FCO et MHE : considérer le « trio de choc » virus, bovin et culicoïdes
L’impact de la FCO ou de la MHE sur un troupeau dépend de nombreuses caractéristiques du virus, des bovins, et aussi des moucherons culicoïdes. Ce trio étant à géométrie variable, il est particulièrement difficile de prendre les bonnes mesures de gestion à l’échelle du pays. François Schelcher de l’École nationale vétérinaire de Toulouse et David Ngwa-Mbot de GDS France l’ont expliqué à l’occasion d’une conférence au Sommet de l’élevage.
Pourquoi dans l’élevage A, le passage du virus de la FCO a causé beaucoup de problèmes de santé sur les bovins et que dans l’élevage B, il n’y en a pas eu ou presque ? « Il faut prendre en considération le 'trio de choc' virus, bovin, vecteur », a insisté François Schelcher de l’École nationale vétérinaire de Toulouse lors d’une conférence au Sommet de l’élevage. Ce n’est peut-être pas seulement parce que les vaches sont moins bien nourries dans l’élevage A qu’elles n’ont pas résisté. Elles n’ont peut-être pas été contaminées par la même souche virale que dans l’élevage B. Et aussi, peut-être y a-t-il eu beaucoup plus de culicoïdes dans l’élevage. « Le vecteur est extrêmement important : s’il y a beaucoup de vecteurs, la quantité de virus inoculée est forte, et le risque d’avoir une maladie grave augmente », explique le chercheur.
Or virus, vecteur et bovin, sont tous trois à géométrie variable. Les virus EHDV de la MHE et BTV de la FCO sont des virus à ARN, ce qui leur confère des risques très élevés de mutation. Leur ARN segmenté leur octroie en plus un risque – faible – de recombinaison au sein d’un même organisme (ils s’échangent entre eux des segments de génome). « Cela aboutit à une extrêmement grande variabilité dans ces virus. »
Les insectes vecteurs pour la FCO et la MHE sont en fait une foultitude, mais classiquement, on y associe essentiellement les moucherons culicoïdes. Pour ceux-ci, un certain nombre d’espèces existent et sont plus ou moins actives à différentes périodes. « Il faut être très prudent sur la persistance du virus au sein des moucherons. On peut très aisément avoir des périodes où on a l’impression qu’il ne se passe rien, mais en fait la diffusion des maladies est juste occultée et elle reprend ailleurs plus tard », constate François Schelcher.
Des mutations extrêmement fréquentes
En combinant ces effets d’écologie des culicoïdes et d’immunisation des populations de bovins et ovins, la France est passée en situation endémique pour la FCO. « On ne s’en tirera plus. On observera des réintroductions successives de sérotypes ou bien, si un nouveau arrive, on observera pour celui-ci un cycle épidémique. »
« Pour la FCO, selon chaque sérotype, on ne peut pas prédire s’il va se diffuser un peu, beaucoup, ou pas du tout, ni s’il va avoir des impacts sévères ou pas sur telle ou telle espèce », enchaîne David Ngwa-Mbot, vétérinaire conseil chez GDS France. « C’est un peu le loto pour anticiper et bien doser les mesures de gestion. » Elles ne doivent pas être trop contraignantes si la maladie n’a pas d’impact fort sur la santé des animaux.
L’arrivée des nouveaux virus peut finalement se faire sur tout le territoire. « On a constaté de nombreuses fois depuis 2006 que l’arrivée des nouveaux sérotypes de la FCO s’est faite par l’Europe du Nord, mais d’autres sont arrivés d’ailleurs », fait-il remarquer. Le variant du sérotype 8 de la FCO a émergé dans l’Aveyron par exemple, et la MHE est arrivée par les Pyrénées.
L’immunité induite par une infection naturelle est spécifique du sérotype, « même si des éléments peuvent amener à considérer qu’une protection croisée, partielle et légère, entre sérotypes et avec la MHE existe », relève François Schelcher. La protection apparaît en quelques jours, est maximale trois semaines après l’infection et dure plusieurs années pour les BTV. On ne sait pas encore combien de temps pour le EHDV.
Enfin, la progression des différents virus sur le territoire est très variable et imprévisible. Le virus de la MHE gagne peu de terrain en France – la zone réglementée est en statu quo depuis décembre 2023, sûrement en lien avec la vaccination à partir de l’automne 2024 sur une bande de 50 km sur une diagonale du pays. « On constate aussi pour la MHE un gradient décroissant du sud au nord du pays, à la fois du nombre de troupeaux infectés et du nombre d’animaux infectés au sein d’un troupeau », note David Ngwa-Mbot.
La FCO1 cantonnée sur le sud de l’Espagne
Dans le nord de l’Europe, le BTV12, détecté pour la première fois fin 2024 aux Pays-Bas, n’a causé depuis que quelques foyers et ne semble pas s’être propagé hors du pays (à part un foyer au Royaume-Uni).
Le BTV1 en Espagne avançait relativement vite au cours de l’été et de l’automne 2024 en direction de la France, ce qui a motivé la mise en place d’une zone tampon de vaccination obligatoire le long des Pyrénées. Or depuis, ce sérotype reste cantonné officiellement sur la moitié sud de la péninsule ibérique pour le moment.
Dernière nouvelle en date sur le front de la FCO, le BTV5 a été détecté pour la première fois fin août 2025 sur des ovins dans le sud de la Sardaigne. Un second foyer a été confirmé un mois plus tard à une quarantaine de kilomètres. Il n’existe pas de vaccin pour celui-ci.
Densification de FCO en Bretagne et Normandie
En France, en été et automne 2025, on observe une reprise de la circulation des virus de la FCO essentiellement dans les régions du Nord-Ouest qui avaient été peu touchées l’année dernière, et notamment en Bretagne et Normandie. Une extension progressive s’opère vers les départements encore indemnes cette saison au nord et à l’est du pays, indique la DGAl dans le bulletin hebdomadaire de la plateforme d’épidémiosurveillance santé animale début octobre.
Par contre pour la MHE, début octobre, seulement deux départements étaient concernés par des foyers cette année : les Pyrénées-Atlantiques et la Sarthe.
En Belgique, la vaccination est obligatoire en 2025
Durant l’été et l’automne 2024, le virus de la FCO3 s’est propagé à très grande vitesse dans les troupeaux ovins et bovins belges avec de lourdes conséquences dans les exploitations. Parallèlement, le sérotype 8 de la FCO (BTV8) et la maladie hémorragique épizootique (EHDV) ont progressé depuis la France. Le ministre de l’Agriculture, David Clarinval, a décidé de rendre obligatoire la vaccination contre ces trois virus pour 2025. Un budget a été alloué pour alléger les frais financiers de cette vaccination (23,5 euros par bovin entièrement vacciné avant le 1er septembre 2025, à l’exception des veaux d’engraissement).
La recherche planche sur la gestion des culicoïdes
Le CGAAER a publié un rapport en juillet 2025 sur l’état des lieux des différentes méthodes de gestion des insectes vecteurs de maladies du bétail, dont les culicoïdes de la FCO et de la MHE. Aujourd’hui, seule la lutte chimique individuelle, c’est-à-dire adulticide au niveau d’un troupeau, est validée, et avec des limites (zones du corps mal couvertes, action courte). La recherche explore de nombreuses pistes.
La lutte environnementale, consistant à éliminer les gîtes larvaires, paraît illusoire étant donné leur nombre et leur variété. La lutte mécanique ne donne pas de bons résultats pour l’instant, car le piégeage est inefficace et l’éloignement difficile (les culicoïdes entrent dans les bâtiments). La lutte biologique n’est pas maîtrisée actuellement. La technique de l’insecte stérile (TIS) associée à d’autres méthodes (symbiose bactérienne, lutte biologique…) est prometteuse. Mais elle ne pourra pas être envisagée sur le terrain pour la prévention de la FCO et de la MHE avant cinq à dix ans selon le CGAAER du fait « du grand nombre d’espèces de Culicoïdes – une douzaine en France sur plus de 40 espèces identifiées –, leur démographie, leurs caractéristiques biologiques et la multiplicité des gîtes larvaires (milieux simplement boueux). »