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Des vaches bien préparées au vêlage

La bonne santé du veau se joue déjà dans les deux mois précédant sa naissance. Les aliments distribués aux vaches en fin de gestation ont un effet déterminant sur le déroulement du vêlage, la qualité du colostrum, puis le démarrage de la lactation.

La fin de gestation est une période critique, où les besoins des vaches augmentent chaque jour. Deux mois avant le vêlage, ils sont supérieurs en moyenne de 1 UFL par jour par rapport à la période de mi-gestation, puis de 1,7 UFL par jour un mois avant le vêlage, et enfin de 2,5 UFL par jour au terme de la gestation. Durant le dernier mois surtout, la croissance du foetus est très importante : son poids double. La place disponible pour le rumen est réduite d’autant et l'ingestibilité diminue. Il faut favoriser une alimentation de haute qualité et très digestible pour la vache en fin de gestation. Et la ration doit, comme toujours, rester économe.

« Les apports alimentaires doivent être adaptés afin que les vaches ne s’amaigrissent ni ne s’engraissent pendant cette période », recommande le Dr Julie Renoux, vétérinaire conseil au GDS de l’Eure. Trop de mobilisation ou trop de prise d’état sont plutôt dangereux pour le déroulement du vêlage et la santé du veau, et en plus, ce n’est pas efficient sur le plan physiologique. « Pour reprendre les points de note d’état, il faudrait apporter plus d’énergie que ce qui a été économisé », explique Dominique Landais, nutritionniste au Clasel.

Les vaches allaitantes ont une forte capacité à "encaisser" des variations d'apports alimentaires, mais c'est à éviter. Souvent, des vaches qui maigrissent en fin de gestation sont des vaches qui s’épuisent. Si la vache perd plus de 5 % de son poids, le veau est plus petit à la naissance, la vache aura beaucoup de mal à assurer une lactation de qualité et une reprise de gestation ensuite. Si, à l’inverse, les vaches arrivent trop en état en fin de gestation, comme cela arrive parfois ces dernières années avec une herbe bien riche pendant l’automne, le passage pour le veau est réduit et la tonicité musculaire de la vache est handicapée. Il est possible en réagissant avant le dernier mois de mettre au régime des vaches trop en état en fin de gestation pendant au moins un mois. « Ceci aura aussi l’avantage de nettoyer le foie, qui sera plus opérationnel au moment du vêlage », observe Dominique Landais.

On peut retenir comme objectif une note d’état corporel au vêlage de 2 au minimum pour des vêlages en fin d’hiver, et au minimum 2,5 pour des vêlages d’automne ou de fin d’été. Certains élevages ont des vaches qui sont plus maigres toute l’année et vêlent un peu moins en état que cela, mais ce n’est pas la loi générale, et il est très difficile de maintenir les performances de reproduction et de taux de sevrage des veaux.

S’interroger sur les apports en oligoéléments et vitamines

Pour établir la ration des vaches gestantes, les recommandations de l’Inra sont déclinées en fonction de la race, du gabarit, et de la note d’état corporel. Les besoins en protéines sont de 90 g PDI par UF pendant les deux derniers mois de gestation. Pour que l'organisme fonctionne bien et que le métabolisme soit optimal, il faut un bon équilibre énergie-protéines. Si la vache n'ingère pas assez de protéines, l'énergie de la ration ne peut pas être utilisée. La vache se retrouve en déficit énergétique, s'amaigrit et part en stéatose : des acides gras non estérifiés commencent à s'accumuler dans le foie (en tant que gras), et nuisent à son fonctionnement. « Il y a un lien entre les protéines apportées dans la ration de la mère en fin de gestation et la richesse du colostrum en immunoglobulines, puis la richesse de son lait en protéines. Si le lait manque de protéines, la croissance du veau diminue et le dépôt de muscles est réduit à la faveur du dépôt de gras », explique Dominique Landais.

Les apports en oligoéléments et vitamines pour les vaches en fin de gestation nécessitent quelques précautions pour être efficaces. « Il faut avant tout bien équilibrer les fondamentaux - protéines et énergie - sinon les apports d’oligoéléments n'apporteront aucun bénéfice à la vache et à son veau », insiste Dominique Landais. Face à un risque d'interaction et de blocage par un excès de fer, de manganèse, ou pour des eaux de boisson trop calcaires, il conseille de choisir des oligoéléments sous une forme de chélates visant à ce qu'ils soient mieux assimilés par l'animal. « Les facteurs les plus importants sont le cuivre, le sélénium, la vitamine A et la vitamine E. Sont aussi à assurer les besoins en zinc, iode et vitamine D3. Enfin, il ne faut pas négliger phosphore, magnésium, sel, cobalt et manganèse », énumère Dominique Landais.

Comme on calcule une ration en fonction des caractéristiques moyennes d’un lot donné, plus ce lot est homogène, mieux les besoins de chacune des vaches peuvent être assurés, avec aussi des économies possibles à la clé. Il faut également comme toujours tenir compte du temps d'adaptation de la flore ruminale au moment du changement de ration : la ration nécessaire au moment du vêlage doit être introduite trois semaines avant la date prévue pour qu’elle soit bien assimilée le jour J. L’accès à la ration est aussi à vérifier pour être sûr que les vaches ingèrent bien ce que l’on croit qu’elles ingèrent.

Des analyses si on suspecte un défaut de préparation des vaches

Si on suspecte un défaut dans la préparation alimentaire des vaches au vêlage, par rapport à des événements sanitaires et/ou les pratiques de complémentation, des analyses planifiées avec le vétérinaire peuvent apporter plusieurs sortes d’informations. Obione propose par exemple un bilan « fin de gestation » qui balaie les différentes pistes à creuser dans cette situation. L’analyse se fait à partir du sang en mélange de cinq vaches qui doivent être choisies parmi celles qui n’expriment pas de symptômes, et qui sont à un stade physiologique homogène – les deux derniers mois de lactation pour ce qui nous intéresse ici - et à au moins quinze jours avant le vêlage. Les résultats sont extrapolés au troupeau entier à partir d’un modèle statistique. Ce bilan permet de connaître le niveau de couverture des besoins en oligoéléments. Il renseigne aussi sur le niveau de couverture des besoins en protéines alimentaires, par le dosage dans le sang des protéines totales, de l’albumine et de l’urée. « Le dosage de l’haptoglobine permet d’autre part de détecter un processus inflammatoire. Cela signe la circulation d’un pathogène, sans qu’à ce stade on en déduise davantage », explique le Dr Lionel Reisdorffer, président d’Obione. « L’investigation devra le cas échéant être poursuivie pour l’identifier (boiterie, circulation infectieuse BVD, ehrlichiose, fièvre Q, etc) mais toute vache en état inflammatoire aura un problème de synthèse du colostrum. D’autre part, quand une vache en fin de gestation présente un déficit en protéines ou un état inflammatoire, cela ne lui permet pas de mobiliser les réserves de vitamine A contenues dans son foie qu’elle a pu faire au pâturage. »

Cinquante-cinq à soixante pourcents des troupeaux pour lesquels Obione a pratiqué des analyses sur la dernière campagne présentent des carences en oligoéléments. Elles concernent souvent l’iode, le sélénium et le cuivre. « On a bien plus rarement qu’il y a quelques années des carences en sélénium très profondes, mais le niveau est cependant encore fréquemment insuffisant », analyse le Dr Reisdorffer. Le sélénium est un antioxydant, fondamental pour l'immunité. « Les carences en cuivre sont plus fréquentes qu’auparavant. C’est un élément qui n’attire pas beaucoup l’attention des éleveurs, mais qui pourtant cause, en cas de carence par exemple, des morts subites chez le veau. » Le cuivre est un cofacteur du métabolisme. Il existe aussi encore des carences en vitamines A sur 65 % des troupeaux analysés par Obione, que ce soit des carences primaires ou des carences liées à un défaut de mobilisation des réserves.

Pour évaluer le niveau de la couverture énergétique des besoins des vaches en fin de gestation, il est a priori satisfaisant de se baser sur le suivi de la note d’état corporel et sur l’aspect des bouses. « En théorie, mesurer la glycémie d’une vache allaitante permettrait d’évaluer si elle reçoit un bon niveau énergétique. Mais il y a une grande variabilité des résultats selon le moment de la journée, et les appareils portatifs de mesure ne sont pas très précis pour la glycémie (alors qu’ils le sont pour doser les corps cétoniques) », explique le Dr Reisdorffer. Les études(1) montrent que mesurer les corps cétoniques sur une vache allaitante en fin de gestation peut se faire pour évaluer une acétonémie subclinique. Le BHB (béta-hydroxybutirate) augmente lorsque les conditions nutritionnelles sont défavorables. " En pratique, quand on trouve un résultat anormal sur une vache allaitante, elle est déjà dans un état bien grave. Par contre, les acides gras non estérifiés (AGNE) sont un marqueur très précoce de la mobilisation des réserves corporelles des vaches allaitantes, qui peuvent alerter sur l’insuffisance des apports énergétiques en fin de gestation. Cette analyse se fait au laboratoire à partir d’une prise de sang. Il n’existe pas d’appareil portatif donnant satisfaction pour l’instant », observe Lionel Reisdorffer.

Enfin, le bilan alimentaire cations-anions de la ration (Baca), encore appelé bilan ionique, est une notion très peu pratiquée en rationnement pour l’élevage allaitant. « Il joue pourtant forcément un rôle et il faut y faire attention », estime Dominique Landais. Selon les proportions de minéraux dans la ration, il va être modifié. En toute fin de gestation, il doit être en faveur des anions, c’est-à-dire qu’il faut favoriser le Baca négatif (voir ci-dessous). « Les rations majoritairement composées d’herbe sont à risque pour le Baca des vaches allaitantes en fin de gestation. Il peut être ajusté par un apport de chlorure de magnésium durant les dix jours précédant le vêlage, conseille le Dr Julie Renoux. Ce dernier conseil est issu d'études réalisées chez la vache laitière, faute d'études sur vaches allaitantes, mais il n'y a pas de raison que leur fonctionnement soit différent. "

Pour les vaches allaitantes, on constate bien sûr moins de troubles liés à l'hypocalcémie que chez les vaches laitières. Mais, par exemple, un défaut de tonicité musculaire de la vache au moment du vêlage et une non-délivrance sont principalement liés à une hypocalcémie et une hypomagnésémie autour du vêlage. " Ceci peut être dû à un excès de calcium, et/ou une inversion du Baca avant le vêlage (rapport Ca/P est augmenté), et/ou une fonte graisseuse, et/ou un excès de protéines par rapport à l'apport énergétique ", explique le Dr Renoux.

(1) Pour en savoir plus : thèse vétérinaire de Hélène Crocco, 2017, École nationale vétérinaire d'Alfort : " Les profils métaboliques en élevage bovin allaitant ".
Bien équilibrer les fondamentaux – protéines et énergie – pour une bonne valorisation des oligoéléments

Un lien entre la propreté des vaches en décembre et la mortalité des veaux

Obione a assuré le suivi l’hiver dernier de cinquante élevages du bassin Charolais. Une note de propreté, allant de 1 à 5, a été attribuée aux vaches, de façon analogue au fonctionnement de la grille de propreté utilisée par la filière pour l’entrée à l’abattoir. « Nous avons observé que pour tous les élevages dont la note de propreté des vaches est dégradée au mois de décembre (note supérieure à 2,4), la mortalité des veaux a été supérieure à 5 % », analyse le Dr Lionel Reisdorffer, président d’Obione. Et de l’autre côté, 60 % des élevages qui, en fin de gestation, ont une note de propreté des vaches satisfaisante (inférieure à 2) ont une mortalité des veaux inférieure à 1,5 %. « Les élevages qui ont des vaches propres en fin de gestation se retrouvent plus souvent parmi ceux qui ont le moins de mortalité sur les veaux. C’est logique, car quand les veaux naissent dans un environnement contaminé, c’est un facteur de risque indirect de transmission des germes microbiens. Cela n’est pas assez pris en compte en élevage. »

Le Baca pour maîtriser le métabolisme minéral

Le bilan alimentaire cations-anions (Baca) est la différence entre les cations forts (sodium et potassium) et les anions forts (chlore et soufre). Il se calcule avec la formule Baca = cations - anions = (K + Na) - (Cl + S). Il s’exprime en mEq/kg MS (milliéquivalents par kilo de matière sèche de la ration). "Le Baca doit être faible avant vêlage (de -100 à 0 mEq/kgMS), contrairement à la période de lactation où il doit être élevé (supérieur à 150 mEq/kgMS) ", situe Dominique Landais, nutritionniste au Clasel.

En effet, en fin de gestation, il faut chercher une acidose métabolique. Un Baca négatif modifie l'équilibre acido-basique du sang vers l'acidité. " Les anions de la ration sont échangés contre du bicarbonate sanguin lors de l'absorption, d'où une diminution de pH sanguin. Mais il faut bien comprendre que cette acidose sanguine est sans rapport direct avec une acidose digestive, qui est due à un excès de glucides fermentescibles dans la ration ", explique le Dr Lionel Reisdorffer, d'Obione.

L’objectif du pilotage du Baca est la maîtrise du métabolisme minéral, principalement par augmentation de la réceptivité à la parathormone, hormone sécrétée lorsque la calcémie tend à baisser. Le Baca négatif est favorable à la libération de calcium par les os et à une meilleure absorption du calcium au niveau intestinal.

     

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