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Pour Charles Kloboukoff, « il faut avoir les reins solides pour faire face à la concurrence »

Président-fondateur de Léa Compagnie Biodiversité, Charles Kloboukoff a monté en 26 ans un groupe d’envergure, familial et indépendant, qui se bataille la place de leader des spécialistes de la bio. Il partage ses inquiétudes et ses espoirs.

Charles Kloboukoff, PDG du groupe familial et indépendant Léa Compagnie Biodiversité.
© O. Blanchet

Pourquoi et comment vous êtes-vous engagés sur le marché des produits biologiques ?

Charles Kloboukoff - Mon idée à l’époque était de proposer des produits naturels et bénéfiques pour la santé. Je suis né dans une famille où la médecine douce a son importance. Je voulais proposer des produits naturels contenant des ingrédients ayant une valeur nutritionnelle et des principes actifs riches. De cette idée de départ, j’ai vendu mes premières tisanes biologiques en 1994. Je pensais que l’alimentation était ma première médecine, à condition qu’elle soit saine. Donc il me fallait aller vers des produits les plus naturels possibles, d’où mon intérêt pour les produits biologiques. Et puis nous avons aussi proposé des cosmétiques, avec des filières sourcées et souvent équitables. Notre démarche est holistique et globale. Et nous le faisons désormais dans plusieurs domaines. Nous sommes devenus un spécialiste des produits biologiques avec seize unités de production en France. Nous avons construit de nombreuses filières.

Pourquoi avoir fait le choix de nombreuses croissances externes ?

C. K. - Au départ, nous étions concepteur de produits. On est parti d’une page blanche. En acquérant d’autres sociétés avec des outils de production, mon idée était de maîtriser la qualité des produits que nous vendions et de fabriquer en France. Quand le marché commence à prendre une taille critique face à des industriels plus performants qui ne sont pas dédiés au bio, qui ne sont pas partie d’une page blanche, il faut aussi avoir les reins solides pour leur faire face. Faire grandir notre groupe par des acquisitions permet aussi de mutualiser les moyens, de réaliser des économies d’échelle, d’optimiser la logistique, d’écraser nos coûts commerciaux, de devenir tout simplement plus compétitif et traverser ce qu’on vit actuellement. Nous sommes face à des entreprises du conventionnel qui ont une force de frappe beaucoup plus importante que la nôtre.

"Le vrai risque pour la bio est le manque d’engagement de long terme"

Quelle analyse faites-vous de cette concurrence?

C. K. - Cette concurrence stimule la croissance globale du marché. Cela rend légitime les produits biologiques puisque même les entreprises qui les critiquaient en font désormais. Nous devons affronter cette concurrence avec un vrai danger : celui de tomber dans les travers de l’agriculture conventionnelle. Cela nous incite aussi à être plus pointus dans les filières que nous développons. Nous devons être « bio plus » et non pas juste bio à bas coût.

Comment voyez-vous la bio dans dix ans ?

C. K. - En moyenne, le marché bio croît de 10 à 12 % par an. On risque peut-être d’avoir un phénomène de tassement de la croissance d’ici deux ans. Puis, le marché va s’autoréguler pour doubler de taille d’ici six à sept ans. Je pense que le bio peut représenter 10 % du marché alimentaire. Mais il faut aussi que les surfaces agricoles suivent. Il faudrait 14 à 15 % de la SAU française en bio pour arriver à ce niveau en 2025. La structuration des filières va être d’autant plus nécessaire. Il faudrait des contrats plus longs avec la grande distribution, qui reste plutôt sur du trois ans alors qu’il faut au moins cinq ans à un pommier pour donner des pommes. Les relations avec les magasins bio sont un peu différentes. Ils regardent davantage la démarche dans sa globalité. Le vrai risque pour la bio est le manque d’engagement de long terme. Il a fallu beaucoup de temps pour que l’on arrive au 4 % de SAU. Le changement d’échelle doit être accompagné. 

Le « zéro pesticide » développé en agriculture conventionnelle peut-il concurrencer la bio ?

C. K. - Oui, il est possible que cette concurrence freine un peu la croissance de la bio, au début. Mais la solution de la troisième voie est court-termiste. On est dans un changement de paradigme où les consommateurs sont en quête de sens. Je reste convaincu que nous sommes allés au bout du modèle et que les consommateurs veulent des produits plus sains et plus durables. Nous sommes plutôt partisans d’une agriculture biologique de proximité, avec une contribution sociétale de long terme.

Rédaction Réussir

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