Blés de betteraves : soigner son itinéraire cultural pour réussir ses semis tardifs
Après la culture de betterave, le blé est l’espèce privilégiée dans la succession culturale. L’impact de la betterave sur le sol impose un itinéraire cultural adapté pour le blé, notamment avec une précocité variétale ad hoc et une bonne préparation du sol.

Avec des récoltes de betteraves qui s’étalent de septembre à décembre, les blés de betteraves sont semés à des dates très variables. « Globalement, un précédent de betteraves est plutôt un avantage pour le blé », note Alexis Decarrier, animateur filière blé d’Arvalis. Les blés de betteraves n’ont pas de risque sanitaire spécifique comme la fusariose sur maïs. Ils se comportent plutôt mieux face aux maladies comme la septoriose, la rouille ou le piétin. Coté adventices, la culture d’été coupe les cycles et offre un léger mieux pour lutter contre les graminées.
Vérifier la structure du sol
Reste qu’il faut respecter certains fondamentaux, insiste Alexis Decarrier. Le premier, souvent bien maîtrisé, consiste à s’adapter à la situation du sol après récolte. Avec les machines d’arrachage intégrales et les conditions de récolte humide, le tassement est souvent au rendez-vous, même si cela ne se voit pas. Les intégrales circulent très souvent en crabe (essieux avant et arrière décalés) et avec des pneumatiques larges, qui rendent la couche superficielle de la parcelle assez uniforme. Le compactage peut être important en profondeur. En réalité, 100 % de la surface de la parcelle est déformée bien qu’aucune ornière ne soit observable. « Une observation du sol avec une bêche sur plusieurs points de la parcelle permet de constater rapidement ce qui se passe dans les premiers horizons. Cette méthode est à la portée de tous. En cas de compaction, un labour ou un travail en profondeur s’impose », préconise Delphine Bouttet.
Adapter la précocité des variétés
Le second critère de réussite réside dans le choix d’une variété de blé à la précocité adaptée, affirment les deux spécialistes Arvalis. Avec des variétés plus précoces pour les semis tardifs. Pour cela, il est possible de se reporter au site d’Arvalis avec les particularités régionales. « Le catalogue des variétés est vaste », souligne Alexis Decarrier. Kingkong, SU horizon, WPB Medina ou RGT Farmeo sont adaptés à des semis de début octobre (variétés demi-tardives à demi-précoce). Pour les semis du 15 au 20 octobre, Chevignon, KWS Extase, Pondor, Intensity ou KWS Perception conviennent. Enfin, pour les semis de novembre, Thermidor, Prestance et Celebrity donnent de bons résultats. De même, des nouveautés comme Kaktus, Facility et SU Pulsion, demi-précoce à précoce, sont bien adaptées à la première quinzaine de novembre. Dans tous les cas, il faut vérifier en fonction des particularités régionales. « En Île-de-France par exemple, les variétés avec une note 7 en épiaison comme Thermidor sont très performantes pour les semis tardifs. Elles conviennent très bien après les arrachages tardifs », confirme Delphine Bouttet. En ce qui concerne les ravageurs et les maladies, il préconise « un traitement de semence contre la mouche grise (Langis, Attack ou Austral Plus net). » Il conseille en outre de choisir une variété résistante à l’oïdium dans le cas de la Champagne crayeuse.
Gérer les repousses de betterave
9,2 % des cultures qui suivent une culture de betteraves comportent des repousses de betteraves (enquête ITB 2021). Ces repousses constituent une source virale pour les pucerons vecteurs de la jaunisse, alerte l’ITB. De plus, en cas d’utilisation de betteraves Conviso, toutes les repousses de betteraves doivent absolument être gérées. Le risque est de polluer les futures betteraves avec des betteraves très difficiles à désherber. Un désherbage efficace s’impose sur la céréale qui suit.
Adapter la densité de semis
La densité de semis doit être adaptée à la date du semis et aux conditions d’implantation : « À partir du premier octobre, il convient d’ajouter 30 à 40 grains/m2 à chaque décade », assure Alexis Decarrier.
Ajuster les apports d’azote
« Les besoins en azote s’avèrent un peu plus importants pour les blés de betteraves par rapport au blé de colza, constate Alexis Decarrier. Les reliquats sortie d’hiver sont en moyenne inférieurs de 10 unités, voire 30 unités en Champagne. » L’efficience de l’azote peut baisser en fonction des conditions d’implantation (enracinement plus superficiel). La gestion de l’azote sera différente entre les premiers semis et les semis de novembre. Les derniers blés de betteraves peuvent avoir des potentiels plus faibles d’environ 5 à 10 % par rapport à un semis du 1er octobre en Champagne. Mais parfois jusqu’à moins 20 %, moins 30 % en cas de printemps secs.
« En 2011, 2022 et 2025, années marquées par un temps sec, les derniers blés de betteraves de Champagne ont décroché, parfois avec des baisses de 20 à 30 % de rendement », souligne Alexis Decarrier. D’où l’importance de s’adapter au potentiel de rendement pour affiner la gestion des apports azotés. Les outils de pilotage comme Farmstar permettent de gérer la fertilisation azotée du dernier apport. Ferti-Adapt, qui complète les images satellites avec un modèle de culture, conseille la fertilisation en temps réel du tallage à la fin de cycle. « Dans tous les cas, nous conseillons une stratégie en trois apports, voire quatre pour les apports de plus de 200 unités, avec une adaptation aux conditions printanières », poursuit l’expert Arvalis.
Se fixer une date limite de semis en fonction des régions
Quant à la date limite pour semer du blé, elle dépend vraiment des régions : « Si le type de sol et les conditions le permettent, un semis de blé jusqu’au 10 décembre reste possible en Île-de-France. Mais il faut toujours une variété adaptée en alternativité (au minimum hiver à demi-hiver) et en précocité (précoce à très précoce) », constate Delphine Bouttet. Parfois, il est préférable d’attendre quelques jours pour obtenir un bon ressuyage. Les semis seront ainsi réalisés avec une bonne qualité d’implantation, indispensable en cas de désherbage. Mais en hiver, c’est parfois compliqué.
Avec le progrès génétique et le choix variétal possible, les pertes de potentiel s’amenuisent, voire sont inexistantes. « Il n’y a pas forcément de différence de rendement entre un blé semé le 10 octobre et un au 15 novembre. Après le 15 novembre, cela dépend des conditions d’implantation. Cette année, les variétés précoces comme Thermidor ont obtenu les meilleurs rendements par rapport aux variétés plus tardives », observe l’ingénieure d’Arvalis. « En Champagne, les semis tardifs accusent des baisses très variables selon les années. Une perte de 5 à 10 % peut être notée pour les semis réalisés vers le 15 novembre. Et ce notamment à cause de coup de chaud et d’échaudage possible en juin ou juillet comme lors de cette campagne 2025, complète Alexis Decarrier. Après le 1er décembre, le décrochage est souvent plus important. »
Choisir entre blé et orge
Certains producteurs arbitrent selon les années entre un semis d’orge et de blé. « Entre les 1er et 15 novembre, les marges du blé et de l’orge de printemps sont assez proches en Champagne », détaille Alexis Decarrier. Entre le 15 et le 30 novembre, trois années sur quatre, l’orge dégage une meilleure marge que le blé selon une étude menée en 2019 par Arvalis. Après le 1er décembre, l’orge de printemps est quasiment toujours plus compétitive que le blé, hors crash 2011 et 2025. Les résultats dépendent bien sûr des prix de vente et conditions météo, notamment la sécheresse printanière. Autre élément à prendre en compte, l’orge de printemps s’avère très sensible au tassement.
Moins de graminées et moins de viroses après betterave
« Une date de semis de blé plus tardive (en moyenne, le 23 octobre selon l’ITB) apporte de nombreux atouts », confirme Delphine Bouttet, ingénieur Arvalis Île-de-France. Surtout pour le désherbage des graminées. Les parcelles sont souvent plus propres vis-à-vis du ray-grass et du vulpin après une culture de printemps telle que la betterave. Le risque de pucerons et de JNO, ainsi que le risque cicadelles et pieds chétifs dans les zones concernées sont nettement atténués. Si l’hiver n’est pas très chaud, ils deviennent même très faibles.