Assurance prairies : l’indice Airbus doit encore convaincre
Les interrogations sur la fiabilité de l’indice satellitaire d’Airbus qui mesure la pousse de l’herbe freinent le déploiement de la nouvelle mouture de l’assurance prairies mise en place en 2023. Les éleveurs demeurent frileux pour assurer leurs surfaces en herbe contre le risque climatique.
Les interrogations sur la fiabilité de l’indice satellitaire d’Airbus qui mesure la pousse de l’herbe freinent le déploiement de la nouvelle mouture de l’assurance prairies mise en place en 2023. Les éleveurs demeurent frileux pour assurer leurs surfaces en herbe contre le risque climatique.
C’est l’une des étincelles qui a mis le feu aux poudres et contribué au déclenchement des mouvements de colère de certains agriculteurs du sud de la France et qui se sont propagés en ce début d’année 2024. Le nouveau système d’assurance prairies, reposant sur des mesures par satellite de la pousse de l’herbe, serait-il défaillant ?
La fiabilité du fameux indice Airbus a en effet été mise en cause l'année dernière par certains éleveurs gravement touchés par la sécheresse, notamment dans les Pyrénées-Orientales ou en Bourgogne. « Dans certaines zones, l’indice Airbus affichait une situation normale, alors que du point de vue de l’éleveur, le bilan était catastrophique », confirme Emmanuel Leroy, responsable élevage au sein de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales.
Un problème d’interprétation de la couleur du couvert
Et pourtant, l’intérêt de s’assurer face aux risques climatiques ne fait aucun doute. « En l’absence d’assurance, un agriculteur court tous les risques vis-à-vis des aléas climatiques et notamment en prairies par rapport à la sécheresse ou aux excès d’eau. La situation que nous voulons éviter, c’est que les éleveurs soient contraints de décapitaliser leur cheptel par manque de fourrages », pointe Franck Laborde, président de la commission gestion des risques de la FNSEA [fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles]. Une décision que s’est résolu à prendre Romaric Gobillot, éleveur allaitant de la Nièvre, confronté à plusieurs années de sécheresse : « L’année dernière, nous avons mis dix vaches de moins au taureau, pour être en capacité de nourrir notre troupeau avec l’herbe dont nous disposons, regrette l’éleveur. Même si je suis favorable à l’assurance prairies, je doute de la fiabilité de l’indice satellitaire Airbus, qui concluait que nous avions de l’herbe ce qui n’était pas le cas visuellement. Il doit y avoir un problème d’interprétation par rapport à la couleur du couvert. »
Les enjeux liés à l’assurance prairies sont donc considérables, surtout depuis la mise à l’arrêt du système collectif des calamités agricoles. Le nouveau dispositif d’assurance individuel des prairies, imposé par l’Europe et subventionné à 70 % par la PAC, a connu un démarrage encourageant en 2023 : « On peut dire que les agriculteurs se sont saisis du nouvel outil assurantiel, et notamment en prairies puisqu’on est passé de 1 % de surfaces assurées à environ 10 %, même si l’objectif est d’atteindre 30 % », chiffre Franck Laborde. Pour parvenir à rassurer les éleveurs hésitants, une bonne compréhension du fonctionnement de l’indice de mesure de la pousse de l’herbe est donc déterminante. Et ce n’est pas une mince affaire, car contrairement aux grandes cultures, la production des prairies étant autoconsommée, l’évaluation de la production et des pertes est délicate. Le nouveau système assurantiel repose sur l’évolution de la pousse de l’herbe tout au long de l’année, corrélée à la moyenne olympique (production moyenne des cinq dernières années en excluant la valeur maximale et la valeur minimale).
Dans certains cas, quand l’indice satellitaire Airbus est au vert, les éleveurs voient rouge.
« Je doute de la fiabilité de l’indice satellitaire Airbus, qui concluait que nous avions de l’herbe ce qui n’était pas le cas visuellement. Il doit y avoir un problème d’interprétation de la couleur du couvert » Franck Laborde, président de la commission gestion des risques de la FNSEA
Lire aussi | Assurance prairies : scepticisme autour des 350 fermes de référence
Une moyenne olympique pénalisante
Pour parvenir à une valeur indicielle, les assureurs s’en remettent à l’imagerie satellitaire développée par Airbus. « L’outil repose sur un traitement de photos prises par satellite tous les deux jours du 1er février au 31 octobre pour mesurer la dynamique de croissance de l’herbe par le biais de l’évolution de la couleur des couverts de végétaux », explique Jérôme Pavie, chef du service fourrages et pastoralisme à l’Institut de l’élevage. Avant d’être agréé par le comité des indices (constitué d’experts du Centre national d’études spatiales, de l’Inrae, de Météo France, de l’Institut de l’élevage et de l’Institut de gestion), l’outil a fait l’objet de dix années de recherche et développement, et d’une phase de test de cinq ans, en partenariat avec l’assureur Pacifica. Dès 2016, cette étude préliminaire a comparé les résultats de l’indice satellitaire par rapport à des relevés de terrain effectués sur neuf sites de 296 parcelles, sur près de 600 hectares.
« Nous avons confiance dans cet indice, qui présente un niveau de corrélation excellent, de l’ordre de 0,81, et a été scientifiquement validé », rassure Jean-Michel Geeraert directeur du marché de l'agriculture de Pacifica. Malgré cet indicateur jugé encourageant, l’année 2022 a été celle du bug, avec des écarts importants entre les résultats des relevés de pousse de l’herbe de l’indice Airbus et ceux des cartes Isop diffusées par Agreste. Ces dernières prenaient en compte l’écart de pousse avec la période 1998-2018 tandis que l’indice Airbus se référait à la moyenne olympique. Et c’est justement cette comparaison avec la moyenne olympique qui peut parfois peser dans la balance. « Cette référence sur les cinq dernières années, imposée par la réglementation européenne, est difficile à appréhender pour les éleveurs », concède Jean-Michel Geeraert.
Cumuler les années de sécheresse est donc défavorable au déclenchement de l’assurance prairies. À cette problématique, l’assureur suggère un accompagnement de proximité, pour que chaque situation puisse être analysée par un conseiller en assurance, afin de réfléchir à un réajustement du taux de franchise pour satisfaire au juste degré de sécurisation. Du point de vue des éleveurs, c’est surtout la fiabilité de l’indice Airbus qui doit être prouvée, ou tout du moins pouvoir faire l’objet d’une comparaison avec des relevés de terrain sur des fermes de référence, pour pouvoir si besoin porter une contestation.
Lire aussi | Assurance prairies : « Chez Airbus, nous travaillons sur une nouvelle version 2025 de l’indice satellitaire »
Lire aussi | Assurance prairies : « Pour être rassuré, il faudrait des mesures de pousse d'herbe sur le terrain »