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Installation ou reprise
Des solutions à trouver pour la transmission du capital

Nous entrons dans les années où la rupture démographique sera la plus forte dans les élevages allaitants. Des solutions sont encore à inventer dans le cadre patrimonial français pour permettre la reprise du cheptel allaitant par les éleveurs de demain.

L’écart entre la valeur
de reprenabilité et la valeur patrimoniale est considérable en élevage allaitant.
L’écart entre la valeur
de reprenabilité et la valeur patrimoniale est considérable en élevage allaitant.
© S. Leitenberger / archives

En 2014, plus de la moitié des exploitants en production allaitante ont plus de 50 ans et moins de 20 % d’entre eux ont moins de 40 ans. Ce déséquilibre de la pyramide des âges est lié à la baisse du nombre d’installations entamée dans les années 90. La rupture démographique sera la plus forte entre 2015 et 2020. On s’attend parmi les scénarios prospectifs étudiés par l’Institut de l’élevage à une réduction du nombre d’exploitations allaitantes de l’ordre de 1000 par an à partir de 2015. Ceci conduirait à 38 000 exploitations allaitantes de plus de 20 vaches en 2035, dont environ 20 000 spécialisées et les autres diversifiées. Le maintien du troupeau allaitant en France n’en serait pas garanti en fonction des régions et des situations individuelles, selon le livre blanc de la Confédération nationale de l’élevage (CNE) paru en septembre 2012.
L’importance du capital à mobiliser par unité de main d’œuvre est un des plus grands freins à la reprise des cheptels allaitants. En effet, les données tirées de l’observatoire des réseaux d’élevages montrent que le capital hors foncier à engager est devenu énorme en production de bovins viande. En 2005-2006, il fallait rassembler 150 000 euros par UMO, et en 2011, c’était 319 000 euros de capital d’exploitation par UMO (hors foncier) pour une production de 33 tonnes de viande vive. Et la particularité en viande bovine par rapport aux autres activités d’élevage est la faible rentabilité de ce capital. « La transmission influence sur une période assez longue les résultats de l’exploitation », expliquait aussi Patrick Sarzeaud de l’Institut de l’élevage lors d’une conférence au Space.
L’écart entre la valeur de « reprenabilité », qui permet au repreneur de dégager un revenu décent tout en remboursant les emprunts correspondant à la reprise du capital, et la valeur patrimoniale (estimation de l’actif comptable) est considérable en systèmes allaitants. « L’efficacité technico-économique et l’apport de capitaux personnels sont indispensables. Ce type d’installation est particulièrement délicat hors cadre familial, quand la négociation sur la valeur patrimoniale ne peut guère s’envisager », était-il expliqué dans le livre blanc de la CNE.

Cibler la reprise du cheptel qui représente 50 % du capital


Pour sortir la production de viande bovine de ce paradigme, les initiatives se multiplient depuis déjà quelques années. « C’est le cas en région Pays de la Loire avec un projet pour tester des modes de transmission qui s’inspirent notamment de solutions mises en œuvre dans d’autres filières agricoles (horticulture, pêche, élevage ovin, viticulture) », explique Marie Delannoy de la chambre régionale des Pays de la Loire. Ce projet doit livrer ses résultats cette année.
La reprise du cheptel représente au moins 50 % du capital à l’installation en élevage allaitant. En région Basse-Normandie, l’interprofession régionale Cirviande a entamé depuis 2011 une réflexion pour cibler ce problème et contrer la perte de vaches allaitantes qui est bien souvent observée au moment de la transmission d’exploitation. Une aide est en place depuis décembre 2013 pour la prise en charge des intérêts d’emprunts contractés pour la reprise de cheptel allaitant, que ce soit dans le cadre d’une installation ou d’une reprise, en individuel ou en société. Les conditions sont l’engagement à suivre un appui technique (OP, Bovins Croissance…) et à faire apparaitre une efficacité économique satisfaisante de l’exploitation par un plan de développement. L’aide représente 25 % de ces intérêts, elle est plafonnée à 1 000 euros par dossier. Le projet de départ était  de créer un « fonds d’avance cheptel » abondé à part à peu près identique par la profession (Cirviande et CNE) et les collectivités (Conseil régional de Basse-Normandie) et formaté à hauteur de la reprise d’une quarantaine de cheptels par an. Il aurait permis de prêter 30 000 euros par dossier remboursables sur 5 ans sans intérêt après deux ans de différé. « Le schéma initial a évolué et nous avons abouti à un dispositif simple et souple, construit en concertation avec le Conseil régional et les organisations de producteurs commerciales, qui envoie un signal positif aux potentiels repreneurs de cheptel allaitant », explique Yves Quilichini, directeur du Cirviande. Le Conseil régional de Basse-Normandie a en effet mis en place une aide encore plus conséquente (50 % des intérêts d’emprunt) qui fait partie d’un dispositif plus large destiné à soutenir l’installation uniquement, et qui peut porter sur différents types d’investissement tels que le bâtiment et le matériel, en plus de la reprise de cheptel, avec un plafond total de 7 500 euros dans le cadre des aides de minimis(1). Des aides des organisations de producteurs commerciales régionales (Agrial, Copelveau et Normandie Bovins) actuellement en cours de formulation viendront compléter le dispositif. Elles feront appel à des fonds de la CNE.

Un dispositif pour contrer la frilosité des banques


D’ailleurs, de nombreuses organisations de producteurs ont mis en place depuis plusieurs années des dispositifs qui visent à soutenir la reprise des troupeaux allaitants. Ils sont alimentés à partir de leurs fonds propres, qui sont mutualisés en faveur des producteurs de demain, et peuvent être complétés par des fonds mis à disposition des coopératives par la CNE. Il s’agit principalement d’avances de trésorerie à taux très faible voire nul, pour le financement de l’achat du cheptel de souche. Selon les cas, il peut être actionné dans le cas d’une installation ou d’une augmentation de l’activité. Ces aides sont liées ou pas à une contractualisation des animaux et sont souvent assorties de caisses de sécurisation des marges, garantissant aux récents investisseurs de dégager un revenu suffisant. C’est un excellent levier pour contrer la frilosité des banques. « Le rôle des organisations de producteurs est aussi d’accompagner les éleveurs sur le plan technique. Rappelons qu’il existe une très forte disparités des performances entre élevages, en filière viande bovine, et il y a une grande marge de progrès », rappelle Bruno Colin, président de la filière bovine de Coop de France.
Une des autres pistes de réflexion porte sur l’ouverture des élevages aux capitaux extérieurs. « Nous sommes issus du modèle familial et nous allons de plus en plus vers un modèle entreprenarial qui peut s’ouvrir aux capitaux extérieurs. C’est une idée à étudier dans certaines conditions. Cela peut être envisageable dans le cadre de l’accompagnement de la phase de capitalisation, avec un contrôle professionnel du dispositif », estime Bruno Colin.
La filière ovine, sur une initiative de la Fédération nationale ovine, s’est dotée en 2013 d’un fonds de financement, Labeliance Agri 2013, pour accompagner les éleveurs à la recherche de fonds propres pour l’installation, mais aussi la modernisation et l’investissement dans l’énergie renouvelable. L’objectif est de lever 20 millions d’euros la première année, puis 50 millions les années suivantes. Les investisseurs disposeront d’avantages fiscaux. Chaque année, l’agriculteur paiera des frais d’environ 2 % de la somme prêtée, qu’il remboursera au bout de six à dix ans, majorée d’un pourcentage fixé au départ. Le dispositif repose sur une convention tripartite autour de l’exploitant, le fonds d’investissement et une structure professionnelle appelée le Gufa (Groupement d’utilisation de financements agricoles). Le Gufa est chargé de conseiller et d’accompagner les candidats à l’installation en filière ovine, sélectionner les projets, coordonner le suivi de ces exploitations et gérer un mécanisme de mutualisation des risques. Les premiers dossiers d’éleveurs ont été lancés à l’automne 2013.


(1) La règle de minimis fait partie des règlements de l’Union européenne pour encadrer le fonctionnement des aides nationales. Le montant total des aides octroyées au titre du régime de minimis agricole à chaque agriculteur ne doit pas excéder 7500 € (avec transparence pour les Gaec) sur une période couvrant l’exercice fiscal en cours et les deux exercices précédents.

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