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Dossier
La vente directe à l'épreuve de la hausse des cours

La hausse des prix du bétail incite certains adeptes de la vente directe à délaisser ce mode de commercialisation. Un choix loin d’être unanimement partagé.

© F. Alteroche

La recherche d’une meilleure valorisation. D’après l’enquête que nous vous avions proposée dans notre numéro de juin, c’est la première des motivations qui a incité les adeptes de la vente directe à se lancer. Un résultat sans surprise. Il devient une évidence si l’on analyse le moment où leur activité a démarré. Près des trois quarts des éleveurs qui nous ont répondu se sont lancés en 2000, 2001 ou ces quatre dernières années, périodes de vaches maigres où les prix pratiqués dans les circuits habituels incitaient à chercher d’autres solutions pour mieux valoriser son bétail. « La pratique de la vente directe est une bonne alternative pour créer davantage de valeur ajoutée en assurant un revenu indépendant des fluctuations du marché », précise ce détenteur d’un double troupeau Aubrac et Montbéliard en Lozère.


Fierté de proposer le fruit de son travail


Si le prix est le premier argument, il n’est pas le seul. La légitime fierté de mettre en avant le fruit de son travail auprès du consommateur revient fréquemment dans les commentaires. « C’est un travail très lourd. Sur notre ferme (40 Limousines et Rouge des Prés sur 94 hectares), il s’est traduit par un gros temps plein supplémentaire. Mais c’est gratifiant pour le contact avec la clientèle », précise un éleveur de Loire-Atlantique.


« J’adore le contact avec les clients. Le retour de leurs avis sur la viande est très constructif », ajoute un éleveur de Rouge des Prés du Maine-et-Loire. « Les gens n’achètent pas que de la viande, mais souvent des ‘racines’. Il faut savoir prendre le temps d’échanger avec les clients », poursuit un éleveur de Blondes d’Aquitaine des Ardennes. La progression du nombre d’éleveurs ayant choisi d’écouler au moins une partie de leur production par ce biais suscite des craintes. « Nous sommes dans une zone d’élevage (Deux-Sèvres). Il nous est difficile de développer la clientèle car dans la plupart des communes alentour, il y a au moins un éleveur qui pratique ce mode de commercialisation. Cela restera forcément pour nous une activité limitée en volumes.


» Plusieurs réponses font état de relations tendues avec les artisans bouchers, en particulier lorsque ceux-ci exercent à la campagne avec toutes les difficultés liées à la raréfac- tion du nombre d’abattoirs. Dans la mesure où la composition et le poids des caissettes n’est pas rigoureu- sement identique, il est délicat de faire une analyse comparative détaillée des prix pratiqués. De plus certains éleveurs livrent leur production à domicile tandis que pour d’autres c’est le client qui vient sur l’exploitation. Pour donner une échelle de grandeur, les chiffres oscillent entre 8,5 et 16,40 € du kilo pour des colis de viande rouge et entre 12,5 et 17 € pour le veau. La fourchette haute correspond à des colis à forte proportion de muscles à griller. Les tarifs les plus élevés nous été communiqués par une exploitation des Alpes de Haute-Provence. Elle livre dans un rayon de 200 kilomètres autour de l’exploitation, des colis d’un assortiment imposé des différents muscles. Ceux de 8 kilos de veau de lait sont à 17 € le kilo. Ceux de viande rouge (bœuf ou génisse) à 14,50 euros le kilo par unité de 13 kilos. Et ces éleveurs de préciser qu’il n’y a pas une grande densité d’élevage sur leur zone en rappelant également qu’ils ont la chance d’être à proximité de la Côte d’Azur et de sa clientèle à bon pouvoir d’achat.


Cesser la vente directe ou continuer, les avis sont partagés


À l’opposé, un éleveur de Blondes du Maine-et-Loire regrette que la concur- rence accrue entre éleveurs dans sa région soit peu favorable aux tarifs pour les producteurs. D’autres dénoncent des pratiques illicites ou l’utilisation d’ani- maux âgés ou insuffisamment finis. Elles tirent les tarifs vers le bas, ne contribuent pas à véhiculer une bonne image du produit et n’incitent pas la clientèle à revenir. « On ne plume les pigeons qu’une seule fois ! », rappelle avec humour un éleveur du Périgord. Un peu plus de 60 % des éleveurs qui ont répondu à notre enquête estiment à des degrés divers que la crise économique pénalise leuractivité : les commandes s’espacent, les colis sont achetés à condition qu’ils soient plus légers et il existe des sommes « butoirs » à ne pas dépasser, à savoir les seuils clés de 80, 100 ou 150 euros.


À la question « L’amélioration du prix des bovins ces huit derniers mois vous a- t-elle conduit à revoir à la hausse vos tarifs ? », nous avons obtenu 56 % de réponses négatives. Toujours côté tarifs, cette hausse du prix des bovins a parfois incité à cesser la vente directe. « Avec du recul, nous n’avons trouvé que des inconvénients. Entre les coûts d’abattage, de découpe, la mise en colis, la publicité, la location d’un véhicule frigorifique et les kilomètres parcourus, il ne nous restait guère plus de 50 à 100 € par bovin. Avec en plus des clients parfois peu aimables ! Nous avions augmenté nos prix d’environ 10 % pour suivre la conjoncture. Nous avons fini par arrêter », explique un éleveur de Limousines et Charolaises de Côte d’Or qui vendait ses caissettes 11 €/kg par 10 kg et 13 €/kg par cinq.


D’autres semblent prêts à emboîter le pas. « Je n’envisage pas de développer la vente directe pour l’instant. Avec les cours actuels, le travail et le temps passé ce n’est pas suffisamment rémunérateur. Et avec les prix que d’autres éleveurs pratiquent près de chez moi (10 €/kg), il ne m’est pas possible d’augmenter mes tarifs », précise un éleveur de Limousines habitant près de Clermont-Ferrand. Cette éventualité de cesser la vente directe paraît totalement inenvisageable à d’autres. « On va augmenter le prix de nos produits pour suivre la hausse des charges. En tout cas, pas question d’ar- rêter. La vente directe a sécurisé notre système d’exploitation. (...) On est face aux réalités du marché dont beaucoup d’éleveurs se sont un peu trop déconnectés depuis que la mise en place des différentes aides compensatoires assurent une part importante du chiffre d’affaires de nos exploitations. Avec la vente directe, dès qu’un client est mécontent, le retour est immédiat. Il faut sans cesse s’améliorer si l’on veut progresser », explique un éleveur de l’Aude.

Dossier

Vente directe : trop peu de statistiques sur la viande bovine p.30


Dans les Pyrénées orientales : la Catalane, une coopérative de vente directe p.32


Jérôme Grauby et Carole Ivanes à Roquefeuil dans l'Aude : la question se poserait s'il fallait démarrer aujourd'hui

p.34


Chez Jérôme et Thibault Darras en Dordogne : plus de 100 bovins par an en colis de 8 à 15 kilos p.38


Faire connaitre son exploitation par internet p.42



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