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Chiffrer le temps de travail pour progresser

Les bilans travail réalisés dans les exploitations d’élevage permettent d’évaluer le temps consacré aux différentes tâches. Il est ensuite possible de comparer ses chiffres à d’autres exploitations pour améliorer ses pratiques.

« Dans les exploitations d’élevages, le travail est souvent difficile à aborder. C'est un sujet intime et tabou ! », expliquent bien des techniciens. Ce volet revêt pourtant une dimension économique : exprimée en tonnage de viande vive par travailleur, la productivité physique est un déterminant majeur de la compétitivité. « Le travail revêt également une dimension technique. C’est l'organisation entre main-d'œuvre, conduites des troupeaux et équipements. Il revêt enfin une dimension sociologique en tant que métier et intègre l'identité professionnelle, les savoirs et les compétences », souligne Gérard Servière, de l'Institut de l'élevage et animateur du réseau mixte technologique « Travail en élevage », qui regroupe une trentaine de partenaires.

Quantifier la charge de travail dans les exploitations

Pour mieux comprendre l'organisation du travail, il est utile de réaliser un état des lieux. Pour cela, l’Institut de l’élevage et l’Inra ont conjointement mis au point une méthode, tout simplement dénommée Bilan travail, qui quantifie la charge de travail sur une exploitation d’élevage. « Nous l'avons construite à la demande d’éleveurs, précise Gérard Servière. Leur prérequis avait été de nous dire : « On ne veut pas avoir à faire d’enregistrement, on veut que vous nous aidiez à mieux nous organiser pour ne pas être noyés sous le travail. " Nous avons donc mis en place une méthode basée sur une expression individuelle de "problèmes de travail", pour aller vers une comparaison structurée afin de comprendre ensuite pourquoi certains font mieux, ou simplement différemment que d’autres, et en déduire comment améliorer ses propres pratiques. »

Les Bilans travail réalisés dans les exploitations d’élevage nécessitent une demi-journée en ferme pour recueillir l'information et autant en bureau pour calculer les résultats. Mais ils permettent de positionner une exploitation sur le nombre d’heures consacrées à tel ou tel ensemble de tâches et d'évaluer quelle sont les marges de manœuvre pour améliorer la situation.

Concrètement parlant, ces Bilans travail quantifient deux grands types de travaux. Tout d’abord le travail d’astreinte dévolu aux soins aux troupeaux (alimentation, soins lors des mises bas, paillage…) puis le travail de saison réalisé sur les surfaces et les troupeaux mais également pour l’entretien du parcellaire (haies, clôtures...). Ensuite une marge de manœuvre est calculée, et ce qu'il reste est le temps disponible pour investir (construire un bâtiment, entretenir le matériel, se former) et vivre (vie familiale, responsabilités professionnelles, loisirs, vacances…).

La quantité de travail à réaliser est forcément dépendante de la dimension du système d’exploitation (nombre d’hectares et d’UGB), de la nature des tâches à effectuer mais également de leur répartition dans le temps et entre les différents intervenants qui travaillent sur l’exploitation. La finalité de ces Bilans travail est d’être ensuite utilisés dans le cadre du dialogue technicien-éleveur, ou dans des groupes de développement, pour aider les éleveurs à être davantage efficients, à travailler moins péniblement ou à dégager du temps pour créer un autre atelier.

Fort contraste entre exploitations

Pour mieux cerner ces critères, une série d’enquêtes a été réalisée en 2008 et 2009 dans différents départements sur 100 élevages naisseurs et 47 élevages naisseurs engraisseurs, pour la plupart issus du dispositif Réseau d'élevage. Même si elle commence déjà à dater, la synthèse de ces travaux met en avant le fort contraste qu’il existe entre exploitations (voir tableau).

La synthèse de ces enquêtes mettait surtout en évidence les très fortes différences entre exploitations pour le temps de travail d’astreinte ramené à l’animal. « 10 % des élevages nécessitent moins de 11 heures par vache et par an et 10 % des élevages plus de 50 heures. » Dans les systèmes naisseurs, le travail d’astreinte apparaissait comme très lié à la dimension du cheptel mais, ramené à la vache, il tendait à diminuer lorsque la taille du troupeau augmentait. « Cette amélioration de l’efficience du travail d’astreinte tient à de nombreux facteurs d’organisation et de rationalisation du temps de travail, qui génèrent des économies d’échelle en lien avec la main-d’œuvre disponible. » La conduite d’élevage et les choix mis en œuvre pour les périodes de vêlages avaient clairement un impact. Sans surprise, le rythme de distribution des fourrages a également une incidence directe.

Quand on constate l’importance des écarts entre exploitations, on en déduit qu’il reste encore des marges de manœuvres pour faire évoluer la situation. Ramené au nombre d’heures par vache et par an, le travail d’astreinte variait de 1 à 4 pour des élevages dont les orientations de production étaient similaires. C’est sans commune mesure avec ce qui est classiquement constaté pour des résultats techniques liés à la productivité du troupeau (productivité numérique, IVV, GMQ…).

Des exploitations de plus en plus productives

Parmi tous les différents secteurs de l’économie française, celui de l’agriculture est l’un de ceux qui a connu le plus fort accroissement de la productivité du travail. La valeur ajoutée brute par actif a été multipliée par quatre sur les trente dernières années. Comparativement à l'ensemble de l'économie nationale, elle a évolué deux fois plus rapidement. Les systèmes bovins allaitants sont largement concernés par ces évolutions qui se poursuivent en ce XXI° siècle. À l’occasion de la dernière conférence « Grand angle Viande », organisée par l’Institut de l’élevage, Philippe Dimon, chef de projet viande bovine pour ce même institut, a montré les évolutions entre 2005 et 2015 des structures et des revenus pour un échantillon constant de 124 fermes, suivies dans le dispositif Inosys-réseau d’élevage.

Leur SAU a progressé en moyenne de 15 % (de 138 à 163 ha) et le nombre de vêlages a évolué dans des proportions similaires. Il passe en moyenne de 77 à 93 vêlages par exploitation. Pour autant, il n’y a pas eu de progression de la main-d’œuvre disponible, laquelle tend même à diminuer mais est de plus en plus productive. La productivité physique est passée de 30,9 à 46,4 tonnes de viande vive par UMO en dix ans pour les 46 élevages naisseurs-engraisseurs pris en compte, soit une hausse de 50 %. Pour les 78 élevages naisseurs, cette productivité de la main-d’œuvre progresse de 32 %, en passant en moyenne de 24,7 à 32,5 tonnes de viande vive par UMO en dix ans.

Ces évolutions reflètent ce qui s’est passé dans la plupart des élevages français. Dans le même temps, la rémunération de ces UMO n’évolue guère. Si on lisse les variations annuelles, elle peine à dépasser le Smic annuel. Elle atteste donc de la nécessité des aides PAC et laisse surtout à penser que les gains de productivité réalisés par les systèmes allaitants ont été tout simplement « confisqués » par les opérateurs de l’aval.

Quantifier le travail d’astreinte avec Travibov

À côté de la méthode Bilan travail, il existe « Travibov » qui quantifie le seul travail d’astreinte, c’est-à-dire tout ce qui a trait quotidiennement à l’alimentation (nettoyage des auges, distribution des fourrages et concentrés, changements de pâtures…), à la gestion de la litière et à la surveillance et soins aux animaux. L’estimation du temps passé est basée sur les déclarations de l’éleveur, avec des repères sur le déroulé d’une journée type par grande période (hivernage et pâturage). Tous les travailleurs, les chefs d’exploitation, les salariés et les bénévoles intervenant sur l’élevage sont comptabilisés. Travibov quantifie le travail d’astreinte en heures et il est ensuite rapporté par vêlage et par an. Cet outil permet de faire le point sur les pratiques, de mesurer le temps de travail lié au troupeau en lien avec la conduite, l’organisation et les équipements utilisés. Les résultats sont présentés sous la forme d’un document synthétique avec les différents résultats chiffrés, et un référentiel de temps de travaux permet de situer l’exploitation (les écarts de 1 à 4 entre élevages sont fréquents) et les pistes d’amélioration à aborder avec l’éleveur.

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