Chez Flavie et Christophe Couillard dans l’Eure
De l’herbe productive toujours au bon stade pour le troupeau
La productivité de l’herbe est maximisée pour le troupeau limousin de l’élevage Couillard. Les animaux toujours en état sont bien valorisés par la vente directe en détail.
La productivité de l’herbe est maximisée pour le troupeau limousin de l’élevage Couillard. Les animaux toujours en état sont bien valorisés par la vente directe en détail.
Le troupeau allaitant de Flavie et Christophe Couillard est assez jeune. Il a été constitué au moment de l’installation de Flavie, en 2010 et suite à la dissolution du Gaec laitier de 100 vaches laitières où Christophe Couillard était associé à deux autres exploitants. « À l’époque, nous avons fait le choix de créer deux structures, l’une avec les herbages et le troupeau allaitant, l’autre avec les céréales (SCEA qui exploite aujourd’hui 190 hectares). Les terres de moins bonne qualité en cultures ont été progressivement passées en herbages. On a également récupéré toutes les bordures de forêt. Nous disposons toutefois, avec ma femme, d’un parcellaire de prairies très explosé avec notamment 15 hectares à 12 kilomètres », explique Christophe Couillard. Vingt-cinq vaches et un lot de génisses ont été achetés en deux à trois fois afin de constituer le troupeau qui a ensuite augmenté par croît interne.
Aujourd’hui, la structure a atteint son rythme de croisière. « En 2016, on est monté jusqu’à 80 mères mais, pour une plus grande cohérence avec les surfaces, on est redescendu à 50 vêlages. Toutes les bêtes sont engraissées sur l’élevage et une bonne partie est commercialisée en vente directe. » Ce mode de commercialisation a conditionné l’élevage. Ainsi, avec une vingtaine de vaches et une vingtaine de veaux chaque année par ce biais, soit environ deux bêtes par quinzaine, les éleveurs doivent disposer d’animaux prêts à abattre tout au long de l’année. C’est pour cette raison qu’il y a des mises bas tout au long de l’année, mais cela n’empêche pas les éleveurs d’obtenir un très bon intervalle vêlage-vêlage puisque l’IVV est de 371 jours malgré un taux de primipares important (taux de renouvellement de 40 %). En 2016, 50 veaux ont été sevrés pour 48 femelles ayant mis bas sans naissance gémellaire. Deux vaches ont ainsi mis bas deux fois dans l’année. « La monte naturelle étant majoritaire sur l’exploitation (60 % des mises bas), les vêlages étalés et le parcellaire très morcelé, je suis obligé d’avoir entre deux et trois taureaux. »
Du pâturage tournant en paddocks de trois jours
Après avoir suivi une formation sur le pâturage tournant dynamique en 2010 avec l’association ELVEA 27, Christophe Couillard s’est lancé. Cette pratique a été mise en place au fur et à mesure. Aujourd’hui, l’exploitation compte 30 hectares divisés en paddocks pouvant accueillir des animaux pour une durée de trois jours. « Les derniers herbages ne seront pas conduits de cette manière car trop pentus, séchants l’été, loin du corps de ferme et donc difficiles à gérer. Je ressème de la prairie au fur et à mesure. Cette année, j’ai prévu de ressemer 10 hectares d’une prairie permanente avec un mélange à plus de 50 % de légumineuses. » Un tour de plaine a été réalisé avec Semences de France pour voir quelles espèces implanter. Cette nouvelle prairie sera composée de lotiers, chicorées, de trois types de trèfles, de dactyle, fétuque et ray-grass anglais.
« Les animaux changent de parcelles tous les trois jours. Le troisième jour, je fauche les refus pour que les animaux mangent avant le changement de paddocks. Jusqu’à présent je n’ébousais pas, mais je compte commencer l’année prochaine. J’ai gagné en valorisation de l’herbe, ainsi les bêtes bénéficient toujours d’une herbe de qualité. Comme j’ai une conduite assez intensive, je fais un passage de P-K après chaque pâturage et un d’azote une fois sur deux (soit 110 à 120 unités d’azote par an). Je dispose par ailleurs d’un paddock tampon qui me permet, lorsque l’herbe vient à manquer, d’y garder les animaux pour les affourager et ainsi ne pas abîmer les pâtures », rapporte l’éleveur. Quatre parcelles sont fauchées en première coupe. Deux parcelles sont fauchées toutes les huit semaines. Le reste est réservé au pâturage.
Des lots constitués en fonction du poids
Les lots sont constitués en fonction du poids des animaux et non de l’âge du fait de la conduite avec vêlages étalés toute l’année. Des parcs ont été installés dans tous les îlots pour charger facilement les bêtes. « J’ai beaucoup de mouvements d’animaux à effectuer en raison du parcellaire morcelé et de la vente directe. L’avantage, un troupeau très calme. » Des analyses de fourrage sont réalisées tous les ans pour adapter les rations hivernales. Les génisses sont les premières à être hivernées fin octobre-début novembre « pour ne pas les faire souffrir ». Mais aussi les premières à sortir mi-mars. Leur ration hivernale est constituée de betteraves hachées, d’enrubannage, de foin, et d’un mash enrichi avec l’orge de la SCEA, distribuée à la pailleuse distributrice. Toutes les génisses sont gardées pour le renouvellement hormis une moins bonne ou une "sauvage". Du côté des vaches, une mauvaise production laitière et l’âge sont les deux principales causes de réforme. « Elles ont au maximum 6-7 ans pour la vente directe et 8-9 ans pour le circuit classique. »
L’hivernage est par contre assez compliqué d’un point de vue sanitaire car les animaux de différentes catégories se retrouvent dans le même bâtiment qui est en plus trop petit pour le nombre de bêtes à loger.
L’exploitation 100 % herbagère consomme beaucoup d’aliments puisqu’elle achète du tourteau, 75 tonnes de foin, 750 quintaux d’orge et 3,5 hectares de betteraves fourragères. L’orge et les betteraves étant achetés à la structure céréalière. La paille est par ailleurs échangée contre du fumier à la SCEA.
Des animaux avec de bons poids carcasses
Les bêtes qui ne passent pas en vente directe, sont vendues dans le circuit traditionnel, dont une dizaine de taurillons par an. Seules quelques vaches sont commercialisées via Elvea pour un magasin Leclerc. Les taurillons sont engraissés en ration sèche après le sevrage qui intervient à 7,5 mois. Ils partent à 14,5 mois pour un poids carcasse compris entre 430 et 450 kilos. Les vaches sont engraissées avec une ration à deux tiers sèche (orge de la SCEA et tourteau de lin et luzerne 22 achetés à la société agricole du Vexin Normand : SAVN) et un tiers d’enrubannage de trèfle-dactyle. Le poids carcasse moyen des vaches atteint 440 kilos. « Il reste encore de la disparité en raison d’achats de bêtes à notre installation », souligne Christophe Couillard. Les veaux en vente directe sont vendus quant à eux à l’âge de 5 mois pour un poids de 140 kilos carcasse. Les morceaux sont pour la plupart vendus au détail (70 % de la carcasse). « Cela demande beaucoup de temps de travail. » Toutefois, la valorisation est là avec des animaux valorisés en moyenne à 14,5 € le kilo de viande nette." Pour la commercialisation, les exploitants disposent d’un magasin à la ferme, font deux marchés de producteurs deux fois par mois et livrent des particuliers sur Paris. « Je laisse également en dépôt des caissettes chez mon frère propriétaire d’une brasserie », ajoute Christophe Couillard.
Chiffres Clés
Germain Fréville, conseiller élevages bovins viande et entreprises à la chambre d’agriculture de l’Eure
« Un élevage vitrine pour la conduite du pâturage »
« Christophe Couillard est toujours à la recherche d’idées pour améliorer son élevage. La vente directe a conditionné l’élevage dans le sens où lorsqu’il faut sortir un veau et une vache tous les quinze jours, les animaux doivent toujours être en état. La conduite du troupeau est très rigoureuse, alors les éleveurs sont très pointilleux s’agissant de la conduite du pâturage. L’exploitation dispose d’un bâtiment d’hivernage à proximité d’un îlot conduit en pâturage tournant dynamique, ce qui offre l’avantage de sortir progressivement les vaches à la mise à l’herbe et tôt dans la saison. L’élevage tire un excellent produit brut par vache, largement au-dessus de la moyenne. Toutefois, le niveau de charges élevé ne permet pas de dégager une marge brute supérieure à la moyenne. C’est pourquoi, depuis deux à trois ans on travaille ensemble à faire progresser l’autonomie alimentaire du troupeau. »
Une conversion en bio prévue en 2018
L’année prochaine Flavie et Christophe Couillard ont décidé de convertir l’exploitation d’élevage en agriculture biologique. Celle-ci étant dépendante de l’aliment extérieur, plusieurs perspectives d’évolution de la structure sont à réfléchir. « Soit on décide de transférer 20 hectares de culture de la SCEA sur l’entreprise individuelle pour subvenir aux besoins du troupeau. Soit on passe à 40 mères et on valorise l’herbe. Autre hypothèse, l’arrêt de la vente directe : la vente au détail demande beaucoup de temps et d’énergie, la concurrence est de plus en plus forte et à prix qui frise le seuil de rentabilité, alors notre réflexion est ouverte », note Christophe Couillard.