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Campylobacter : une bactérie déroutante pour les chercheurs

Le programme européen Campybro n’a pas abouti aux avancées escomptées concernant la stratégie alimentaire. Il reste encore beaucoup à découvrir sur les moyens de lutte.

Arrivé à son échéance, le programme de recherche de trois ans Campybro a livré ses principaux résultats début juillet. Financé par la Commission européenne, il a réuni un consortium de scientifiques et de professionnels de cinq États membres dont la France (Anses, Cidef, FIA). « Le rôle majeur de la biosécurité a été démontré pour réduire la colonisation intestinale des poulets par Campylobacter mais elle nécessite des moyens trop coûteux qui ne peuvent être généralisés à l’ensemble des élevages (air filtré, barrières strictes…) », a introduit Pedro Medel, de l’Institut de recherche espagnol Imasde et coordinateur du projet. « L’objet de Campybro était d’explorer deux stratégies complémentaires : la solution à court terme des additifs alimentaires et celle à plus long terme de la vaccination (voir ci-contre). L’Anses et l’Imasde ont réalisé en parallèle une série de tests pour évaluer l’efficacité de 24 additifs alimentaires, de la famille des probiotiques, des acides organiques, des prébiotiques et des extraits végétaux. Les résultats se sont révélés assez décevants. « Aucun produit n’est capable d’empêcher la colonisation, a présenté Muriel Guyard, de l’Anses. Une réduction d’un facteur de 10 à 100 a parfois été constatée à J35 ou J42. Toutefois, les résultats ne sont pas toujours reproductibles entre les tests in vitro, en animalerie puis en conditions terrain." Il n’y a pas de synergie entre les combinaisons d’additifs testés. De même, les essais associant un additif et un aliment fonctionnel — blé entier et son d’avoine — n’ont pas été concluants. « Les résultats parfois contradictoires d’un essai à l’autre, sont très durs à interpréter. Ils montrent une forte variabilité individuelle chez le poulet vis-à-vis de la contamination par Campylobacter. »

L’effet cumulé de différentes stratégies de lutte

D’autres essais en conditions terrain vont être prochainement publiés. « Une des pistes explorées en dinde et qui s’avère intéressante, porte sur une mise à jeun de huit heures avant abattage, associée à un traitement dans l’eau contenant des acides organiques et un probiotique », ont expliqué Julie Mayot de la FIA et Yannick Carré, du Cidef. Même si la stratégie nutritionnelle n’a pas été à la hauteur des espoirs, elle ne doit pas être écartée. Deux nouveaux projets de recherche devraient démarrer début 2017 : le programme Valorial Recap, piloté par l’Anses porte sur l’intérêt des additifs associés à une désinfection de la litière en cours de lot. « On part de l’hypothèse que la contamination intestinale est entretenue par celle de la litière », explique Marianne Chemaly, responsable de l’unité HQPAP à l’Anses. S’il est accepté, le projet européen E-Poult s’intéressera à différentes combinaisons de stratégies (additif + vaccination, biosécurité + vaccination, biosécurité + additif). L’idée est de cumuler l’ensemble des moyens de lutte qui contribuent chacun à leur niveau à réduire la colonisation. « Pour atteindre la réduction de 2 à 3 logs définie par l’Efsa comme ayant un impact significatif sur les campylobactérioses humaines, on compte sur une réduction du niveau de contamination de 1 à 1,5 log sur le maillon élevage et de 1,5 log supplémentaire sur le maillon abattage », souligne Marianne Chemaly.

Pas d’impact du ressuyage sur les carcasses trop contaminées

Dans le cadre du projet Camchain, l’Anses a travaillé sur les paramètres de refroidissement optimum des carcasses pour réduire la prévalence de Campylobacter. L’agence a utilisé un pilote qui permettait de reproduire les conditions de ressuyage en faisant évoluer le taux d’humidité, la température, la vitesse d’air et le niveau de contamination. « Les résultats montrent que la durée du ressuyage réduit la contamination des cuisses de poulet lorsque le niveau initial est inférieur à 1000 UFC/g de Campylobacter (jusqu’à 1,5 log). Au-delà, le ressuyage n’a pas d’effet », souligne Marianne Chemaly. Ces travaux démontrent à nouveau que la réduction de la contamination doit d’abord se faire en amont de la filière.

Une implication probable des bovins

Le programme de recherche Bovica s’intéresse à l’implication des bovins dans les campylobactérioses humaines, qui serait presqu’aussi importante que celle de la volaille. Des premiers résultats ont montré un lien entre les souches bovines et les souches humaines de Campylobacter jejuni. Une enquête de prévalence en cours dans un abattoir vise à confirmer cette implication et à comprendre le schéma de transmission qui diffère de celui de la volaille. Contrairement à la viande de volaille, la viande bovine n’est pas contaminée par Campylobacter. « Sans minimiser le rôle de la filière volaille vis-à-vis de Campylobacter, ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles investigations », note Marianne Chemaly.

La vaccination, une voie de lutte à moyen terme

Les récents résultats de l’Anses sur la recherche de vaccins contre Campylobacter sont prometteurs. La voie de la vaccination comme moyen de lutte contre la colonisation intestinale des volailles par Camplybacter est explorée depuis 2013 par l’Anses de Ploufragan, dans le cadre du projet européen Campybro. À l’heure actuelle, il n’existe pas de vaccins commerciaux contre la bactérie. Les recherches de vaccination réalisées jusqu’à présent à l’étranger s’étaient révélées infructueuses. L’Anses a cette fois-ci utilisé la technologie relativement récente de la vaccinologie inverse, une méthode d’analyse bioinformatique du génome de la bactérie. Elle a permis d’identifier une quinzaine de nouvelles protéines potentiellement immunogènes du génome de la souche C. jejuni 81-176. « L’idée étant d’aboutir à un vaccin conçu à partir de cette souche qui soit efficace contre un maximum de souches de C. jejuni et C. coli », a expliqué Marine Meunier, de l’Anses, à l’occasion de la matinée sur les actualités en pathologie aviaire du Space. Un second volet du projet de recherche a permis de définir le protocole de vaccination idéal pour évaluer l’efficacité in vivo de ces antigènes : il consiste en une double injection intramusculaire à J5 (antigène sous forme d’ADN) puis J12 (protéine) avec une infection expérimentale orale vers trois semaines. Sortis cet été, les résultats du premier test de vaccination sur des poulets conventionnels réalisés à partir de six des antigènes vaccinaux candidats se sont révélés encourageants. « Quatre ont permis une réduction de la colonisation de 2 à 4,2 log10 d’UFC/g. L’un d’eux s’est fortement démarqué avec un faible écart type », explique Marine Meunier. Ces résultats vont être confirmés lors d’une prochaine expérimentation.

La recherche de vaccins, qui n’en est qu’au stade expérimental, laisse toutefois entrevoir une voie de lutte prometteuse qui ne pourra aboutir qu’à moyen ou long terme. Une administration par injection est difficilement applicable en élevage. L’idéal serait une vaccination par voie orale, voire in ovo. Restera également la question du maillon qui prendra en charge le coût du vaccin, sachant que la bactérie n’impacte pas la santé des volailles.

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