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Gaec Delage, en Charente
Cycles courts et ration sèche

Des mâles engraissés en jeunes bovins de moins d’un an et les femelles en génisses de Saint-Étienne. Fabien Delage et Blandine Trapateau font le pari des cycles courts conduits en ration sèche tant pour les animaux jeunes que les vaches de réforme.

Lorsqu’il s’est installé sur la ferme familiale en 2005, Fabien Delage, éleveur à Mazerolles (Charente), a décidé d’engraisser tous les animaux nés sur l’exploitation. Après avoir été associé avec sa mère, il est désormais en Gaec avec sa compagne, Blandine Trapateau. Pour ne pas être obligé d’investir d’emblée dans un nouveau bâtiment - il venait d’acheter 30 hectares de foncier -, il a opté pour des cycles d’engraissement courts : mâles de moins d’un an et génisses de Saint-Étienne, de 13-14 mois. Cette production de femelles est rare dans la région, mais, son père, négociant, travaille pour un abatteur de Saint-Étienne qui lui assure le débouché. Pour optimiser les places disponibles, Fabien Delage a calé le troupeau des mères (115 Limousines) sur deux périodes de vêlages : 60 % en janvier-février, 40 % en août-septembre. « Quand un lot de mâles est parti, on sevre ceux de l’autre période. Cela permet d’optimiser le travail, le matériel, les bâtiments… », explique-t-il. En 2008, il a construit une stabulation de 48 places pour loger les vaches qui vêlent en hiver. Les animaux jeunes sont encore engraissés dans une étable ancienne, coincée dans un village. Un nouveau bâtiment, pour les vaches qui mettent bas en automne, va voir le jour cette année. Ce qui permettra de libérer une stabulation plus ancienne où elles sont logées actuellement et d’y rapatrier l’engraissement.

Ration sèche avec les céréales de l’exploitation

Pour l’alimentation, il a fait le choix de la simplicité en optant pour la ration sèche, convaincu de son efficacité lors d’un stage : « La ration sèche, ça fait peur, surtout quand on voit les factures de granulés, mais ça marche très bien et les abatteurs sont très satisfaits », dit-il. La ration sèche évitait aussi de construire un silo. Au départ, il achetait les céréales à un voisin et les distribuait au seau… L’installation de Blandine, en 2012, a permis de « débloquer des prairies permanentes en PHAE (prime herbagère agro-environnementale) » pour cultiver des céréales : une vingtaine d’hectares de triticale et de maïs grain. Ce dernier est séché par la coopérative. À l’avenir, ils envisagent de le récolter en grain humide ce qui leur permettrait d’utiliser leur propre production. Avec ses terres profondes, acides mais régulièrement chaulées, dont 135 hectares d’un seul tenant, cette exploitation de la Charente limousine est particulièrement propice à l’élevage. Les 30 hectares restant forment un deuxième bloc à trois kilomètres. Autonome en céréales et encore plus largement en fourrages, elle a le potentiel pour monter jusqu’à 120-130 vaches. Tel est l’objectif des éleveurs.

« Précocité et développement musculaire »

La reproduction, exclusivement en monte naturelle, est assurée par cinq à six taureaux. « Pour conserver deux périodes de vêlages groupés, nous faisons des petits lots de 20 vaches avec un taureau. Ce printemps, nous avons trois lots de vaches et un lot de génisses. Par sécurité, il en faut bien un de plus. » Fabien Delage suit de près les concours pour repérer les taureaux ou les élevages qui l’intéressent. Il participe au concours d’animaux de boucherie de Saint-Yrieix-Bourdelas où il a obtenu un premier prix en 2016 avec un mâle qui a fait 68 % de rendement. « Je recherche en priorité la précocité et le développement musculaire. Nous avons une souche viande, sélectionnée par mon père, que j’essaie de monter en gabarit tout en veillant à garder de la viande. Mais il faut aussi faire attention aux qualités d’élevage », détaille-t-il. Il travaille également sur la qualité des aplombs des vaches, qui sont aujourd’hui une des principales causes de réformes, et sur la qualité des mamelles. Tous les veaux sont sevrés à huit mois. « Pour faire des mâles de moins d’un an, il faut sevrer de bonne heure, expliquent Blandine et Fabien. Certains le font même à 6-7 mois mais c’est trop tôt pour les femelles. Peut-être qu’à l’avenir, nous ferons des lots de vaches en fonction du sexe des veaux. »

Des animaux vendus directement à des abatteurs

Les mâles sont vendus en direct à un abatteur de Limoges à 11 mois et 330 à 340 kilos carcasse. Avant le sevrage, ils sont au nourrisseur avec un aliment à 18 % de MAT à volonté. « Un mois et demi avant de les séparer de leur mère, je réduis progressivement cet aliment et je bascule avec l’aliment de la ration sèche », détaille Fabien Delage. À partir du sevrage, ils sont alimentés à volonté avec une ration comprenant 60 % de céréales (moitié triticale, moitié maïs) et 40 % d’aliment à 24 % de MAT, le même depuis dix ans. Le dernier mois, la proportion passe à 65 % de céréales et 35 % d’aliment pour améliorer la finition. Ils consomment en moyenne 8 kilos de ration sur quatre mois. Ils ont, bien sûr, de la paille à volonté. « Je ne rajoute pas de bicarbonate. L’aliment est riche en cellulose (18 % de CB) », précise-t-il. Un aliment acheté par 20 tonnes avec trois voisins (269 €/t). Les génisses sont finies à 13-14 mois à un poids moyen de 270 kilos carcasse (en label). Pendant les deux à trois premiers mois d’engraissement, elles sont rationnées à raison de 2 kilos le matin et 2 kilos le soir. Une ration avec 50 % d’un mélange équitablement réparti entre triticale et maïs et 50 % d’aliment. La fibre est apportée par de la paille et du foin « pour qu’elles se développent un peu plus ». Elles poursuivent l’engraissement avec la même ration à volonté et de la paille uniquement.

Optimiser la durée d’engraissement

Le Gaec Delage engraisse 25 à 30 vaches de réforme par an. Elles sont mises en finition par lots seulement quand elles sont taries. « Vu le coût de la ration sèche, il faut optimiser la durée d’engraissement, justifient les éleveurs. Contrairement à ce que certains font avec de l’ensilage de maïs, on ne peut pas les démarrer alors qu’elles ont encore le veau. Et elles doivent partir dès qu’elles sont prêtes. Il faut anticiper un mois avant qu’elles ne soient grasses. » Engraissées pendant trois mois, elles sont amenées à volonté sur trois semaines. Le rationnement, de composition identique à celui des génisses, démarre à 4 kilos par jour, avec du foin et de la paille, puis augmente de 2 kilos par semaine pour se caler à 10-12 kilos, avec de la paille uniquement, avant de redescendre à 6 kilos à la fin.

Blandine et Fabien reconnaissent qu’ils pourraient « s’améliorer » sur plusieurs points, notamment le suivi de la reproduction - ils ne font pas d’échographies - et la réforme plus rapide des vaches improductives. L’IVV moyen est tout de même de 371 jours. Ils aimeraient mettre en place du pâturage tournant pour mieux gérer l’herbe mais, avec de nombreux lots de vaches, il y aurait beaucoup de parcelles à gérer. La double période de vêlages permet de faire manger l’herbe plus mûre aux vaches sans veau. Avec un cheptel de 110 vaches, et de jeunes enfants, le couple est déjà bien occupé. Les résultats économiques sont bons : l’EBE est supérieur à 100 000 euros et en progrès de 35 000 euros sur deux ans ; la rémunération (selon la méthode coût de production) est de 2,4 Smic par UMO. Là est bien l’essentiel.

Monter jusqu’à 120-130 vaches, tel est l’objectif 
Minéralisation systématique du troupeau

Depuis cinq ans, Blandine et Fabien font une minéralisation systématique des vaches pour les aider à tenir le rythme de reproduction. Celles qui vêlent en janvier-février reçoivent 100 grammes d’aliment minéral par jour pendant tout l’hiver et une cure de 5 jours d’oligo-éléments et vitamines leur est administrée avant le vêlage. Celles qui mettent bas en fin d’été sont couvertes par un bolus à la mise à l’herbe. Des pierres à sel sont à volonté pour tout le troupeau, particulièrement pour les animaux à l’engraissement. Ils supplémentent également les veaux en sélénium et iode à la naissance. « En Charente limousine, comme dans le Limousin, les sols sont très carencés en oligo-éléments et sélénium », explique Laurie Mourichou, conseillère bovins viande à la chambre d’agriculture. Le couple d’exploitants fait également une prévention contre la grippe (intranasal) et la coccidiose et les veaux sont écornés par Blandine dans les premières semaines avec un écorneur à batterie.

Surface : 165 ha de SAU dont 22 ha de cultures (moitié triticale, moitié maïs grain) et 143 ha de SFP (25 ha de prairies temporaires et 118 ha de prairies permanentes).
Cheptel : 110 Limousines
Chargement : 1,3 UGB/ha SFP
Main-d’œuvre : 2 UMO
Avis d’expert

« Une bonne productivité et des coûts maîtrisés »

« Si on compare l’exploitation à un système avec des génisses lyonnaises, plus lourdes, le produit est supérieur (380 €/100 kg de viande vive contre 320 € pour la référence) et le coût de production plus faible (328 €/100kgvv contre 335 €), grâce à une optimisation des charges, notamment les coûts des surfaces fourragères, et à une dilution sur un produit viande élevé. Ce haut niveau de produit est lié à la productivité de la main-d’œuvre, à la productivité animale (335 kgv/UGB contre 350 kg pour le cas type avec des génisses plus lourdes) et à une bonne valorisation des animaux obtenue grâce à des débouchés en direct. Ils ont beaucoup travaillé sur la génétique et la précocité pour pouvoir répondre à ces marchés d’animaux jeunes. Les cycles d’engraissement courts ont aussi l’avantage de ne pas augmenter le chargement, ce qui permet d’optimiser l’ICHN. À l’avenir, quand Blandine sera plus disponible pour la ferme et que le nouveau bâtiment sera construit, ils pourront affiner le fonctionnement de l’exploitation (suivi de la reproduction, conduite des prairies et organisation du pâturage, maïs grain humide…). Blandine et Fabien sont très complémentaires et très carrés, elle sur l’administratif et la gestion, lui sur le suivi du troupeau. Ils font beaucoup de formations et sont très ouverts aux améliorations possibles. »

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