Élevage bovins viande : « la médiation a sauvé mon installation »
Dans le monde agricole, les mésententes familiales entre associés, voire entre cédants et repreneurs, mettent en péril des installations. Une procédure de médiation peut parfois apaiser les choses. Cela a été le cas pour Bastien Cocaud, éleveur d’Angus en Loire-Atlantique.
Dans le monde agricole, les mésententes familiales entre associés, voire entre cédants et repreneurs, mettent en péril des installations. Une procédure de médiation peut parfois apaiser les choses. Cela a été le cas pour Bastien Cocaud, éleveur d’Angus en Loire-Atlantique.

« Tous les matins, j’allais à la ferme avec la boule au ventre », explique Bastien Cocaud, 32 ans, éleveur allaitant installé depuis cinq ans à Pannecé, en Loire-Atlantique. « Je savais que j’allais devoir me justifier de tous mes faits et gestes, que je devrais affronter des critiques, des regards pesants. Mon cédant aurait été un tiers, j’aurais vite trouvé comment faire cesser cela. » Mais le cédant de Bastien était son propre père, parti à la retraite en 2020 et resté sur la ferme dans la maison d’habitation. Impossible de couper les ponts : « Je voulais préserver notre relation. »
Un bouleversement mal vécu
« La ferme, c’était sa vie, sa passion, retrace Bastien. Moi, j’arrive pour le remplacer, après mes études, mes expériences à l’étranger et je bouleverse tout : je passe du lait à la viande, je convertis l’exploitation en bio, j’achète des Angus, je fais de la vente directe. » Le père de Bastien ne s’y retrouve plus et se met alors à critiquer tous les choix techniques et économiques de son fils : « Il me disait que le tout herbe était impossible, que je ne vendrais jamais ma viande… C’était difficile à vivre, alors que moi-même, jeune agriculteur, je n’étais pas toujours très sûr de moi. »
Épuisé par le temps passé à se justifier – « cela représentait au moins le tiers de mon temps de travail, depuis quatre ans ! », au bord du burn-out, Bastien parvient à convaincre son père de tenter une médiation : il souhaite sauver son installation et leur relation familiale. Tous deux entament un parcours qui va durer un mois et cinq séances auprès de Cécile Lalloué, médiatrice en milieu professionnel. Même si chaque cas est particulier, la situation que vit Bastien avec son père, c’est presque un schéma « typique » en agriculture pour cette médiatrice.
Même en famille, une installation se prépare
« Lorsqu’une installation se passe en famille, les futurs associés, ou futurs cédants-repreneurs, pensent qu’ils n’ont pas besoin de se poser pour discuter du projet et qu’il n’y a pas de raison pour qu’ils ne s’entendent pas bien », raconte Cécile Lalloué. Or, en réalité, il y a de multiples raisons de ne pas bien s’entendre : « Ils ne sont pas de la même génération, ils ne sont pas aux mêmes étapes de vie familiale, ils ne sont pas au même stade de carrière – l’un la termine, l’autre la démarre. » Un point sur lequel la médiatrice constate le plus de divergences entre générations dans le milieu agricole, c’est « la place du travail ».
« Au fond de lui-même, je crois que mon père est content que j’aie repris la ferme », confirme Bastien Cocaud. À la suite de la médiation, une solution a été trouvée : le déménagement de ses parents. Depuis, l’éleveur a retrouvé le chemin de ses parcelles et le plaisir de son métier. Et il n’hésite pas à partager son histoire, dans l’espoir de pouvoir aider d’autres jeunes installés confrontés aux mêmes problèmes.
Cécile Lalloué, médiatrice : « La médiation n’est pas une science exacte »

« La médiation a pour but de permettre de réinstaurer une communication entre personnes qui ne se parlent plus, ne s’écoutent plus. Je commence toujours par un entretien individuel avec chaque partie. Je prépare les personnes pour la rencontre commune. Ils ont souvent beaucoup d’appréhension. Je les rassure en leur disant que je serai là et que l’on pourra faire des pauses. Lorsqu’ils parviennent enfin à s’écouter, ils sont souvent surpris et disent « je ne pensais pas que j’avais fait autant de mal ».
La médiation n’est pas une science exacte. Je ne sais jamais à l’avance quelle sera la durée de la procédure – c’est en moyenne trois séances d’environ deux heures avec les deux parties –, ni quelle sera l’issue. Ce n’est jamais moi qui trouve la solution. Ce sont toujours eux. Et comme elle vient d’eux, je sais qu’ils vont s’y tenir. Ce que je sais aussi, c’est que lorsque les gens font la démarche de m’appeler, c’est déjà presque gagné. »