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Anesthésier pour écorner les veaux dans de bonnes conditions

L’écornage se traduit par une brève douleur, mais intense. Elle est complètement soulagée par le recours au trio sédatif, anesthésique et anti-inflammatoire. Cela va dans le sens d’une bonne prise en compte du bien-être animal. Des formations sont organisées pour cela.

« Nous nous sommes rendu compte que les connaissances sur l’écornage étaient hétérogènes d’un éleveur à l’autre et que la majorité d’entre eux écornaient leurs veaux après avoir appris 'sur le tas' », explique Alexandre Fauriat, vétérinaire dans la Loire pour la Fédération des éleveurs et vétérinaires en convention. « C’est ce qui nous a incités à organiser à l’attention de notre patientèle des formations que je coanime avec Alice de Boyer des Roches, enseignante chercheuse à Vétagrosup, membre de l’équipe de la Chaire bien-être animal de cette même école et chercheuse à l’UMR herbivore (Inrae-Vetagrosup). » Elles se déroulent sur une journée avec une partie théorique centrée sur la gestion de la douleur, suivie d’une partie pratique en élevage. Elles ont été développées dans un projet multipartenaire (AccEc) et sont prises en charge par Vivea. « Nous avons de bons retours. Les éleveurs apprécient de parler de bien-être animal entre professionnels et souhaitent pouvoir améliorer leurs pratiques. »

Plus on retarde et plus c’est compliqué

En cette fin septembre, ils sont six éleveurs de tous âges autour de la table. « Tant que la génétique 'sans cornes' ne sera pas davantage présente dans nos troupeaux, l’écornage restera incontournable car indispensable. C’est une tâche particulièrement désagréable à réaliser. On a tendance à repousser ce travail et plus on le retarde, plus c’est compliqué », soulignait un des participants.

L’écornage doit donc être rapide et efficace dans l’intérêt de l’éleveur comme de son animal. C’est important pour favoriser le bien-être des veaux et éviter que cette intervention ne devienne une corvée. « Les bovins sont sensibles à la douleur, mais leur réaction est parfois plus subtile que d’autres espèces, comme les chevaux qui eux réagissent de manière plus vive. Mais il y a aussi un effet individu. Comme pour les humains, certains bovins sont plus 'douillets' que d’autres », rappelait Alexandre Fauriat.

Comme la zone où est situé le cornillon est richement innervée, toute intervention sur cette partie de la tête est douloureuse. Quand un veau est écorné sans aucune autre contention que celle de la cage où il est bloqué, la douleur ressentie a trois composantes. La première résulte du stress d’être bloqué et de ne pas pouvoir fuir. La seconde est liée à l’application du fer sur la peau avec une douleur certes brève, mais intense et la troisième résulte de l’inflammation des tissus brûlés. Cette dernière, moins intense que la première, est en revanche plus durable. La douleur est présente à minima 10 heures après l’application du fer, mais plusieurs études ont montré que les veaux pouvaient avoir mal plusieurs jours après l’ébourgeonnage. Trois types de médicaments appliqués par injection permettent d’agir contre ces trois composantes de la douleur. Le stress est calmé par un sédatif, la douleur liée à l’application du fer par un anesthésique local et la douleur post-intervention par un anti-inflammatoire. L’anesthésie locale est obligatoire uniquement si les veaux sont âgés de plus de quatre semaines. Pour autant, elle est conseillée sur des veaux plus jeunes. « L’idéal est d’intervenir le plus tôt possible, à partir de sept jours et avant quatre semaines, précisait Alice de Boyer des Roches. Ce n’est pas parce que ce sont de jeunes animaux qu’ils n’ont pas mal ! » Le fait d’associer un sédatif, un anesthésique local et un anti-inflammatoire supprime la douleur. Cela permet de se passer de cage de contention si l’intervention est réalisée dans le bon respect des délais après les injections.

Moins de quatre euros par veau

« Avant toute chose, il est important d’écorner uniquement des veaux en bonne santé », insiste Alice de Boyer des Roches. Il faut ensuite être en mesure d’apprécier leur poids de façon précise en allant au-delà du simple coup d’œil. L’emploi d’un ruban zoométrique est donc recommandé. Cette connaissance précise du poids est importante, car indispensable pour réaliser le bon dosage des produits à injecter. Un surdosage du sédatif présente un risque de dépression cardio respiratoire et un anesthésique local sous-dosé provoque un réveil brutal du veau au moment de l’intervention. Les veaux doivent être à jeun depuis quatre heures et ils ne doivent pas manger au cours des quatre heures qui suivent l’intervention. « Le protocole complet revient à environ 4 euros par veau pour des animaux d’un poids moyen de 70 kg répartis entre 0,30 euro pour le sédatif, 1 euro pour l’anesthésique, 2 euros pour l’anti-inflammatoire en incluant le coût des seringues et aiguilles », précise Alexandre Fauriat.

Quatre consignes pour les séances d’écornage

Les éleveurs peuvent organiser ces séances par :

1 une intervention systématiquement réalisée au moment du bouclage donc quand le veau a moins de 7 jours, solution à préconiser en allaitant mais problématique pour les vêlages en plein air ;

2 un jour fixe tous les mois, tous les 15 jours, voire toutes les semaines pour éviter d’avoir à intervenir sur des lots trop conséquents en cas de vêlages très groupés ;

3 à âge fixe ;

4 quand c’est compatible avec l’emploi du temps de l’éleveur avec alors le risque d’être débordé à la fois par le nombre et l’âge des animaux avec des interventions souvent tardives à plus de 4 semaines et donc forcément un recours accru à l’anesthésie.

L’âge charnière de 4 semaines

Même s’il peut y avoir de petites variations selon les individus avec également le facteur race, la corne d’un bovin n’est pas encore rattachée à l’os du crâne avant l’âge de 2 mois.

« À la naissance, le bourgeon cornual appelé cornillon est flottant sur la peau », explique Alice de Boyer des Roches, enseignante chercheuse à Vétagrosup. Dans les semaines qui suivent la naissance, il se soude progressivement au crâne et cette soudure est habituellement effective à partir d’un mois et demi à deux mois. L’os de l’étui cornien devient alors une extension du crâne avec à terme une communication entre la lumière de l’os creux de la corne et le sinus frontal. C’est aussi pour cela qu’il est conseillé d’intervenir sur des veaux très jeunes. Mais il convient d’éviter la première semaine. Les veaux sont encore fragiles et le bourgeon cornual pas forcément bien visible après passage de la tondeuse ni même pas toujours facile à percevoir au toucher. L’idéal est donc une intervention entre 2 et 4 semaines. Cautériser les vaisseaux sanguins qui irriguent le bourgeon cornual bloque son développement — le bourgeon va se nécroser — et se traduit par l’absence de corne. Plus le veau est jeune, plus la durée d’application du fer peut être brève et donc moins l’intervention est douloureuse. « On parle alors d’ébourgeonnage et non d’écornage. » Il n’y a alors aucun risque d’ouverture du sinus frontal et peu de risque d’infection et d’hémorragie. Quand les veaux ont plus de 2 mois, le fer doit forcément être appliqué plus longtemps. Plus lourds et vigoureux, les animaux sont aussi moins faciles à manipuler avec un risque de complication accrue. Les interventions tardives nécessitent également davantage de médicaments vétérinaires.

Pas obligatoire mais conseillé

Avant quatre semaines, l’anesthésie n’est pas obligatoire mais fortement conseillée. Ce n’est pas parce que le veau est jeune, qu’il ne sent rien. Il ressent la douleur tout autant qu’un bovin adulte. C’est aussi pour cela que l’utilisation de pâte caustique n’est pas à encourager. Son danger est d’abord pour l’éleveur qui l’applique (gants impératifs !). Son usage se traduit ensuite par une douleur importante et durable pour le veau avec un risque pour ses congénères s’il se frotte à eux. Son utilisation en système allaitant présente ensuite un risque évident pour le pis des mères.

 

 

Bien respecter les délais entre les interventions

Il est impératif d’être bien organisé pour planifier les différentes injections au bon moment en respectant le temps d’action de chacun des trois différents médicaments, afin d’être certain de pouvoir enchaîner successivement les interventions sur le lot de veaux à écorner dans les bons délais.

Rappels sur la réglementation

Un éleveur est autorisé à effectuer l’acte vétérinaire de l’écornage à condition qu’il soit titulaire d’un diplôme équivalent au moins à un BEP, un BP agricole ou qu’il dispose d’une expérience professionnelle de plus d’un an en élevage. Même si la réglementation française ne traite pas de l’écornage, les recommandations du conseil de l’Europe indiquent que pour des veaux de plus de 4 semaines, l’écornage des animaux doit être réalisé sous sédation, anesthésie locale et administration d’un anti-inflammatoire. Pour des veaux plus jeunes, anesthésier n’est pas obligatoire mais recommandé. Pour les élevages en agriculture biologique, l’écornage des veaux est autorisé mais l’intervention doit être précédée de l’administration d’un anti-inflammatoire quel que soit l’âge du veau.

Légalement, les éleveurs n’ont pas le droit d’utiliser des anesthésiques locaux sauf s’ils ont participé à une formation de ce type. Sinon la règle serait que le vétérinaire vienne pour administrer l’anesthésique avant l’intervention.

Les six étapes dans l’ordre

1 Administration du sédatif. Elle est ici réalisée sur des mâles montbéliards dans un atelier d’engraissement. Mesuré au ruban, leur poids avoisine en moyenne les 100 kg soit des animaux un peu trop lourds et trop âgés.

2 La tonte de l’emplacement du bourgeon et de la zone d’injection de l’anesthésique local permet d’abord de bien visualiser le cornillon et de limiter les risques d’infection liés à des poils qui pourraient coller à la plaie. Cela évite également la fumée et limite l’encrassement du fer.

3 Injection de l’anesthésique local. Elle est réalisée en deux points précis à 1 centimètre sous la peau : -1- 4 ml le long de la crête osseuse située entre l’orbite et le bourgeon cornual, à mi-distance entre ces deux repères. -2- 1 ml entre la base du cartilage de l’oreille et le bourgeon cornual.

4 L’écorneur doit atteindre 700 °C à 800 °C rapidement. Un test sur une planche permet de bien voir si la résistance permet de faire un anneau continu, condition impérative pour avoir un écornage bien réussi en respectant les préconisations du constructeur.

5 Vérification de l’anneau de cautérisation et de son cercle blanc continu. Il est en revanche totalement inutile de faire sauter le cornillon. Ce dernier partira de lui-même quelques jours après l’intervention car il se nécrose une fois qu’il n’est plus vascularisé. Cela présente un risque d’infection et de souffrance supplémentaire dans la mesure où la surface de la plaie sera plus importante.

6 La désinfection avec un spray refroidit les tissus cautérisés. Ne pas oublier une surveillance renforcée dans les jours qui suivent l’intervention, surtout si les veaux ont été écornés tardivement.

 

 

Lire aussi : Une cage à veaux pour écorner et tondre

 

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