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Le pâturage dynamique apporte précision et souplesse

Subdiviser en bandes ou en cases les prairies permet de mesurer facilement et précisément la disponibilité en herbe. Cette technique venue de l’hémisphère Sud permet d’accéder à un niveau supérieur de performances au pâturage.

Cette technique dénommée TechnoGrazing rend facile le pilotage du pâturage avec un haut niveau de précision.
Cette technique dénommée TechnoGrazing rend facile le pilotage du pâturage avec un haut niveau de précision.
© S. Bourgeois

Sous la dénomination de TechnoGrazing, cette technique de pâturage est maîtrisée et très répandue depuis une dizaine d’années en Nouvelle-Zélande, en Australie et aussi en Irlande. Les Français qui la mettent en oeuvre l’appellent pâturage de précision ou pâturage tournant dynamique. Elle repose sur le principe de la division des parcelles en petites surfaces élémentaires.

Il en existe deux formes : des couloirs de 25 mètres de large ou des cases dont la forme s’adapte aux contours de la parcelle. Pourquoi 25 mètres ? C’est ce qui fonctionne le mieux. Cela permet de calculer facilement la surface offerte aux animaux. Avec une clôture high tensile, un piquet est placé tous les 25 mètres, ce qui permet de cloisonner très facilement le couloir en unités de 6,25 ares (25 m x 25 m) soit 1/16e d’hectare. Cela permet aussi aux animaux de se répartir harmonieusement sur la surface offerte, en accord avec le fonctionnement social du troupeau. Une présence d’un jour par « case » est idéale pour des animaux à l’engrais. On peut aller jusqu’à trois jours de présence pour des vaches pleines, des animaux d’élevage, mais jamais plus longtemps. Cela pour ne pas entamer le potentiel des repousses et pour que les bovins ne commencent pas à trier les plantes. Cette organisation prévoit le retour des animaux sur la case ou le couloir, au printemps, au bout de 20 jours.


« Sur le plan agronomique, il n’y a rien de nouveau », explique John Bailey de Pature Sens, qui dispose d’une large expérience de cette technique. Le spécialiste se réclame de l’héritage d’André Voisin, agronome normand, dont le livre paru en 1957, Productivité de l’herbe, est toujours d’actualité.

80 À 100 euros par hectare

« L’apport des pays de l’hémisphère Sud par rapport à ces connaissances consiste en l’expérience acquise en trente ans. Elle rend facile le pilotage du pâturage avec un haut niveau de précision. »  À première vue, cela peut paraître compliqué et coûteux à mettre en oeuvre. Une première impression que les éleveurs qui se lançent dépassent très vite. « Si le virage psychologique que représente le pâturage tournant dynamique n’est pas à négliger, la mise en pratique s’est très bien passée. Tous les éleveurs sont enthousiasmés par leurs expériences et ils n’ont pas fini de progresser, raconte Matthieu Bessière, directeur de l’association départementale d’éleveurs des Deux-Sèvres. Il ne faut pas se lancer seul dans cette pratique, mais il faut être bien encadré » Un groupe de 22 éleveurs membres de l’Adeds, dont 14 élèvent des bovins viande, pratiquent cette technique depuis 2010. Grâce à une aide du conseil régional et l’achat groupé du matériel, le coût de la pose des clôtures et du système d’abreuvement reviennent dans le cadre de ce groupe entre 40 et 50 euros par hectare, pour une durée de vie de l’installation de 15 à 20 ans. D’une façon plus générale, il faut compter de 80 à 100 euros par hectare pour les clôtures et un système pour l’abreuvement. L’installation peut représenter une journée de travail par hectare environ, ou beaucoup moins s’il s’agit de simplement partager une parcelle en trois.

Adaptable à toutes les conditions

Le nombre de fois que les bovins prélèvent l’herbe dans l’année — et donc la production de la prairie — est beaucoup plus élevé qu’avec un système de pâturage classique tournant. En avançant régulièrement, de front, les bovins ne gaspillent pas l’herbe. Le piétinement régulier fait même l’effet d’un hersage. Les bouses et pissats sont répartis uniformément et à long terme, ils ont un impact sur la fertilisation beaucoup plus sensible que lorsque les déjections sont concentrées autour des points d’eau ou d’ombre de la parcelle. Les bovins se synchronisent à la rotation quotidienne, et s’appliquent davantage à pâturer pour combler leurs besoins nutritionnels. Le couvert des parcelles devient régulier et égal. Rapidement, le développement des bonnes fourragères est favorisé et les espèces indésirables perdent du terrain. « Le système peut s’adapter à toutes les conditions pédoclimatiques et à toutes les qualités de prairies, assure John Bailey. Quel que soit le potentiel des prairies, par rapport à un pâturage fixe, je peux avancer que cette technique permet d’améliorer d’au moins 30 % le rendement en matière sèche. Et grâce à la meilleure digestibilité des plantes — amélioration de la flore et stade optimum de pâture — les performances de croissance sont au moins doublées. »

Un pilotage facilité

L’un des avantages — peut être le plus important de cette organisation — est de faciliter pour l’éleveur l’anticipation des différentes périodes de pâturage. La vitesse d’avancement, la taille des cases ou couloirs et l’ajustement du nombre des animaux offrent de nombreuses solutions. Plusieurs autres avantages, indirects mais très intéressants, sont mis en avant par les éleveurs. Les animaux sont calmes, ils ne perdent pas d’énergie en déplacement. Ils sont faciles à surveiller. Le travail quotidien pour un lot d’animaux en place est très réduit car tout a été prévu pour. Le fait que les animaux avancent régulièrement fait qu’il n’y a pas de risque de détérioration de la prairie en cas de fortes pluies dans la mesure où les animaux ne restent qu’une journée sur une zone donnée. Et les éleveurs qui utilisent cette technique n’apportent pas d’azote minéral sur leurs parcelles pour ne pas ralentir les légumineuses et pour lisser le pic de pousse d’herbe du printemps. À partir du moment où on commence à mettre en oeuvre ce système, il faut en général trois à quatre ans pour vraiment bien le maîtriser. Mais dès la première année, les bénéfices sont évidents et importants.

A lire aussi dans le numéro de septembre de Réussir Bovins Viande p.96 : Dans les Deux-Sèvres, un groupe d'éleveursconvaincus

Adapter au plus précis la quantité d’herbe offerte aux besoins du lot


Les principes agronomiques sont classiques. Il s’agit de maximiser la photosynthèse en maintenant l’herbe au stade feuillu, et de conserver l’équilibre entre les graminées et les légumineuses. Pour ceci, il ne faut pas pâturer trop bas, ce qui prive la plante de photosynthèse, ni pâturer trop haut pour ne pas dégrader la valeur nutritionnelle de l’herbe. Une grande importance est accordée au respect du temps de repos nécessaire pour la reconstitution des réserves et le développement de la masse racinaire entre deux pâturages.

Le point de départ pour un élevage donné est une courbe de la production d’herbe en kilos de MS au cours de l’année, mois par mois, la plus proche possible de la réalité. Cette courbe peut être établie avec des données d’un observatoire de l’herbe, d’un organisme de conseil local notamment. Elle peut être ajustée en fonction des différents types de prairies de l’exploitation, et de leur évolution dans le temps. L’autre donnée de base sont les besoins en kilos de MS d’herbe des animaux selon leur poids et leur stade de lactation ou objectif de croissance. Ces deux données permettent d’établir un prévisionnel de l’organisation du pâturage à l’échelle de l’élevage pour l’année en constituant des lots et leur attribuant des blocs de parcelle.

L’objectif est de faire pâturer chaque unité à partir du moment où il y a 2 200 kg MS par hectare, jusqu’au moment où il y a 1000 kg MS par hectare. Les repères peuvent aussi être de pâturer de 2700 à 1200 kg MS par hectare. Pour évaluer la quantité de matière sèche disponible, parmi les nombreux outils et techniques qui existent— du trait tracé sur la botte aux outils à détection infra-rouge placés derrière un quad — John Bailey de Pature Sens place en tête de palmarès l’oeil de l’éleveur et le comportement des animaux. En pratique pour débuter, les éleveurs traduisent souvent ces données en hauteur d’herbe d’entrée et de sortie de parcelles. L’idéal est de commencer avec une prairie comportant déjà des légumineuses.

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