« La question d’une possible marginalisation de l’agriculture biologique en France se pose » selon une note du ministère de l’Agriculture
Quels avenirs pour le secteur bio français à l’horizon 2040 ? Sur commande du ministère de l’Agriculture, le Ceresco et le Crédoc ont imaginé 4 scénarios probables. Une étude prospective qui montre le risque de marginalisation du bio, analyse le centre d’études et de prospectives du ministère de l’Agriculture dans une note.
Quels avenirs pour le secteur bio français à l’horizon 2040 ? Sur commande du ministère de l’Agriculture, le Ceresco et le Crédoc ont imaginé 4 scénarios probables. Une étude prospective qui montre le risque de marginalisation du bio, analyse le centre d’études et de prospectives du ministère de l’Agriculture dans une note.

« La question d’une possible marginalisation de l’agriculture biologique se pose, face à d’autres démarches mettant elles aussi en avant des promesses environnementales », voilà ce que le centre d’études et de prospectives (CEP) du ministère de l’Agriculture retient, dans une note, d’une étude prospective commandée par le ministère de l’Agriculture au Ceresco et au Crédoc visant à explorer les trajectoires d’évolution probables de l’agriculture biologique en France d’ici à 2040.
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Quels scénarios prospectifs pour la bio à horizon 2040 ?
Dans un contexte de crise d’ampleur qui affecte le secteur du bio depuis 2022, l’étude réalisée par le Ceresco et le Crédoc publiée en avril 2025, explore différentes trajectoires d’évolutions probables, à travers 4 scénarios (« volontairement contrastés et ne prétendant pas décrire à l’avance la réalité » rappelle la note du CEP).
Scénario 1 : « le secteur bio non prioritaire »
Le premier scénario décrit un futur où la mondialisation se poursuit jusqu’en 2030 avec une réduction du prix des denrées alimentaires, des préoccupations environnementales secondaires dans les politiques publiques. La production agricole bio, marginalisée, se recentre sur une clientèle fidèle au fort pouvoir d’achat. A partir de 2030, du fait de l’épuisement des ressources et des crises climatiques à répétition, les échanges commerciaux diminuent et « dans un contexte de sobriété subie », « les pratiques agricoles biologiques, moins consommatrices d’intrants, se développent en quelques années, mais sans être formellement labellisées ». « Certains producteurs, du fait de l’accès irrégulier aux intrants, pratiquent une agriculture biologique intermittente et ils ne valorisent pas nécessairement ce mode de production ». En 2040, le label bio européen, les politiques de soutien et les instances de pilotage du secteur à l’échelle nationale n’existent plus. A l’initiative de collectivités locales, de nouveaux cahiers des charges bio voient le jour, certains étant plus souples que les versions actuelles.
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Scénario 2 : « la 3e voie triomphe sur le bio »
Dans le deuxième scénario construit par Ceresco et le Crédoc, une prise de conscience des enjeux environnement au sein de la population et des entreprises conduit au déploiement d’itinéraires techniques environnementaux moins exigeants que ceux de l’agriculture bio à l’initiative d’acteurs privés transnationaux des secteurs agricoles et agroalimentaires. Grâce à une communication et un marketing efficaces menés par de grandes entreprises, la part de marchés des produits de cette « 3e voie » augmente rapidement. Parallèlement, l’agriculture bio perd sa capacité d’influence auprès des consommateurs et des pouvoirs publics. « Moins bien structurés et peu unis, les acteurs du secteur ne savent pas démontrer la plus-value environnementale de leurs produits, les soutiens publics sont redirigés vers la 3e voie », selon le scénario décrit par Ceresco et le Crédoc. En 2040, les produits bio représentent moins de 3% des dépenses alimentaires des ménages, le nombre de producteurs bio chute, les déconversions sont nombreuses. Seule une petite frange d’agriculteurs bio se maintient.
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Scénario 3 : un standard bio « allégé » qui se généralise
Dans le scenario 3, l’étude propose un futur où la prise de conscience est de plus en plus généralisée sur les enjeux environnementaux. Des traités sont conclus au niveau international pour fixer des normes commerciales permettant de moduler les droits de douane en fonction des impacts environnementaux des produits. Les acteurs des filières biologiques françaises s’unissent pour faire reconnaître l’AB comme référence pour la production agricole. Les politiques publiques visent la sortie des produits phytosanitaires en 2040 et pour atteindre cet objectif la multiplication des conversions est jugée prioritaire. Sous l’influence de la distribution, le cahier des charges du bio européen est assoupli sur certains aspects pour réduire les écarts de coûts avec le conventionnel. Le marché du bio se rationnalise mais certains acteurs ne s’y reconnaissent plus. En 2040, les produits bio atteignent 30% de parts de marché en France.
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Scénario 4 : « l’agriculture et l’alimentation bio prédominent »
Dans le scénario 4, le futur est à la démondialisation sur fond de crises climatiques et tensions géopolitiques. Des ONG favorables à l’agriculture bio se coordonnent et initient des campagnes d’information visant à influencer les pouvoirs publics. L’agriculture bio devient progressivement la norme à atteindre en matière en production agricole et l’Agence bio se refait le relais de plus en plus actif des nouvelles politiques. Le cahier des charges bio devient la référence pour la PAC.
Une sécurité sociale de l’alimentation est mise en place et une taxation spécifique est créée pour les produits ayant le plus d’impacts négatifs en matière de santé et d’environnement.
La part de l’alimentation dans le budget des ménages augmente et s’établit à 25% en moyenne en 2040.
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Quelles pistes de solutions pour éviter la marginalisation du bio ?
En conclusion de l’analyse de cette étude prospective conduite par Ceresco et le Crédoc, « réalisée dans un contexte singulier, où après 20 ans de croissance quasiment ininterrompue, l’ensemble du secteur du bio s’interroge sur son avenir », la note du centre d’études prospectives du ministère de l’Agriculture pointe « la question posée d’une possible marginalisation de l’agriculture bio » et reprend les pistes proposées par les deux bureaux d’étude pour « stimuler le secteur bio à l’avenir ».
Concernant les voies d’action « à court terme », les bureaux d’études Ceresco et Crédoc rappellent que le maintien d’une offre de produits bio « suffisante pour l’ensemble des consommateurs » est « primordial ». « Pour cela, le soutien aux infrastructures immatérielles (capital humain, outils de développement, fonds dédiés, instances de pilotage) ou matérielles (outils de collecte ou de transformation dédiés) des filières sera nécessaire », détaille la note. La question du prix reste aussi « centrale » et l’image du label bio « très importante ».
À plus long terme, la compétitivité de l’agriculture biologique pourrait être améliorée par la prise en compte des externalités environnementales. Cela nécessiterait de renforcer « l’éducation environnementale ou la visibilité de la parole scientifique ».