir », souligne Bruno Plantard.

Décapitalisation, préoccupation majeure

La contraction des disponibilités liée à la décapitalisation en cours est une préoccupation majeure. « Comme tous les autres acteurs du commerce du bétail, nous allons forcément subir la décapitalisation de ces dernières années », estime Bertrand Bardet. « Et il n’y aura pas d’inversion de tendance, ajoute Bruno Plantard. Même dans le Morvan où on ne peut pourtant pas faire autre chose que de l’élevage, les éleveurs sont saturés par le boulot. Au cours de ces dernières années nous avons tous eu tendance à augmenter le nombre de vêlages par UTH pour compenser la baisse de revenu ramenée à l’UGB. Mais il y a une limite ! Je trouve que l’on vit moins bien que nos aînés tout simplement car on a trop de boulot sans pour autant gagner davantage. »

La récente progression des tarifs pourrait aussi expliquer - à la marge - la tendance au recul des apports constatée ces derniers mois sur certains marchés. « Entre les deux premiers mois de 2022 et ceux de 2021, nos apports à la Sicafome sont en recul de 7 à 8 % », explique Martial Tardivon.

Une partie de ce recul s’explique par des animaux mis en vente un peu plus tardivement. « On a commercialisé fin février et début mars des lots de broutards nettement plus lourds que d’habitude. L’an dernier les éleveurs on fait des stocks fourragers confortables. En début d’hiver comme ils constataient que les cours progressaient toutes les semaines sans que les animaux lourds ne soient véritablement pénalisés nombre d’entre eux ont retardé les ventes. »

Et ils ont fait une bonne opération avec davantage de kilos vendus par animal associé à un prix au kilo qui n’a cessé de progresser tout au long de l’hiver. « Leur trésorerie en avait bien besoin. Tout comme leur moral. Même si actuellement les charges flambent sans que l’on sache jusqu’où ça peut aller, le fait de mieux valoriser son produit avec une demande très active est forcément bénéfique pour le moral ! »

Clément Boubal, éleveur dans le Cher et président du marché à la criée de Sancoins dans le Cher

"Nos cotations sont incontournables"

Les marchés aux bestiaux à l’heure d’Egalim 2

« Dans le cadre d’Egalim 2, nos marchés ont été exemptés de contractualisation. Je regrette qu’au sein d’Elvea France, cette possibilité de vendre sur nos marchés sans mettre en place de contrat ne soit pas davantage mise en avant. La progression des prix pour les différentes catégories de bovins ces dernières semaines fait que bien des éleveurs sont un peu perdus dans les tarifs et ne savent plus très bien ce qu’ils doivent demander à leurs acheteurs. Ils viennent plus nombreux assister à nos ventes. Mais d’abord pour se renseigner et non pour nous amener des lots supplémentaires ! Nos cotations sont très suivies et d’ailleurs incontournables pour établir les contrats issus de la mise en application d’Egalim 2.

Actuellement nous cherchons à attirer de nouveaux éleveurs par la dématérialisation des ventes permise par la réalisation de vidéos de lots d’animaux dans les élevages qui sont ensuite présentées à nos acheteurs. C’est un service supplémentaire pour des lots importants ou pour des élevages éloignés. Nos adhérents et apporteurs réguliers sont bien entendu au courant de ce procédé mais nous gagnerions certainement à communiquer davantage sur cette formule auprès de nouveaux apporteurs potentiels.

Dans un périmètre d’une centaine de kilomètres autour de Sancoins, la décapitalisation est une problématique majeure. Les fermes sont reprises mais souvent en grande partie labourées avec parfois quelques bêtes en pension ou des ventes de foin. C’est similaire à ce qui s’est passé en ovins il y a quelques années et pourtant dans nos zones, certaines surfaces récemment retournées conviennent d’évidence mieux à l’herbe qu’aux céréales. Seul un revenu durablement attractif permettra de relancer l’élevage. »

Effet bénéfique pour Rabastens ?

Depuis mardi 22 février, le marché de Rabastens de Bigorre dans les Hautes-Pyrénées est passé du gré à gré à une criée similaire à celle de Sancoins (Cher) ou Saugues (Haute-Loire). Même si les premiers apports sont modestes (115 têtes pour cette première criée), l’objectif est de redonner de la vigueur à cet outil qui attirait jusqu’à 2 000 bovins par semaine il y a plus de vingt ans. « La SEMop 'Marché du parc du Val d’Adour' est gestionnaire du site de 11 hectares. Il est composé de deux halles de 5 000 m², de 8 000 m² d’ombrières photovoltaïques, de 10 000 m² de surface goudronnée, ce qui permettra d’envisager d’autres activités par la suite, explique Pierre Bazet, directeur d’Elvea Pyrénées.

Il s’agit désormais de faire la démonstration d’une nouvelle approche d’un négoce dans l’anonymat avec garantie de paiement. Beaucoup d’éleveurs sont venus voir ce nouveau mode de fonctionnement dont le principe les a vivement intéressés. » À eux et aux acheteurs de jouer le jeu et de faire en sorte que les apports soient suffisants pour pérenniser cette structure. D’après les données de la BDNI, en 2016 il y avait 67 300 vaches nourrices dans un rayon de 50 km autour de Rabastens, soit une « densité bovine » très similaire à celle de Mauriac (Cantal).

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