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Il Tramonto en Uruguay, une « hôtellerie » pour bovins de 10 000 places

Le parc d'engraissement intensif Il Tramonto fournit le quota 481 à destination de l'Europe. Ce feedlot compense la forte réduction des prairies en Uruguay au profit des cultures.

Les parcs 
du feedlot sont regroupés tout autour des silos 
et bâtiment de stockage.
Les parcs
du feedlot sont regroupés tout autour des silos
et bâtiment de stockage.
© C. Coulon

Il Tramonto est l'un des plus grands parcs d'engraissement d'Uruguay. Il est situé à 65 kilomètres de la frontière argentine, à Mercedes, dans le département de Soriano. Ce feedlot, construit sur un terrain pentu pour éviter l'humidité des sols qui aggrave les problèmes sanitaires, propose aux éleveurs de tout le pays le service de résidence des animaux en finition, lequel est facturé en surplus du coût des rations. Ce système d'hôtellerie pour bovins inspiré du modèle argentin est nouveau en Uruguay où la majorité des animaux sont encore finis à l'herbe par leurs naisseurs. Mais la forte réduction des surfaces en prairie sous la poussée des cultures, ainsi que l'ouverture d'un nouveau quota européen d'importation de boeuf -- dit 481 -- issu spécifiquement d'animaux engraissés en enclos avec des rations à base de céréales et sous produits incite à opter pour une finition en feedlot. Ces deux facteurs expliquent la réussite d'Il Tramonto, créé en 2005 par deux investisseurs locaux visionnaires.
Le parc totalise 10 000 places et les animaux restent en moyenne un peu plus de trois mois en finition ce qui représente un total d'environ 30 000 têtes par an. C'est la bonne affaire car l'Uruguay a accès à de nombreux marchés d'exportation, sans taxe ni restrictions de volumes à la douane, contrairement à l'Argentine pour laquelle les autorités privilégient le marché intérieur.
Les propriétaires du parc, Martín Martinicorena et Fermín Peixoto, ont copié le modèle d'engraissement en enclos argentin, qui s'est lui-même inspiré dans les années 1990 du modèle nord-américain. Leur feedlot a pris de l'envergure dès 2008, suite à une grande sécheresse, quand le mauvais état des prairies du petit pays sud-américain ne permettait pas de recevoir l'offre surabondante de maigre.

Le double bénéfice d'une grande sécheresse et du quota 481


Leur deuxième opportunité fut l'ouverture en 2012 du quota 481, qui représente pour l'Uruguay 6 600 tonnes de boeuf par an. En effet, la moitié des animaux engraissés dans leurs enclos fournissent ce contingent qui intègre 17 morceaux, soit 180 kilos de carcasse, et dont les prix sont supérieurs d'environ 15 % aux prix moyens payés par les importateurs.
« Avec le boom des grandes cultures, les prairies d'Uruguay se sont réduites comme peau de chagrin, explique Daniel Miranda, le jeune gérant du feedlot. Elles ne suffisent plus à répondre à la demande des marchés d'exportation. Notre outil offre une solution alternative en transformant rapidement les broutards en bouvillons gras. »
Son emplacement proche de la frontière argentine est stratégique. Il Tramonto jouit en effet d'un marché intérieur du boeuf non régulé et ouvert sur le monde, ce qui se traduit par des prix forts, que la viande soit exportée ou non.
Cerise sur le gâteau, l'Argentine lui fournit du maïs aux trois-quart de sa valeur internationale du fait de la taxe de 27 % sur les exportations argentines de maïs. Il Tramonto achète aussi aux industriels argentins un résidu de maïs issu de la transformation en éthanol de cette céréale. Cependant, ce sous-produit reste plus cher qu'aux États-Unis où l'industrie de l'éthanol produit des volumes tels que les prix s'en ressentent.


En cent jours, les animaux prennent 160 kilos


« Nous recherchons sans cesse la formule alimentaire idéale, de qualité optimale et la moins chère possible, résume Daniel. Les animaux ingurgitent 11 kilos de matière sèche par jour. Ils entrent à l'« hôtel » à un peu moins de deux ans, autour de 360 kilos, et en ressortent cent jours après à 500-520 kilos. Quatre-vingt dix pour cent sont des mâles. La nouveauté, cette année, est que nous recevons des animaux toujours plus jeunes. En effet, il y a une offre importante de broutards et peu de prairies pour les accueillir. »
Cette grosse structure est bien huilée et a bonne réputation. Ce sont ses atouts. Mais elle reste exposée à la volatilité des cours des céréales, n'en produisant pas, et à celle des prix des animaux finis. Le mois dernier, le prix moyen du maigre en Uruguay était de 1,36 euro par kilo, tandis que celui du kilo carcasse était de 3 euros. « Nous avons une dizaine de clients réguliers, des éleveurs des départements des alentours, mais aussi des négociants en grains qui achètent des animaux maigres et nous les confient. Ils valorisent leurs céréales en les transformant en viande. Nous facturons le jour de pension 0,42 dollar par animal, en plus du coût de la ration, actuellement à 205 dollars la tonne, et des frais vétérinaires, détaille-t-il. Nous fournissons un abattoir situé à 300 kilomètres d'ici, proche du port de Montevideo. »

Rinaldo y confie ses animaux pour l'engraissement


L'éleveur Rinaldo Mazzilli est client du feedlot. Il confie ses animaux à Il Tramonto car « l'engraissement à l'herbe accaparerait trop d'espace sur mon exploitation ». Il préfère consacrer ces précieuses surfaces à son activité de naissage. « Et puis la main-d'oeuvre est chère », se plaint-il. Actuellement, il voue 25 % de la surface de son exploitation à l'élevage et 75 % aux cultures. Déléguer à un tiers l'engraissement de ses animaux simplifie la conduite globale de son système. Il Tramonto emploie 35 personnes en charge de l'administration, la préparation des rations, l'entretien des enclos, et la conduite du troupeau, dont une vétérinaire à plein temps, Verónica Chocho. Elle travaille en binôme avec Daniel Miranda, le gérant. Les pathologies les plus courantes découlent le plus souvent de problèmes digestifs liés à l'accoutumance à des rations très concentrées, en particulier l'acidose. « Ce sont le plus souvent des cas individuels. Par exemple, un animal qui mange trop quand la température chute. Ou des problèmes sanitaires sur les sabots liés à des animaux qui pataugent dans la boue. Cela dépend beaucoup du climat et du niveau des précipitations. »
Daniel Miranda se confie devant une grillade de boeuf dégustée dans un restaurant de Guayleguaychú, du côté argentin de la frontière où le boeuf vaut moitié moins qu'en Uruguay. « J'ai passé mon enfance au Québec », raconte-t-il dans un français avec un accent reconnaissable. Il est à l'aise dans cette entreprise qui n'est pas la sienne, même si la gestion du personnel lui pèse. Il fustige le consumérisme, le manque de responsabilité et le poids excessif des syndicats, trois facteurs selon lui à l'origine de ces problèmes de personnel. Il assure que « le feedlot va s'imposer en Uruguay comme il l'est en Argentine, à cause de la valeur ajoutée de la viande de feedlot, maintenant reconnue par l'Union européenne. »

En savoir plus

 

Trois pays d'Amérique du Sud figurent parmi les dix premiers exportateurs mondiaux de boeuf : le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay. L'Amérique du Sud s'affirme ainsi comme la boucherie du monde.


En 2012, le Brésil a exporté 1,8 million de tonnes de boeuf ; l'Uruguay, 380 000 tonnes ; le Paraguay, 318 000 tonnes ; l'Argentine, « seulement » 180 000 tonnes à cause de politiques favorisant l'approvisionnement du marché interne aux dépens du commerce extérieur.

L'une des caractéristiques de l'Uruguay est d'être à la fois un gros producteur et un gros exportateur de viande bovine. En 2012, il a produit 510 000 tec et 72 % de ces tonnages ont été exportés.

 

Il Tramonto en quelques chiffres :

. 690 hectares de surface, dont la moitié est occupée par 60 enclos
. 1 700 tonnes de capacité de stockage totale pour sept silos
. 4 camions utilisés pour l'approvisionnement en céréales et sous produits
. 2 broyeurs-mixers
. 2 distributeurs automates de rations

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