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Viande bovine
La vente directe pour dialoguer et mieux valoriser

Meilleure valorisation de ses animaux et dialogue avec le consommateur semblent être deux des principales motivations qui poussent à opter pour la vente directe de viande bovine. C´est ce qui ressort de l´enquête menée par la revue Réussir Bovins Viande.


Une activité récente qui ne concerne qu´une fraction des femelles de boucherie nées sur l´exploitation ; un conditionnement en caissettes de 10 kilos réalisé par un prestataire de service ; un prix de vente autour de neuf euros pour les particuliers qui viennent chercher leur colis directement sur l´exploitation... Voilà succinctement résumées les grandes tendances qui se dégagent des résultats de l´enquête sur la vente directe que Réussir Bovins Viande avait proposée dans son numéro d´octobre 2002. Bien entendu, les résultats présentés ne sont pas forcément représentatifs de ce qui se passe sur le territoire français, puisque statistiquement ils ne concernent qu´un nombre limité d´exploitations. Il s´agit cependant de données qui permettent de dégager quelques grandes tendances à propos d´une pratique qui, indéniablement, fait des émules tant auprès des éleveurs que des consommateurs. D´ailleurs cette enquête confirme les données provenant d´une autre étude réalisée sur ce sujet par les réseaux d´élevage des Pays de la Loire et des Deux-Sèvres auprès d´éleveurs de cette même zone géographique.
©F. d´Alteroche


Mais mieux qu´un survol, les résultats de cette enquête méritent une analyse approfondie. Contrairement à d´autres produits comme les fruits et légumes, le fromage ou bien encore le vin, le fait de vendre au moins une partie de sa production directement auprès du consommateur de façon à court-circuiter le plus possible les intermédiaires est une pratique récente en matière de viande bovine.

D´abord améliorer la valorisation des animaux
La plupart des éleveurs qui ont répondu ont démarré cette activité en 2000 ou 2001. La crise et ses conséquences en matière de baisse du prix de vente des animaux ont été le facteur déclenchant. Les éleveurs ayant opté pour cettte pratique sont donc de plus en plus nombreux. Ce qui ne manque d´ailleurs pas d´en inquiéter certains. Les « vieux routiers » de la vente directe ne voient pas toujours d´un bon oeil la multiplication du nombre d´éleveurs qui, au cours de ces derniers mois, ont cherché à prendre place sur le marché. De plus, l´inquiétude liée à l´épisode ESB s´estompe progressivement dans l´esprit du consommateur qui, du coup, a tendance à devenir moins réceptif aux arguments développés par les éleveurs.
La première volonté affichée dans la plupart des réponses aux questionnaires est logiquement celle d´améliorer le niveau de valorisation de ses animaux dans un contexte de mévente du bétail de boucherie et notamment des génisses lourdes. Cette donnée ne constitue pas vraiment le «scoop» de l´enquête mais demandait à être confirmée. En revanche, de nombreuses réponses font mention de la volonté de pouvoir être en prise directe avec le consommateur à des fins de dialogue.

Le principal à être visé est le consommateur résidant dans des centres urbains auprès duquel beaucoup cherchent à revaloriser l´image du métier d´éleveur, soumis à de nombreuses attaques ces dernières années. Il y a là le désir d´expliquer la finalité de son métier et de satisfaire les besoins d´information des consommateurs. Mais l´ambition est aussi d´aller au-delà du seul métier de producteur de matière première. Il s´agit de conjuguer « le plaisir de vendre soi-même son produit et d´être à l´écoute de ses clients ». Certains éleveurs ont d´ailleurs contribué à redresser la courbe des niveaux de consommation de viande bovine. Une partie de leur clientèle qui avait cessé d´acheter de la viande a repris goût à cette dernière grâce à la vente directe.

« Le contact avec la clientèle est très intéressant. Il est agréable de pouvoir parler de sa production à des gens qui ne connaissent pas le domaine agricole. On ressent bien leur inquiétude. C´est aussi notre devoir de les rassurer quant à l´alimentation donnée au bétail », explique un jeune éleveur de l´Allier en Gaec avec un troupeau de 140 Limousines et Charolaises. «Avant même l´intérêt financier, c´est l´intérêt des consommateurs pour notre viande qui nous pousse dans ce mode de commercialisation. L´intérêt financier, on le trouve surtout dans la vente à prix fixe quel que soit le cours de la viande sur les marchés», précisent deux jeunes éleveurs en Gaec avec 40 Blondes d´Aquitaine en Dordogne.

Etre plus indépendant des circuits habituels
La volonté de pouvoir s´affranchir des habituels circuits de commercialisation des animaux gras pour au moins une partie de sa production est aussi fréquemment mise en avant. « C´est très agréable d´aller jusqu´au bout de la chaîne et d´avoir une certaine autonomie pour la commercialisation », expliquent deux frères en Gaec avec un troupeau de 150 Limousines en Dordogne.
Vendre soi-même sa production demande aussi à avoir un produit qui soit toujours proche de la perfection. Un client déçu est généralement un client perdu. « L´important est la satisfaction de nos clients sur la qualité de nos produits et pour cela nous avons de nombreux retours d´informations. Avant, la bête partait à l´abattoir. Elle nous était payée et cela s´arrêtait là. Mis à part son poids de carcasse, on ne savait jamais si elle avait été tendre et goûteuse... », expliquent des éleveurs de Charolais en Gaec dans les Ardennes.

D´autres réponses mettent également en avant une meilleure valorisation du produit afin d´envisager l´installation d´un tiers sans pour autant avoir à jouer la carte de l´agrandissement ou de la diversification en mettant en place une production complémentaire. Mais s´il est toujours gratifiant de pouvoir mettre soi-même en avant son produit auprès du consommateur, ce n´est pas pour autant que cette nouvelle façon de commercialiser a incité les éleveurs à accroître la proportion d´animaux finis. Seuls 29 % d´entre vous ont modifié leurs pratiques en engraissant quelques animaux supplémentaires.
La part des animaux nés sur l´exploitation puis valorisés par la vente directe reste modeste. 46 % des éleveurs qui ont répondu écoulent par ce biais moins du quart des animaux gras produits. Le choix de ceux qui seront orientés vers la vente directe aux dépens des circuits traditionnels correspond le plus souvent à des animaux de haut de gamme tels que l´on en rencontre dans les créneaux de viande rouge de qualité.

Les génisses et les jeunes vaches plébiscitées
Parmi les catégories de gros bovins plébiscitées, les génisses et jeunes vaches arrivent largement devant les boeufs, les vaches de réforme et surtout les taurillons puisque seulement deux des 51 éleveurs qui ont répondu proposent ces derniers en vente directe. Veaux de lait ou veaux rosés type veau d´Aveyron sont en revanche fréquemment proposés. Tradition et savoir-faire en matière de technique de production oblige, ce sont des éleveurs situés dans un grand quart sud-ouest de la France qui proposent le plus souvent ce type de marchandise même s´il n´y a rien de systématique à cela. Pour compléter cette gamme, deux éleveurs vendent également de la viande de broutards.

Entre la production de l´animal et la vente de sa viande, la découpe de la carcasse mais aussi la préparation et le conditionnement des différents muscles est majoritairement confié à un atelier de découpe prestataire de services dans la mesure où ce type d´entreprise n´est pas trop éloigné du siège de l´exploitation. Mais 20 % des éleveurs de l´enquête ont choisi de travailler la viande dans un atelier mis en place sur leur exploitation. Parmi les autres possibilités en matière de découpe, vous nous avez également cité la transformation par le biais d´un atelier en GIE, mais aussi la création d´une SA regroupant une trentaine d´éleveurs employant un professionnel de la découpe. Le dernier cas de figure envisagé concerne le travail à façon de la carcasse par un boucher détaillant. Enfin un éleveur a indiqué que ses génisses étaient vendues directement en quartiers non désossés, avec comme conséquence un nombre de clients relativement limité pour chaque animal (une dizaine).

Le colis type est une caissette de 10 kilos
92 % des questionnaires retournés font état de la vente de colis composés d´un assortiment des différents muscles de l´animal. Cela n´empêche pas certains de vendre à part des muscles bien particuliers (filet...) ou parties de l´animal (langue, abats) qu´il est difficile de diviser dans des proportions équitables pour que chaque colis vendu en contienne une partie. D´autres éleveurs proposent à leurs clients de faire transformer des muscles à braiser ou à bouillir de façon à ne pas être confrontés à une accumulation massive de pot au feu au fond du congélateur tandis que les biftecks et autres entrecôtes disparaissent en quelques semaines. Réalisée dans l´atelier prestataire de services ou sur celui de l´exploitation, les muscles de seconde catégorie sont alors transformés en viande hachée, saucisses, merguez. Certains (plus rares) se sont aussi lancés dans la préparation de plats cuisinés et proposent par exemple à leur clientèle des pots de boeuf bourguignon prêts à réchauffer.

Les colis proposés sont d´un poids très variable. L´échantillon varie dans une fourchette extrême comprise entre 3 et 35 kilos mais cependant, le plus souvent comprise entre 5 et 15 kg alors que le colis type est de 10 kg. La viande est quasiment toujours vendue fraîche et empaquetée sous vide prête à être placée au congélateur. Beaucoup en profitent pour proposer d´autres produits issus de la ferme comme poulets, lapins, pigeons, canards gras... mais aussi viande ovine et porcine, chevreaux, lait, oeufs, fromage de chèvre, brioche, noix, et encore cidre et autres pommeau, poiré, jus de pomme sans oublier l´incontournable calvados.
Pour arriver à se faire connaître, le bouche à oreille rend bien des services, mais certains jugent cette méthode moins efficace en ville qu´à la campagne. Parmi les autres moyens, les éleveurs citent les prospectus dans les boîtes aux lettres, le porte à porte, les cartes de voeux, la participation à des marchés fermiers ou à des foires commerciales mais aussi l´organisation de journées ferme ouverte, la mise en place d´un site internet sans bien sûr oublier le panneau mis bien en évidence sur la route qui permet d´accéder à l´exploitation.

L´importance et la localisation de la clientèle est ensuite très variable. Le nombre de clients varie entre 10 et 500. Quant à la localisation, il s´agit le plus souvent d´une clientèle de proximité. 55 % des réponses font état d´une clientèle qui se situe dans un rayon d´une cinquantaine de kilomètres.
Sans en tirer de grandes conclusions, il faut noter qu´une clientèle de proximité est surtout le fait d´exploitations situées dans des zones d´élevages relativement proches de centres urbains même de moyenne importance.
Dans le même ordre d´idée ce sont plutôt les éleveurs des régions isolées qui livrent eux-mêmes la marchandise tandis que dans les zones plus densément peuplées, ce sont les clients qui se déplacent. Un certain nombre d´éleveurs ont donc investi dans un véhicule frigorifique pour effectuer le transport. Il peut s´agir d´achat individuel mais aussi à plusieurs ou de véhicule de location. A signaler l´existence de frigos qui entrent dans des voitures fourgonnettes.

La vente directe demande un surplus de temps de travail
Autre aspect, la quasi-totalité des réponses soulignent le surplus de temps de travail. Comme bien souvent en agriculture, ce temps est rarement chiffré précisément et dépend du nombre de clients et de l´importance de cette activité. Ramené à l´animal vendu, il est fait état de 5 à 6 h lorsque la viande a au préalable été conditionnée par un atelier de découpe.
Opter pour la vente directe necessite donc du temps pour l´organisation de la vente mais aussi pour la relance de la clientèle. « Il faut systématiquement rappeler les gens. Ils ne commandent pas d´eux-mêmes », souligne P. R., éleveur de Salers dans l´Aveyron. « Faire de la vente directe demande beaucoup de travail supplémentaire et le temps qui y est consacré empiète sur le travail de l´exploitation notamment en période de vêlages et de fenaison », fait observer P. C. autre éleveur aveyronnais en Gaec de Limousines et de Blondes.
Autre point essentiel : avoir une exploitation propre, rangée et accueillante. « La vente directe exige une grande disponibilité et aussi un accueil et une propreté des locaux d´élevage et d´habitation irréprochables », souligne S. G. en Gaec avec 65 Charolaises sur les pentes du Mont Lozère.

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Cet article est extrait du Dossier de Réussir Bovins Viande de Janvier 2003 (nº90). Enquêtes, analyses, témoignages et données chiffrées: 22 pages sont consacrées à ce développement de la vente directe de viande bovine.
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