En France
Les entreprises d'export du maigre se concentrent
Les grands acteurs de l'export d'animaux maigres devraient bientôt se compter sur doigts d'une main. Dans le secteur coopératif notamment, de nombreuses discussions sont en cours.
Quatre,cinq,voire six... Ce sont les chiffres qui reviennent le plus souvent dans la bouche des exportateurs d’animaux en vif pour dénombrer les entreprises qui devraient dominer ce marché au terme des mouvements de regroupement en cours. Le catalogue des exportateurs d’animaux vivants de FranceAgriMer mentionne pourtant 70 entreprises. De nombreux négociants, dont l’export ne représente généralement qu’une part de l’activité, parfois regroupés et ne travaillant pas toujours en direct mais via des exportateurs plus importants.
«En tenant compte du nombre de centres de rassemblement, on estime qu’il y a environ 70 à 80 sociétés spécialisées dans le maigre qui font plus de 5000 animaux par an mais pas nécessairement à l’export, explique Hugues Beyler, directeur de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB). Mais, une vingtaine de groupes font plus de 20000 animaux.» Et parmi ceux-là, deux entreprises spécialisées dans l’export se détachent nettement : Eurofrance (140000 têtes en 2010) et Parma France (150000 têtes). Derrière eux,une entreprise familiale de négoce de taille moindre, mais qui est un des fondateurs des échanges avec l’Italie: les établissements Juillet dans le bassin Charolais.
Dans le secteur coopératif, la situation est plus simple mais plus mouvante. Cinq structures spécialisées, situées dans le bassin allaitant, assurent l’exportation des animaux maigres pour le compte de plusieurs coopératives de base. Quelques coopératives volent encore de leurs propres ailes notamment hors du bassin allaitant, ou ont passé des accords commerciaux avec des exportateurs.
Ces structures coopératives d’export sont encore trop nombreuses, affirment la plupart de leurs responsables. Gérard Delage,directeur de Sofrelim, entrevoit même une «révolution» pour les années à venir. Toutes reconnaissent que les discussions en coulisse vont bon train. «Les gens vont se regrouper de gré, voire de force si cela devait durer trop longtemps, analyse Philippe Chazette, responsable de Coop de France export. Les structures ont les mains libres pour essayer de trouver des formules de regroupement. Personne n’a le couteau sous la gorge. Cela permet d’envisager les choses sereinement.»
Une solidité financière à toute épreuve
Face à un marché italien qui ne cesse de se concentrer, les exportateurs n’ont d’autre choix que de grossir eux aussi. Les exportateurs ont besoin d’avoir une taille suffisante pour pouvoir disposer d'animaux de poids et conformation constants toute l'année. Mais, aussi une solidité financière à toute épreuve. «La moitié de la production de Deltagro Union, 60 000 à 70 000 têtes, est vendue auprès d’une dizaine de clients, explique Pierre Richard, directeur commercial. Ce sont des industriels qui nous demandent des animaux de 400 kg toute l’année. La complémentarité géographique, entre des départements qui font des vêlages d’automne, comme l’Yonne et la Loire, et ceux qui font du vêlage d’hiver, comme la Saône-et- Loire, nous permet d’avoir du broutard toute l’année. C’est notre gros atout.»
«Des maisons comme les nôtres ont besoin de faire au minimum dix camions par semaine dans chacun des centres pour pouvoir bien valoriser les broutards et satisfaire nos clients», affirme Egidio Savi, Pdg de Parma France. C’était le but de la création de Parmaubrac qui expédie dix à douze camions par semaine. «C’est important dans cette région d’avoir du nombre pour valoriser toutes les catégories. Cela nous a permis de faire des contrats avec des supermarchés et des abattoirs», ajoute Egidio Savi. L’offre multirace est également appréciée par les clients qui ne mettent pas tous les œufs dans le même panier. «La carte charolaise nous a permis de rentrer chez de nouveaux clients et d’ouvrir ainsi la porte à nos animaux rustiques»,indique Jean Faliez de Bévimac.
Tous les opérateurs soulignent aussi la nécessité d’avoir une confortable assise financière dans un métier où les marges sont de plus en plus réduites (de l’ordre de 1,3%), les délais de paiement la règle et les risques pas toujours parfaitement maîtrisables. «C’est un métier tellement difficile qu’il faut être vraiment structuré et bien connaître le travail. Si vous trompez de dix centimes dans l’achat ou la vente, vous mettez à mal la marge de la semaine», analyse Egidio Savi. «Il ne s’agit pas de devenir gros pour devenir gros. Mais, il n’y a pas de secret: pour compresser les coûts et rester compétitifs, cela passe par les volumes», appuie Philippe Chazette,le responsable export de Coop de France.
Qu’en est-il des rapprochements à venir? C’est au sein des trois autres structures coopératives (Calexport,Charolais Acor et Sofrelim) que la tectonique des plaques pourrait être la plus importante. Sofrelim reconnaît discuter à la fois avec Calexport et Deltagro Union, sachant que l’opérateur du Limousin a déjà des accords commerciaux avec ce dernier pour la mise en marché de broutards limousins. Une discussion «à trois», explique Gérard Delage qui,si elle aboutissait,permettrait de «faire une belle unité limousine». Mais, insiste le directeur de Sofrelim, «il ne s’agit que de discussions». Rien n’est encore fait.
D’autant plus que des mouvements se dessinent également entre Calexport et Charolais Acor. Depuis le départ de CCBE, cette dernière structure n’opère plus que pour Socaviac. Mais, celle-ci s’est rapprochée de l’union de coopératives Global (qui exporte ses broutards via Calexport) et de la coopérative céréalière Epis Centre (groupe Axereal) pour former l’union Feder. «Dans un premier temps, nous avions envisagé de quitter Calexport pour rejoindre Charolais Acor, mais, actuellement, nous sommes en discus- sion pour voir s’il est possible de rapprocher les deux structures, indique Yves Largy, président de Global. Mais, si ces discussions n’aboutissent pas, nous quitterons Calexport comme nous avions prévu.» Du côté de Calexport, on confirme ces discussions, tout en précisant «que le contenu précis» d’un éventuel partenariat «n’est pas encore défini».
«Il y aura toujours de la place pour les petits au milieu des gros»
Quelle place dans ce contexte pour les plus petits opérateurs, notammentles négociants indépendants ? «C’estun débat récurrent au sein de notre fédération, reconnaît Hugues Beyler (FFCB). Les grands groupes ontleurs circuits et n’ontpas vocation à tout faire. Heureusement qu’ils sont là pour faire les flux. Mais heureusement qu’il y a aussi des petits commerçants détenteurs d’un savoir-faire qui leur a permis de continuer à approvisionner certains engraisseurs de taille plus modeste en Italie sans passer nécessairement par les grands groupes.» C’est le cas notamment des négociants du Sud-Ouest en relation avec des engraisseurs de la région du Piémonten Italie. «En Blonde d’Aquitaine, il faudrait se regrouper, mais, les gens ne sont pas prêts à cela. Ce serait pourtant l’avenir», regrette l’un d’entre eux qui commercialise environ 10 000 têtes. Les grands groupes privés ont également besoin des commerçants de premier niveau qui ont la connaissance des animaux disponibles en ferme et assurent la logistique du premier rassemblement. «Les petits négociants, nous en avons besoin, ce sont nos fournisseurs», assure Michel Fénéon, directeur d’Eurofrance. «Je ne me fais pas de souci pour les petits qui sont de vrais professionnels et des passionnés, ils auront toujours leur place au milieu des gros»,conclut Jean-Claude Crassat, président de la commission import– export de la FFCB.