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Eau : alors que l’Onu alerte sur le « risque imminent » d’une crise mondiale, en France les agriculteurs ne veulent pas être les « boucs émissaires »

A l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, Antonio Guterres, le chef de l’Onu, s’est alarmé sur l’avenir de cette précieuse ressource tandis que plusieurs syndicats et acteurs du monde agricole français appellent à ne pas faire des agriculteurs des « boucs émissaires » en case de crise liée à l’eau.

agriculture
L’utilisation de l’eau est devenue un enjeu crucial, notamment pour l’agriculture.
© Nicole Ouvrard

« Sur 100 habitants de la planète, 25 se procurent la totalité de leur eau dans des ruisseaux et des étangs, ou déboursent des sommes exorbitantes pour une eau d’une salubrité douteuse, 22 font leurs besoins en plein air ou dans des latrines sales, dangereuses ou hors d’usage, et 44 voient leurs eaux usées s’écouler dans la nature sans être traitées, ce qui a des conséquences désastreuses pour la santé et l’environnement. En bref, notre monde s’éloigne considérablement – et dangereusement – de notre objectif d’une eau et d’un assainissement sûrs et bien gérés pour toutes et tous d’ici à 2030 » a déclaré le secrétaire général de l’Onu lors de la journée mondiale de l'eau. Aujourd’hui, le secteur le plus consommateur d’eau est l'agriculture qui utilise plus de 70 % des ressources mondiales.

« Une exploitation non durable des ressources en eau »

Le rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2023, intitulé « Partenariats et coopération pour l'eau » publié à l’occasion de cette Journée mondiale alerte sur « un risque imminent » d’une crise mondiale de l’eau. « Une exploitation non durable des ressources en eau, la pollution et le réchauffement climatique incontrôlé sont en train d’épuiser, goutte après goutte, cette source de vie de l’humanité », s’alarme Antonio Guterres dans l’avant-propos du rapport. Aujourd’hui, entre deux et trois milliards de personnes dans le monde connaissent des pénuries d’eau. Si la coopération internationale n’est pas renforcée dans ce domaine, la situation va s’aggraver au cours des décennies à venir, en particulier dans les villes, préviennent l’Unesco et l’Onu-Eau.
 

Mettre en place des mécanismes internationaux

Parallèlement, l’utilisation des ressources en eau a augmenté de près de 1 % par an ces quarante dernières années. Une tendance qui devrait se poursuivre à un rythme similaire jusqu’en 2050. Durant la même période, la demande en eau des villes devrait quant à elle augmenter de 80 %, précise Richard Connor, co-auteur du rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau 2023. « Il est urgent d’établir de solides mécanismes internationaux pour éviter que la crise mondiale de l’eau ne devienne incontrôlable », prévient la directrice générale de l’Unesco Audrey Azoulay dans un communiqué.

 

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© Onu

« La guerre de l’eau ne doit pas avoir lieu »

La FNSEA, Jeunes agriculteurs, la Coopération agricole, Chambres d'agriculture France, Irrigants de France ont profité de la Journée mondiale de l’eau pour signer de leur côté une tribune publiée dans le Figaro le 22 mars. Elle est intitulée « Journée mondiale de l'eau: « Ne faisons pas des agriculteurs des boucs émissaires ». Alors que, selon le ministère de la Transition écologique, l’agriculture est la première consommatrice d’eau (45 %) et qu’elle représente 9 % des prélèvements en France, les signataires avertissent : « Tous les ingrédients sont réunis pour que l'année 2023 soit explosive, et que soit déclarée une véritable guerre de l'eau. Nous considérons que la guerre de l'eau ne doit pas avoir lieu. (…). Comme dans toute crise, certains voudraient désigner des coupables et le monde agricole pourrait apparaitre comme un bouc émissaire idéal ».

« Refuser aux agriculteurs les moyens d'irriguer, notamment au travers de la création de stockage, est une aberration »

Les signataires écrivent : « Refuser aux agriculteurs les moyens d'irriguer, notamment au travers de la création de stockage, est une aberration. (…).Placer la création de retenues d'eau comme étant la dernière des solutions quand toutes les autres auront été explorées, n'est pas raisonnable. Il faut déployer dès à présent toutes les solutions pour répondre à l'urgence climatique ».
 

Sélection variétale et réutilisation des eaux usées

Outre le stockage de l’eau, les signataires énumèrent d’autres solutions : sélection variétale pour des semences plus tolérantes à la sécheresse, innovation agronomique pour améliorer la réserve utile en eau du sol, pilotage précis de l'irrigation avec l'agriculture numérique et autres évolutions agronomiques à perfectionner, la réutilisation des eaux usées. Ils disent vouloir analyser attentivement les déclarations à venir du gouvernement et concluent : « Ne sacrifions pas les agriculteurs, l'agriculture et nos filières agroalimentaires françaises sur l'autel du changement climatique, mais travaillons ensemble à une meilleure gestion de la ressource en eau. Il en va de notre avenir à toutes et tous pour véritablement commencer à défendre notre souveraineté alimentaire et la vitalité économique de nos territoires ruraux ».

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