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Reprise après l'épisode de FCO
Le marché des broutards en attente de la Turquie

Après le trop-plein lié à la réouverture des marchés à l’export, les flux commerciaux de broutards se sont stabilisés. Mais seul le retour de la Turquie peut redynamiser les cours.

Tout semblait si bien parti. La commercialisation des broutards avait pris de l’avance grâce à la Turquie et les prix restaient à des niveaux plus élevés qu’en 2014. Et puis il a suffi que ce fichu moucheron relance un épisode de FCO pour que tout s’effondre. À la reprise des flux commerciaux à partir de la zone réglementée, début novembre, après presque deux mois de blocage des exportations, le marché a été vite saturé. « Nous avons été surpris, affirme Benoît Albinet, de Deltagro Union. Nous ne pensions pas que les animaux seraient vaccinés aussi rapidement. Tout est arrivé d’un coup, y compris les femelles et les Limousins. » « Au cadran d’Ussel, les deux premières semaines, nous avons reçu 800 têtes au lieu de 500 habituellement », explique Baptiste Galland, directeur. Et, comme un malheur n’arrive jamais seul, l’annonce intempestive de l’OMS sur un supposé risque cancérigène de la viande rouge a cassé l’élan de la demande des engraisseurs italiens, qui étaient pourtant sur les starting-blocks pour remplir leurs ateliers. « En France, l’emballement médiatique est vite retombé. Mais en Italie, les médias en ont beaucoup parlé, poursuit Benoît Albinet. Pendant trois semaines, la consommation a chuté, les abattoirs tuaient moins de bêtes et les engraisseurs ont différé leurs achats de maigre. » Le recul des prix a été brutal. Ils sont retombés au niveau de 2014.

Le marché suspendu aux négociations sanitaires

Début décembre, les flux étaient redevenus à peu près normaux en Charolais et races rustiques. Dans le bassin Limousin, le marché était encore assez chargé, ce qui correspond aussi à une période où les sorties sont plus importantes. Dans le Sud-Ouest, qui a conservé en grande partie son statut de zone indemne, les ventes de broutards se sont accélérées en octobre par crainte d’une progression rapide de la FCO et de la fermeture du marché. Pour les broutards blonds d’Aquitaine, l’impact sur le prix a été limité car ce marché dépend essentiellement de l’Italie. En revanche, les veaux gascons ont profité du marché turc, étant quasiment les seuls à pouvoir le satisfaire et correspondant bien à la demande en termes de poids (moins de 300 kg). Les prix sont restés proches de ce qu’ils étaient avant la fermeture du marché en zone réglementée.

Début décembre, aucun opérateur ne se hasardait à faire des pronostics pour les semaines et mois à venir, du moins tant que les négociations sanitaires pour rouvrir le marché turc à la zone réglementée n’aboutissent pas. Tous s’accordent à dire que sa réouverture est indispensable pour retrouver de bons niveaux de prix. La Turquie a absorbé 79 300 têtes sur les neuf premiers mois de l’année, sur un total de 775 000 animaux maigres de plus de 80 kilos exportés par la France. Soit à peine moins que l’Espagne et à ses dépens (les exportations ont reculé de 13 %), alors que l’Italie était stable.

« Les Turcs sont friands de la marchandise française »

Il y a un an, lorsque le marché turc s’est ouvert, beaucoup étaient sceptiques sur les capacités de la France à satisfaire ses exigences, aussi bien en termes de poids que de prix. Mais les clients turcs ont très vite pris goût aux broutards français et n’ont pas trop hésité à mettre la main à la poche : « Ils sont friands de la marchandise française, assure Michel Fénéon, d'Eurofrance. Même si elle est plus chère que celle d’Uruguay ou d’ailleurs, ils ont compris qu’ils auront une croissance plus élevée et une viande de qualité supérieure ». Quant aux naisseurs français, ils se sont adaptés pour fournir des mâles de moins de 300 kilos. « Des producteurs qui, traditionnellement, vendaient des veaux de 400 kilos destinés à l’Italie les ont sortis à 280 kilos pour la Turquie parce que le prix était là. Par rapport à ce qu’on aurait pu offrir pour le marché italien ou français pour ce poids-là, ils valaient 100 à 150 euros de plus et partaient autour de 900 euros », explique Benoît Albinet. La sécheresse estivale a été une incitation supplémentaire. « Le secteur de la viande bovine est rentable en Turquie et les engraisseurs font preuve d’un professionnalisme qui n’a rien à envier aux Italiens. Ils construisent des unités d’engraissement de 10 000 à 15 000 places, poursuit le directeur commercial de Deltagro Union. C’est le pays qui donne le plus de perspective. » Les veaux arrivent en Turquie entre 4 et 4,5 euros du kilo et les babys se vendent autour de 8 à 9 euros du kilo carcasse.

La Turquie, une nouvelle « petite Italie » ?

La Turquie pourrait être une nouvelle « petite Italie ». Mais le débouché n’est pour l’instant pas pérenne. Le moindre soubresaut sanitaire ou géopolitique peut le refermer brutalement. « Il est important que le marché turc rouvre rapidement parce que nous risquons de perdre des parts de marché, s’inquiète Michel Fénéon. Les importateurs turcs essayent d’ouvrir de nouveaux marchés parce qu’ils ont des besoins immédiats à satisfaire. Et nous avons raté une période de forte activité. Nous aurions pu faire 100 000 têtes cette année s’il n’y avait pas eu la FCO. » Mais, avertit le directeur commercial d’Eurofrance, « si nous n’avons pas des accord sanitaires clairs, nous ne pourrons pas prendre le risque que des animaux mis en quarantaine ne puissent plus partir, du jour au lendemain, pour des questions de zonage ». C’est ce qui arrivé lorsque la FCO a été déclarée le 11 septembre. Michel Fénéon évalue à 20 000 le nombre d’animaux qui étaient en quarantaine, dont la moitié n’ont pas pu partir vers la Turquie. Ils ont perdu de 25 à 30 % de leur valeur commerciale, occasionnant des pertes financières importantes chez les opérateurs commerciaux. « Il faudra également régler le problème du port de Sète, qui est en zone réglementée », ajoute-t-il. Les petits nombres de broutards qui partent encore en Turquie à partir des zones indemnes, sont transportés par camions, directement vers la Turquie ou jusqu’en Italie pour embarquer sur des bateaux. « Nous avons un débouché à portée de main, mais la clé n’est pas toujours facile à avoir », résume Benoît Albinet.

« Un sentiment d’écœurement »

Tous nos interlocuteurs déplorent la façon dont a été gérée la nouvelle crise sanitaire, en particulier la « complexité du schéma de décision ». « En Espagne, l’inactivité vectorielle a été déclarée le 1er décembre et, en France, on se pose encore des questions », s’agace Benoît Albinet. « La filière négoce a fait beaucoup d’efforts pour trouver de nouveaux débouchés et, du jour au lendemain, ils sont fermés, se désole Martial Tardivon, directeur du marché au cadran de Moulins-Engilbert, dans la Nièvre. Les conséquences du protocole sont vraiment excessives par rapport au risque sanitaire encouru. Il y a un sentiment d’écœurement dans toute la filière comme je n’ai jamais vu. » « Il faut aller vers un déclassement de la maladie et apprendre à vivre avec », ajoute Michel Fénéon. La France semble vouloir porter la demande au niveau européen. Mais le chemin sera certainement très long.

Le contingent algérien dilué sur plusieurs mois

La foire d’empoigne du 1er de l’an pour accéder au contingent tarifaire algérien n’aura pas eu lieu cette année. Les cinq mille tonnes à droits de douane nuls vont s’étaler sur plusieurs mois suite à la modification des conditions d’accès. Les volumes d’animaux seront accordés aux importateurs sur des critères et une durée qui restaient à préciser (historique des importations...). Habituellement, plus de 10 000 têtes devaient être expédiées entre Noël et le 1er de l’an, le premier arrivé étant le premier servi pour la détaxe. Ce qui bloquait le marché pendant plusieurs mois et déstabilisait la filière viande algérienne. Désormais, les exportations seront plus fluides. Mais il n’y aura plus l’effet booster sur les prix des broutards lourds en décembre et janvier, qui dynamisait le marché italien. D’autant plus que l’Algérie a divisé par deux ses importations d’animaux à engraisser en 2015 (8 200 têtes sur les huit premiers mois) par rapport à l’année précédente. La chute du prix des hydrocarbures est passée par là. Quant aux pays voisins, si les exportations vers la Tunisie se sont bien reprises en 2015, vers le Maroc, « elles ont quasiment disparu, même à partir de l’Espagne », indique Benoît Albinet.

Avis d’expert

« Les bienfaits de la quarantaine »

« La mise en quarantaine des broutards est contraignante et risquée, mais elle a un effet bénéfique au niveau sanitaire. Pour la Turquie, nous testons la BVD et l’IBR et nous déparasitons les veaux. Nous éliminons ainsi fortement les risques respiratoires. La BVD a un effet désastreux et nous coûte cher. En Italie, quand il y a de gros problèmes dans un lot d’animaux, il y a presque toujours un veau IPI. Il n’est pas normal qu’un veau IPI puisse être vendu. Cette préparation est une vraie amélioration du produit. Les garanties sanitaires font partie des marges de progrès que nous pourrions mettre en œuvre. Si nous pouvions garantir qu’un protocole de vaccination contre les maladies respiratoires a été réalisé et avoir une masse critique d’animaux ainsi préparés, nos clients italiens seraient prêts à le payer. » 

Benoît Albinet, directeur commercial de Deltagro Union

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