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DOSSIER
Guadeloupe : dynamiser la production bovine

L'élevage guadeloupéen est confronté à une problématique similaire à celui de la Métropole, liée à une érosion de la production. Pour autant, les modes de conduite des animaux sont bien différents.

© Infographie Réussir

6800 kilomètres de Paris, dans la mer des Antilles, la Guadeloupe est d'abord connue pour son climat tropical, sa végétation exubérante, ses paysages contrastés et ses plages de rêve. Sur le plan agricole, la réputation de ce département d'outre-mer est d'abord liée au sucre de canne, au rhum et aux fruits exotiques. L'élevage bovin est malgré tout bien présent. Il est exclusivement orienté vers la viande. Il n'y a pas ou plutôt il n'y a plus d'élevage laitier sur l'île.
Jusque dans les années soixante, la principale finalité des bovins guadeloupéens était leur force de travail pour transporter la canne depuis les champs jusqu'aux sucreries. La reconversion vers la viande est récente. Mais à la différence de la Métropole, l'une des particularités de l'élevage local réside dans l'existence d'une majorité de micro-cheptels. Près de la moitié des animaux sont détenus par des éleveurs le plus souvent doubles-actifs ou retraités possédant moins de 10 têtes.
« À la Guadeloupe, avoir des bovins c'est presque culturel, même si le nombre d'animaux détenus est parfois confidentiel », explique Firmin Lodin, président de l'Iguavie, l'interprofession locale(1).
Beaucoup de Guadeloupéens résidant à la campagne ou même en zones semi-urbaines ont donc quelques têtes de bétail. Leurs animaux sont conduits « au piquet ». Attachés deci-delà, à côté des maisons, sur les terrains vagues, le long des champs de canne à sucre, voire même sur les stades, ils font partie du paysage. Associés à quelques chèvres, elles aussi conduites au piquet et destinées à la production de viande, cela permet une parfaite utilisation de toutes les surfaces en herbe. Des micro-élevages exigeants en main-d'oeuvre pour abreuver les animaux une fois par jour, puis les attacher un peu plus loin afin de leur faire tondre un nouveau « rond » d'herbe. Ce mode de conduite ne correspond pas à une véritable logique de production au sens où on l'entend en Métropole. Ces animaux sont davantage assimilés à des « bovins tirelire » pouvant être vendus si un besoin urgent de trésorerie se fait sentir. Mais les détenteurs de ces « livrets A » sur pattes ne sont guère exigeants pour en optimiser le taux de rentabilité. Avec une conduite à l'économie minimisant les charges, les croissances de ces bovins excèdent rarement quelques centaines de grammes par jour et l'habituel ratio recommandé d'un veau par vache présente et par an est très loin d'être atteint.
Ces micro-élevages ne sont évidemment pas le reflet de l'ensemble des exploitations guadeloupéennes, mais compte tenu des effectifs qu'ils représentent, ils tirent nettement la moyenne vers le bas. À tel point que la vache allaitante guadeloupéenne ne ferait en moyenne qu'un veau tous les trois ans ! Une statistique qui ne veut pas dire grand chose compte tenu de la grande diversité de situation qui se cache derrière ce chiffre.
Une chose est certaine en revanche. Le nombre de ces « bovins tirelire » est sur la pente descendante. L'analyse du nombre de naissances selon le type de détenteurs confirme la restructuration en cours de l'élevage guadeloupéen. La baisse des naissances est particulièrement marquée chez les détenteurs de moins de 4 bovins alors que le nombre de naissances augmente pour les détenteurs de plus de 5 bovins. Cependant le petit nombre de détenteurs de plus de 5 bovins ne permet pas de compenser la chute enregistrée chez les petits détenteurs. Plusieurs raisons expliquent ces évolutions. Les jeunes Guadeloupéens aspirent à un mode de vie plus urbain que leurs aînés et nombre d'entre eux n'entendent guère opter pour la double activité. Une autre explication souvent avancée est une succession de mauvaises années chez les planteurs de canne à sucre. Or ces derniers associent l'activité sucrière à l'activité bovine. Le recours au « boeuf tirelire » a de ce fait pleinement été utilisé pour pallier les mauvais chiffres de l'activité canne, contribuant à décapitaliser une partie du cheptel.

Des poids de carcasses très modestes


Pour la commercialisation des animaux, la boucherie artisanale joue un rôle conséquent et la centaine de bouchers présents sur l'île achètent l'essentiel de leur approvisionnement directement aux éleveurs. La part restante est commercialisée en directe et par l'intermédiaire de la Sica Peba et la Sica Cap viande, les deux coopératives bovines locales. Ces dernières regroupaient l'an dernier 346 adhérents. Il s'agit globalement des producteurs possédant les plus gros troupeaux. « Le nombre moyen de vaches par éleveur adhérent à ces OP est de huit, alors qu'il n'est que de trois pour l'ensemble des détenteurs immatriculés du département », explique Elie Shitalou, directeur de l'Interprofession guadeloupéenne de la viande et de l'élevage (Iguavi)(1). Les poids de carcasse sont très modestes. D'après les statistiques de l'abattoir du Moule, la localité où se situe le seul abattoir de l'île, le poids de carcasse moyen toutes catégories confondues était de 239 kilos au troisième trimestre 2013.
À la Sica Cap viande, Thierry Maruejouls son directeur fait état, pour 2012, d'un poids de carcasse moyen de 170 kilos pour les génisses, 231 kilos pour les jeunes taureaux (moins de 3 ans) et 296 kilos pour les vaches. « Ces poids oscillent en fait dans une large fourchette, avec des extrêmes compris entre 100 et 500 kilos sachant que l'essentiel des carcasses de nos adhérents pèsent entre 200 et 300 kilos. »
Côté tarifs, les prix guadeloupéens semblent particulièrement attractifs eu égard aux poids et conformation, si on les analyse avec un oeil de métropolitain. En 2012 à Cap Viande, le prix moyen des jeunes bovins -- qu'il conviendrait plus logiquement d'appeler jeunes taureaux compte tenu de leur âge de mise en marché : moins de 3 ans -- était de 5,20 EUR du kilo carcasse. Ce chiffre était de 4,66 EUR pour les génisses et 3,70 EUR pour les vaches de réforme.

Forte érosion des tonnages en perspective


Malgré ces tarifs, les volumes produits ces trois dernières années sont sur la pente descendante et les perspectives ne sont guère reluisantes si les éleveurs ne se ressaisissent pas pour faire naître davantage d'animaux. L'évolution du nombre de naissances (notifiées à l'EDE) connaît une baisse significative depuis le milieu des années 2000. Une tendance devenue préoccupante, puisque ce chiffre est largement en-dessous de celui des abattages depuis 2010 à raison d'un différentiel d'environ 1 000 têtes par an. À l'échelle des effectifs guadeloupéens, si cette décapitalisation perdure, elle risque de mettre rapidement en situation délicate, la filière viande locale faute de volumes à traiter. Alors même que la demande intérieure n'est déjà couverte qu'à 30 % par la production indigène, cela risque de se traduire par un recours accru aux « importations ». Pourtant, la viande guadeloupéenne bénéficie d'une bonne image et ne peine absolument pas à s'écouler sur le marché local, que ce soit chez les bouchers ou dans la grande distribution où moult efforts ont été faits pour l'identifier et mieux la mettre en avant.
Pour compenser le déficit de production, la Guadeloupe « importe » près de 70 % de ses besoins. Malgré la distance et comme pour bien d'autres produits alimentaires, la viande bovine provient principalement de métropole.


L'urgence de dynamiser les volumes produits sur l'île


Toutes proportions gardées, le troupeau guadeloupéen est donc confronté à une problématique voisine de celle de la métropole malgré un système d'aides couplées propre aux départements d'outre-mer (voir page 26), qui, de l'aveu de nombreux éleveurs, est quand même incitatif. « Dans ces conditions, il est temps que les éleveurs guadeloupéens se retroussent les manches. Notre priorité, c'est de dynamiser les volumes produits sur l'île. C'est possible. Nous avons de grosses marges de progression si on travaille sur la productivité numérique des troupeaux », confirme Firmin Lodin, président de l'Iguavie.

Mise en place en 2004, l'Iguavie regroupe les acteurs des 8 filières de production animales présentes sur l'Ile (apiculture, aquaculture et élevages bovins, caprins, cunicole, porcins et avicole (oeufs et chair) ainsi que les six familles professionnelles du secteur de l'élevage (production, approvisionnement, abattage, transformation, boucherie et importation/distribution).

Pour en savoir plus

 

Voir dossier Réussir Bovins Viande de janvier 2014. RBV n°211, p. 20 à 33.

 

Au sommaire :

p. 26 - Un élevage bien soutenu
Programme d'aides dans le cadre du Posei

p. 28 - Des investissements pas toujours bien raisonnés
Sur l'île de Marie-Galante

p. 30 - Cap Viande mise sur la découpe
Coopérative bovine

p. 32 - « Oui l'élevage permet de gagner sa vie »
L'exploitation de Philippe Valcy à côté de Morne à l'eau sur Grande-Terre

p. 33 - « J'aime l'élevage »
Yves Annicette a repris l'exploitation familiale d'une dizaine d'hectares

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